« L’Invisible » ou le secret des énergies

30 octobre 2020   •  
Écrit par Julien Hory
« L’Invisible » ou le secret des énergies

Paru au courant de l’été aux éditions Isabelle Sauvage, L’Invisible présente les travaux récents de la photographe Juliette Agnel. Réalisé après une résidence dans les monts d’Arrée, cet ouvrage tente de rendre compte des énergies insaisissables des lieux.

« Je suis une photographe monomaniaque. » C’est ainsi que se définit Juliette Agnel. Cette artiste, née en 1973 et diplômée des Beaux-Arts de Paris, a fait des forces insaisissables de la nature un objet de recherche débuté alors qu’elle était encore étudiante. « Pour un cours, explique la photographe, nous devions choisir un objet et le transformer. J’ai choisi un marron, et je me suis appuyée sur le médium photographique pour effectuer cette transformation. Cet exercice m’a amenée à des sensations vives. J’ai eu l’impression de pénétrer l’âme du marron, de saisir l’essence même de son être. C’est un peu le point de départ inconscient des images que je présente aujourd’hui ».

Pour construire le projet qui allait devenir sa série L’Invisible, Juliette Agnel se concentre tout d’abord sur les fougères. Dans une démarche presque scientifique, elle en répertorie les différents aspects jusqu’à aboutir à un épuisement des formes et que la plante révèle ses caractères insaisissables. Mais c’est à l’invitation d’Isabelle Sauvage, éditrice de l’ouvrage, pour une résidence artistique dans l’ancienne poste de Plounéour-Ménez (Finistère), que la photographe a donné une orientation plus large à son projet. « Isabelle souhaitait faire entrer la photographie dans sa résidence. C’est pour cela qu’elle m’a contactée », se souvient-elle.

© Juliette Agnel / Courtesy Galerie Françoise Paviot

Les monts d’Arrée, un lieu mystique

Démarre alors une exploration sensorielle dans les monts d’Arrée, un lieu mystique rempli de légendes. Pour réaliser ses clichés, Juliette Agnel explore les profondeurs des forêts qui l’entourent. Mais c’est une nouvelle rencontre qui confèrera à L’invisible la dimension presque mystique qu’il recouvre aujourd’hui. C’est en partant à la rencontre des gens qui font ce terroir unique qu’elle fait la connaissance de Yann Gilbert, géobiologue, dont les mots parcourent l’ouvrage de la photographe. Pour beaucoup, la géobiologie est une pratique obscure. Ce savoir alternatif, proche de la radiesthésie, a pour objet l’étude des rapports de l’évolution cosmique et géologique de la planète avec celle de la matière vivante.

« Dans le travail que je fais, explique Yann Gilbert, il y a vraiment cette idée que le monde est capable de faire énormément de choses. Mais d’un point de vue énergétique, ça a besoin de notre intercession. » C’est donc presque comme un médiateur des énergies que le géobiologue intervient. Ces énergies sont au centre du projet de Juliette Agnel. Dans beaucoup de ses images rien de ces forces impalpables ne paraît, pourtant l’artiste l’affirme, elles sont bien là. Elles fonctionneraient comme un réseau qui recouvrirait la planète. Les monts d’Arrée seraient alors un maillage dense d’énergies sensibles.

© Juliette Agnel / Courtesy Galerie Françoise Paviot© Juliette Agnel / Courtesy Galerie Françoise Paviot

Une des portes de l’Enfer

Les mystères qui entourent cet espace se retrouvent dans les contes évoquant les chevaliers de la Table ronde et ces forêts abriteraient une des portes de l’Enfer. Ces croyances ont contribué a façonner le paysage des monts d’Arrée. Les menhirs, dolmens, chapelles, qui peuplent la forêt sont en quelque sorte une représentation concrète de l’invisible qui nous occupe ici. En cela, la masse photographique que représente le travail de Juliette Agnel peut apparaître comme une cartographie des énergies en œuvre, une cartographie que certains pourront penser imaginaire.

Cette tentative de capter l’invisible pourrait ainsi paraître vaine, et la photographe en a bien conscience : « En définitive, mon idée de photographier l’invisible est impossible, nous sommes dans le ressenti pur, loin de la forme telle que nous la concevons. » Cette irréalisable représentation, elle la résume très bien dans un film réalisé en parallèle de L’invisible et dont le titre est révélateur : Je sens avec les mains. Et pour compléter l’expérience, Juliette Agnel présente une partie de cette série et de ses travaux précédents à l’occasion de La Mémoire des Roches, une exposition bien visible jusqu’au 31 décembre à la Galerie L’Imagerie, à Lannion.

 

L’Invisible, éditions Isabelle Sauvage, 22€, 130 p.

 

La Mémoire des Roches – Galerie L’Imagerie

Jusqu’au 31 décembre 2020

19 rue Savidan, 22300 Lannion

© Juliette Agnel / Courtesy Galerie Françoise Paviot© Juliette Agnel / Courtesy Galerie Françoise Paviot
© Juliette Agnel / Courtesy Galerie Françoise Paviot

© Juliette Agnel / Courtesy Galerie Françoise Paviot

© Juliette Agnel / Courtesy Galerie Françoise Paviot

Explorez
Focus #66 : Almudena Romero et ses photographies sur plantes
06:41
© Fisheye Magazine
Focus #66 : Almudena Romero et ses photographies sur plantes
C’est l’heure du rendez-vous Focus ! Cette semaine, Almudena Romero décline, dans The Pigment Change, des créations aussi intrigantes que...
Il y a 4 heures   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Chaumont-Photo-sur-Loire : l'émerveillement de nature
© Loredana Nemes
Chaumont-Photo-sur-Loire : l’émerveillement de nature
Comme à l’accoutumée, Chaumont-Photo-sur-Loire investit le domaine qui inspire son nom le temps de la saison froide. Six photographes...
28 novembre 2023   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Feræ : Aurélie Scouarnec et sa faune sauv(et)age
© Aurélie Scouarnec
Feræ : Aurélie Scouarnec et sa faune sauv(et)age
C’est au centre de soins pour animaux sauvages Faune Alfort, entre la tendresse du personnel soignant et la détresse de la faune sauvage...
23 novembre 2023   •  
Écrit par Ana Corderot
Agence MYOP : les animaux au cœur d’une vente de tirages ! 
"La soumission du chien face à l’être humain m’a toujours fasciné. Je pense que l’homme ou la femme ont besoin d’affirmer leur supériorité face à l’animal domestique, cela les rassure. Personnellement, j’ai toujours préféré la résistance féline de ma chatte Gigi." Toulouse, France, 2009 © Ulrich Lebeuf
Agence MYOP : les animaux au cœur d’une vente de tirages ! 
L’Agence MYOP organise une série de ventes de tirages sur des thématiques du quotidien. Et ce sont les animaux qui ont été sélectionnés...
20 novembre 2023   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Focus #66 : Almudena Romero et ses photographies sur plantes
06:41
© Fisheye Magazine
Focus #66 : Almudena Romero et ses photographies sur plantes
C’est l’heure du rendez-vous Focus ! Cette semaine, Almudena Romero décline, dans The Pigment Change, des créations aussi intrigantes que...
Il y a 4 heures   •  
Écrit par Lou Tsatsas
La vente aux enchères Phillips célèbre le Paris du 20e siècle ! 
The Eye of Love © René Groebli
La vente aux enchères Phillips célèbre le Paris du 20e siècle ! 
Le 30 novembre 2023, Phillips présente Impressions Parisiennes : Une Collection de Photographies, une grande vente aux enchères de 66...
Il y a 8 heures   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Mexico Extatique : Charles-Henry Bédué convoque la transe par la danse
© Charles-Henry Bédué
Mexico Extatique : Charles-Henry Bédué convoque la transe par la danse
Fleurs bariolées, perruques et maquillages, feux d’artifice, danses lascives et rapprochements fugaces, c’est lors de fêtes – dans les...
29 novembre 2023   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Un rapport au monde : le nouvel épisode du podcast du réseau Diagonal à ne pas rater !
Photographie réalisée par un•e des participant•es, projet « Para(normal) / Klasma » développé par Destin Sensible et le photographe Boris Rogez avec un groupe de jeunes résident•es de l’Institut d’Éducation Motrice Christian Dabbadie de Villeuneuve-d’Asq. Entre les images 2019/2020. Droits réservés.
Un rapport au monde : le nouvel épisode du podcast du réseau Diagonal à ne pas rater !
« Un rapport au monde », dernier épisode de la série de podcasts initié en février 2020 par le réseau Diagonal pour enrichir son...
29 novembre 2023   •  
Écrit par Lou Tsatsas