Les Rencontres de Niort sous le signe de la jeune création

12 avril 2023   •  
Écrit par Milena III
Les Rencontres de Niort sous le signe de la jeune création

Les Rencontres internationales de la photographie de Niort fêtent leur 28e édition ! Pour l’occasion, dix-neuf artistes émergent·es venu·es des quatre coins du monde sont invité·es à échanger dans le cadre d’un véritable laboratoire artistique, et sont exposé·es dans des lieux de la ville de Niort, pour une durée de deux mois.

« Les premières rencontres de Niort remontent à 1994. Le concept a toujours été le même : offrir un espace de temps et de lieu dédié à la création, où la seule préoccupation est la démarche artistique. Lorsque l’on sort des études, que l’on est jeune créateurice, à quel moment prend-on du temps pour expérimenter ? Pour tenter des choses ? Nous nous sommes rendu·es compte qu’il y avait assez peu de place pour cela. Rassembler des identités culturelles diverses, enrichir la réflexion de chacun·e grâce à l’apport d’une personne ayant derrière elle une longue expérience artistique : voilà une idée qui nous paraissait particulièrement riche », explique Patrick Delat, directeur artistique et co-fondateur de l’évènement. Sur une quinzaine de jours, huit jeunes talents émergents et internationaux, sélectionnés sur dossier, se rencontrent autour d’une résidence. Celleux-ci bénéficient de ce temps précieux, d’un cadre privilégié – puisqu’iels sont accueilli·es au cœur du Fort Foucault – ainsi que du soutien de tout une équipe de professionnel·les et de bénévoles. Et ce, afin de pouvoir réaliser un défi de taille : produire une série d’images en lien avec le territoire et ses habitant·es, qui sera ensuite exposée dans différents lieux de la ville. À noter : iels présenteront les fruits de leur démarche les 14 et 15 avril prochains.

© Rachele Maistrello / Courtesy of the artist and Rencontres de la jeune photographie internationale de Niort© Rachele Maistrello / Courtesy of the artist and Rencontres de la jeune photographie internationale de Niort

© Rachele Maistrello / Courtesy of the artist and Rencontres de la jeune photographie internationale de Niort

Imaginaire artificiel et escargots iconophages

« La photographie va de pair avec l’immortalité. L’idée que notre image va perdurer. Mais c’est faux : elle va mourir. J’ai donc voulu me tourner vers les images malades, abîmées par un environnement un peu hostile et qui ne sont pas en train d’accomplir ce mandat de mémoire. Que se produit-il lorsque la photographie souffre de l’Alzheimer ? », interroge Joan Fontcuberta dans le cadre d’un entretien scénographié, mené par Brigitte Patient. Joan Fontcuberta recherche la fragilité en toute chose. Et s’intéresse pour cela aux fonctions thérapeutiques, religieuses, symboliques ou sociales que l’on peut attribuer aux relations des humain·es avec l’image.

L’ensemble qu’il expose à la Villa Pérochon, intitulé Monstres, nourrit une réflexion générale sur le passage de la photo d’un ancien monde à un nouveau régime. Au regard des évolutions récentes dans la conception de la création, de la propriété auctoriale, des apports de la technologie et dans la perception même du réel, il nous faut penser la trace de ce qui demeure. « Nous nous trouvons au cœur d’une étape poétique et bouleversante, où la photo est en train de perdre son poids, mais son âme reste », affirme-t-il. Reconnaître que « toute photographie est amenée à disparaître », c’est embrasser une humanité éphémère et mortelle. Sa dernière technique artistique ? Laisser des escargots manger des images d’art. « Le thème de l’iconophagie, c’est-à-dire l’acte de manger des images, m’intéresse beaucoup », explique l’artiste. Une pratique qui l’aura inspiré au point de créer une performance où il ingurgite lui-même les escargots consommateurs de fragments d’œuvres. Vouloir faire corps avec l’image serait-elle une idée farfelue ? Ou une simple expérience alternative du médium ?

