L’étrange magie de l’enfance

22 février 2019   •  
Écrit par Maria Teresa Neira
L'étrange magie de l'enfance

La photographe documentaire Polly Alderton vit  avec son mari et ses quatre enfants dans l’est de l’Angleterre. Elle signe The Devil Won’t Keep, un album de famille décalé et nostalgique.

Souvent, en feuilletant les albums de famille, on a envie d’arrêter le temps et d’immortaliser les êtres chers. La photographe Sally Mann s’est fait connaître en 1992 avec la publication de son livre Immediate Family. Elle répondait dans l’ouvrage à une polémique. On lui reprochait son exhibitionnisme à l’égard de sa famille et de ses enfants. Les nus et autres poses provocantes ont choqué. Polly Alderton a toujours photographié sa famille. Ses enfants, ses sœurs et ses parents constituaient ses modèles favoris. Adulte, elle capture le quotidien de son mari et de ses quatre enfants. Il y a quatre ans seulement, Polly Alderton a donné forme à la série The Devil Won’t Keep, rassemblant des photographies prises dans sa maison et aux alentours. L’occasion de concrétiser un travail intuitif, qu’elle avait entamé de façon inconsciente. « Prendre des photos, ça fait partie de notre vie. C’est familier et je l’ai toujours fait sans me poser de questions », constate-t-elle. Cette pratique donne lieu à des images intimes, spontanées et amusantes. Pourtant, son travail mêle cette innocence propre à l’enfance et des thématiques plus troublantes comme la peur de la mort et de l’abandon.

L’insouciance et la perte

« Ma plus grande peur est qu’un jour je quitterai cette vie et je devrai laisser à mes enfants un portrait de ce qu’ils représentaient pour moi. Ce travail deviendra à son tour un souvenir de moi »,

confesse-t-elle. Préoccupée par la fuite du temps, elle crée un univers nostalgique, inspirée par des photographes comme Richard Billingham, auteur du livre Ray’s a Laugh (1996) et des cinéastes comme Gus van Sant. Son travail, aux résonances cinématographiques, aborde les thèmes de la perte, de l’éphémère et de l’étrangeté de l’enfance. Le titre de la série fait référence au diable, et évoque la fuite du temps et la disparition. « C’est parfois accablant d’être mère. J’ai grandi avec la peur de l’abandon. Avec ce travail, j’ai essayé de me guérir moi-même, de ré-imaginer ma propre enfance et de grandir aux côtés de mes enfants. » Pourtant, The Devil Won’t Keep respire l’insouciance de l’enfance et du jeu. Polly Alderton se dit inspirée par Tierney Gearon, photographe auteure du documentaire The Mother Project (2006). Dans ce travail, elle raconte comment elle a grandi et s’est reconstruit aux côtés de ses enfants. « Cette idée de se guérir a toujours résonné en moi. Je pense que je fais la série pour mes enfants, mais c’est aussi pour moi », confie Polly Alderton. « C’est finalement un travail qui ne vise personne, je l’ai juste fait comme beaucoup de parents qui photographient leurs enfants », déclare-t-elle. La série, comme tout album de famille, n’est pas achevée. Un objet qui immortalise des scènes éphémères et saisit la magie troublante de l’enfance.

© Polly Alderton © Polly Alderton © Polly Alderton © Polly Alderton © Polly Alderton © Polly Alderton © Polly Alderton © Polly Alderton

© Polly Alderton© Polly Alderton

© Polly Alderton

© Polly Alderton

Explorez
In South Korea : Dorian Prost éclaire les contrastes d’un pays en mutation
© Dorian Prost. In South Korea
In South Korea : Dorian Prost éclaire les contrastes d’un pays en mutation
Alors que l’actualité sud-coréenne oscille entre crises politiques et rayonnement culturel, In South Korea de Dorian Prost offre une...
Il y a 2 heures   •  
Écrit par Cassandre Thomas
L’œuvre de Dennis Morris, photographe de Bob Marley et des Sex Pistols, se dévoile à la MEP
Sid Vicious, Stockholm, Suède, 25 juillet 1977 © Dennis Morris
L’œuvre de Dennis Morris, photographe de Bob Marley et des Sex Pistols, se dévoile à la MEP
Jusqu’au 18 mai 2025, la MEP accueille Music + Life, la première rétrospective consacrée à Dennis Morris en France. Comme son nom...
08 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
CHROMOTHERAPIA : la photographie couleur à la villa Médicis
© Martin Parr
CHROMOTHERAPIA : la photographie couleur à la villa Médicis
Avec CHROMOTHERAPIA. La photographie couleur qui vous fait du bien, la villa Médicis retrace l’histoire de ce médium, longtemps relégué à...
06 février 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Theo Wenner : True detectives
Le sergent Brennan montre un impact de balle qui pourrait suggérer que le tireur a poursuivi la victime dans l'escalier avant de la tuer © Theo Wenner
Theo Wenner : True detectives
Theo Wenner est le premier photographe à avoir pu s’immiscer dans le quotidien de la division homicide du New York City Police...
06 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
La sélection Instagram #493 : aimer l'amour
© Giovanni Mourin / Instagram
La sélection Instagram #493 : aimer l’amour
Romance, amitié, famille, notre sélection Instagram de la semaine célèbre l’amour sous toutes ses formes, sous toutes ses expressions et...
Il y a 2 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
In South Korea : Dorian Prost éclaire les contrastes d’un pays en mutation
© Dorian Prost. In South Korea
In South Korea : Dorian Prost éclaire les contrastes d’un pays en mutation
Alors que l’actualité sud-coréenne oscille entre crises politiques et rayonnement culturel, In South Korea de Dorian Prost offre une...
Il y a 2 heures   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Dans l'œil de Chia Huang : danse houleuse au night market
© Chia Huang. Looks through the fishes, de la série Silence is Speaking.
Dans l’œil de Chia Huang : danse houleuse au night market
Cette semaine, à l’occasion de l’exposition Silence is Speaking, présentée au Studio de la MEP jusqu'au 3 mars 2025, nous plongeons dans...
10 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #531 : Carmen Cabello et Yorgos Kapsalakis
© Carmen Cabello
Les coups de cœur #531 : Carmen Cabello et Yorgos Kapsalakis
Carmen Cabello et Yorgos Kapsalakis, nos coups de cœur de la semaine, nous entraînent dans deux balades visuelles et poétiques où il est...
10 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger