Le logis abbatial de l’abbaye de Jumièges accueille Ruines – variations photographiques jusqu’au 21 mai 2023. Toutes et tous originaires de Seine-Maritime, les neuf photographes exposé·es donnent à voir leurs différents regards sur l’idée de ruine, d’abandon ou encore de dévastation.
Surnommée « la plus belle ruine de France », l’abbaye de Jumièges, située au cœur de la Seine-Maritime, propose une exposition collégiale questionnant un sujet qui lui est cher : la représentation de ruines. Souvent associées à des amas de débris d’édifices à l’abandon, celles-ci peuvent être tant sublimes, misérables qu’énigmatiques. Mais, elles sont avant tout un puits sans fond d’histoires et d’anecdotes. L’exposition intitulée Ruines – variations photographiques, conçue par Jeanne Taconnet, se compose de clichés de neuf photographes seino-marin·es. Le regard personnel de chaque artiste et leur libre interprétation du sujet offrent une vision multiple de l’évolution de cet objet dans l’histoire de l’art, d’hier à aujourd’hui. De l’impact d’une ruine sur l’environnement à la simple représentation artistique que l’on peut s’en faire, l’événement présente un parcours complet de tous ces vestiges inachevés ou détériorés.
© Julie Pradier
Des visions diversifiées
« Il y a comme un lien de famille entre l’acte photographique et la ruine, entre la capture et le vestige, une sorte de lutte commune contre la disparition et je crois avoir toujours été sensible aux travaux photographiques dont l’objet était justement de répertorier des ruines ou presque ruines », confie Alexandra Fleurantin. Dans Death Valley, la photographe capture les stigmates du passé industriel révolu des vallées de la Suisse Normande. Ce sujet fait écho à celui de Coline Jourdan avec Soulever la poussière. Cette dernière y interroge l’extractivisme minier sur l’ancienne mine d’or et d’arsenic de Salsigne, dans l’Aude. Par leurs séries, les deux artistes exposent l’impact d’un passé minier ou industriel sur les paysages et l’environnement. « La ruine n’est plus seulement une relique romantique d’un événement passé, elle remet en question l’opposition de l’homme à la nature, et des rapports destructeurs que l’homme entretient avec son environnement. » se désole Coline Jourdan.
Artiste plasticien, Thomas Cartron crée des récits qui font également écho aux enjeux de notre société actuelle. Il s’intéresse précisément à l’essence de la photographie, de ce qu’il en reste lorsque le médium disparait et ce qu’elle ne montre pas lorsqu’elle apparait. Ses visuels interpellent et prennent vie pour conter une épopée moderne des notions de ruine, de résistance et de trace. À l’instar de Thomas Cartron, Julie Pradier présente des ruines modernes, des infrastructures de loisirs ou encore des constructions militaires. Dans Europe, after the rain, la photographe expose des clichés d’une construction naufragée à Brighton. Petit à petit, cette ruine devient épave et se fait engloutir par la mer.« Photographier le paysage peut apparaître comme une manifestation de notre inquiétude face à l’histoire et à un avenir tout aussi incertain. Mais c’est aussi une projection de nos désirs et croyances, une forme de liberté face à la disparition inéluctable », conclut-elle. Les travaux de Louise Brunnodottir, Marie-Hélène Labat, Nikodio, Perrine Fliecx et Anya Tikhomirova sont également à découvrir au cours de cette exposition.
© Coline Jourdan
© à g. Alexandra Fleurantin, à d. Perrine Fliecx
© Thomas Cartron
Image d’ouverture : © Thomas Cartron