Invité d’honneur de cette édition, l’artiste espagnol partage l’enthousiasme de Patrick Delat à prendre part à une aventure photographique jeune, dynamique et passionnée, entourée par des infrastructures dédiées. « J’ai débuté la photographie dans l’étrange, c’est-à-dire à un moment où il n’y avait pas de festival, d’école, de maisons d’édition… où tout était encore à faire. Je me sens très solidaire de celles et ceux qui ont créé ces initiatives », confie-t-il. Le dialogue avec les jeunes générations lui est toujours apparu comme fondamental : c’est pourquoi Joan Fontcuberta accompagne et reste à la disposition des sept jeunes résident·es le temps de leur entreprise de création. Le tout dans une atmosphère où règne un esprit de bienveillance. La thématique centrale des Rencontres de cette année étant l’intelligence artificielle et les questions très actuelles qu’elle soulève, nombreux sont les liens qui se tissent entre les travaux de Joan Fontcuberta et ceux des auteurices présenté·es à Niort.

© Joan Fontcuberta / Courtesy of the artist and Rencontres de la jeune photographie internationale de Niort

© Joan Fontcuberta / Courtesy of the artist and Rencontres de la jeune photographie internationale de Niort

Fin du monde, hip-hop et zombies

Un ensemble d’expositions, constitué d’anciens travaux des résident·es, des nouvelles œuvres d’ancien·nes résident·es et d’artistes invité·es seront également visibles jusqu’au 27 mai, dans des lieux symboliques de la ville de Niort : la Villa Pérochon, le Pilori, la Médiathèque Pierre-Moinot, au Séchoir… À la Médiathèque, la promotion 2023 présente les travaux pour lesquels elle a été sélectionnée. Les visiteurices pourront ainsi découvrir l’œuvre de Chloé Milos Azzopardi, qui partage avec Joan Fontcuberta un désir de restaurer notre curiosité envers le vivant avec lequel on cohabite. Dans la même lignée, Valia Russo, avec sa série Here, the world comes to an end more quietly  tente de « trouver des indices de ce qui, dans le présent, serait déjà l’annonce d’une fin du monde ». France-Lan Lê Vu, à travers des images éphémères et proches de l’effacement, capte ce qu’il reste des lieux explorés. Romy Alizée, quant à elle, présente une série où les hommes, habitués à se trouver au centre de l’image et de sa réalisation, prennent la place des meubles pour progressivement s’effacer complètement de l’image.

Le public, en déambulant à travers le cadre atypique de la ville de Niort, peut également découvrir les dernières séries de David Fathi et Soham Gupta, anciens participants de la manifestation artistique. Le travail vidéo du premier emploie l’intelligence artificielle pour venir zombifier des hommes politiques violents, tandis que le second photographie une jeunesse marginalisée au Bangladesh, cultivant un style hip-hop inspiré de ce qui circule sur Internet. Invité pour l’ouverture des Rencontres, le directeur d’Athens Photo Festival, Manolis Moresopoulos, présente également le talent de photographes grec·ques. Parmi elleux, Ioanna Sakellaraki livre certains de ses poèmes épiques, et Yiannis Theodoropoulos utilise des objets du quotidien pour créer des univers inattendus et éphémères. Les images de Sylvie Bussières, dont les tirages sont le résultat d’un va-et-vient entre dessin et illusion du réel et de la nature, trouvent leur place au cœur d’un écrin tout à fait adapté, dans la galerie Desmettre. L’Italienne Rachele Maistrello, enfin, développe une véritable épopée sous-marine mi-scientifique, mi-fictive. Une œuvre qui entre en résonance directe avec l’ambition de Joan Fontcuberta et de cette 28e édition des Rencontres : dépasser les dualités entre mensonge et vérité, virtuel et réel, tout en faisant l’éloge de l’imaginaire.

© Ioanna Sakellaraki / Courtesy of the artist and Rencontres de la jeune photographie internationale de Niort© Ioanna Sakellaraki / Courtesy of the artist and Rencontres de la jeune photographie internationale de Niort

© Ioanna Sakellaraki / Courtesy of the artist and Rencontres de la jeune photographie internationale de Niort

© Chloé Milos Azzopardi / Courtesy of the artist and Rencontres de la jeune photographie internationale de Niort© Chloé Milos Azzopardi / Courtesy of the artist and Rencontres de la jeune photographie internationale de Niort

© Chloé Milos Azzopardi / Courtesy of the artist and Rencontres de la jeune photographie internationale de Niort

© Valia Russo / Courtesy of the artist and Rencontres de la jeune photographie internationale de Niort© Valia Russo / Courtesy of the artist and Rencontres de la jeune photographie internationale de Niort

© Valia Russo / Courtesy of the artist and Rencontres de la jeune photographie internationale de Niort

© Md Fazla Rabbi Fatiq / Courtesy of the artist and Rencontres de la jeune photographie internationale de Niort© Md Fazla Rabbi Fatiq / Courtesy of the artist and Rencontres de la jeune photographie internationale de Niort

© Md Fazla Rabbi Fatiq / Courtesy of the artist and Rencontres de la jeune photographie internationale de Niort

© France-Lan Lê Vu / Courtesy of the artist and Rencontres de la jeune photographie internationale de Niort

© France-Lan Lê Vu / Courtesy of the artist and Rencontres de la jeune photographie internationale de Niort

© Romy Alizée / Courtesy of the artist and Rencontres de la jeune photographie internationale de Niort

© Romy Alizée / Courtesy of the artist and Rencontres de la jeune photographie internationale de Niort

Image d’ouverture : © Chloé Milos Azzopardi / Courtesy of the artist and Rencontres de la jeune photographie internationale de Niort

Explorez
Les coups de cœur #567 : Himanshu Vats et Grant Harder
© Grant Harder
Les coups de cœur #567 : Himanshu Vats et Grant Harder
Himanshu Vats et Grant Harder, nos coups de cœur de la semaine, explorent la nature, et les liens qu’elle entretient avec les humains. Le...
01 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 24 novembre 2025 : héritage, métamorphose et nature
Anish © Arhant Shrestha
Les images de la semaine du 24 novembre 2025 : héritage, métamorphose et nature
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye vous parlent d’héritage et de métamorphoses, et vous offrent même une autre...
30 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
À Chaumont-Photo-sur-Loire 2025, la nature se révèle picturale et sculpturale 
© Guillaume Barth
À Chaumont-Photo-sur-Loire 2025, la nature se révèle picturale et sculpturale 
Jusqu’au 22 février 2026, Chaumont-Photo-sur-Loire vous donne rendez-vous avec la nature. Pour sa 8e édition, l’événement accueille...
28 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
La précieuse fragilité selon le festival FLOW#1
Les Fossiles du futur, Synesthésies océaniques © Laure Winants, Fondation Tara Océan
La précieuse fragilité selon le festival FLOW#1
Du 20 septembre au 30 octobre 2025 s’est tenue la première édition de FLOW, un parcours culturel ambitieux imaginé par The Eyes...
13 novembre 2025   •  
Écrit par Fabrice Laroche
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les coups de cœur #568 : Bastien Bilheux et Thao-Ly
© Bastien Bilheux
Les coups de cœur #568 : Bastien Bilheux et Thao-Ly
Bastien Bilheux et Thao-Ly, nos coups de cœur de la semaine, vous plongent dans deux récits différents qui ont en commun un aspect...
08 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les images de la semaine du 1er décembre 2025 : surface et profondeur
© Carla Rossi
Les images de la semaine du 1er décembre 2025 : surface et profondeur
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les photographes publiés sur les pages de Fisheye s’intéressent autant à la surface qu’à la...
07 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Dörte Eißfeldt, lauréate du prix Viviane Esders 2025
© Dörte Eißfeldt
Dörte Eißfeldt, lauréate du prix Viviane Esders 2025
Dörte Eißfeldt reçoit le prix Viviane Esders 2025 pour une œuvre qui repousse les frontières du médium, alliant rigueur conceptuelle et...
06 décembre 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
3 livres à offrir à Noël : réel, fiction et mode
Dior par Yuriko Takagi © Yuriko Takagi
3 livres à offrir à Noël : réel, fiction et mode
Noël approche. À cette occasion, la rédaction de Fisheye vous concocte des sélections de ses livres photo préférés, que vous...
05 décembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine