Dans son livre Lowlife, Reda explore la scène lowride européenne. Plus qu’une tendance, pour ceux qui pratiquent cette mécanique, c’est un mode de vie. Immersion dans cette culture venue des Chicanos de la west coast américaine.
Des codes, des symboles, des mouvements, la culture hip-hop en regorge. Parmi eux, le lowriding (roulé bas) est peut-être l’un des plus méconnus en Europe. Pourtant, cette pratique initiée par les Chicanos américains possède une identité propre et reflète une histoire singulière. Dans la préface de son ouvrage Lowlife, édité par L.A. Chicano Cultura, Reda revient sur les origines du lowriding. Il serait issu de la tradition du Paseo mexicain. Dans cette coutume, les garçons et les filles se réunissaient en centre-ville afin de se jauger tout en flirtant. Certains des jeunes hommes, cavaliers, préparaient leur monture avec luxe et s’habillaient avec soin afin de se faire remarquer.
Des décennies plus tard, les voitures ont remplacé les chevaux. À partir des années 1950, les premiers lowriders apparaissent en Californie du Sud et abaissent leurs véhicules pour se démarquer des autres conducteurs. En 1958, les législateurs de la Californie déclarent le lowriding illégal. C’est ainsi qu’un mécanicien développe un système de suspensions hérité de l’aviation permettant d’abaisser et de relever une voiture grâce à un commutateur, et ainsi de contourner la loi. Le lowriding moderne était né.
La west coast de Cypress Hill
Le lowriding, Reda l’a découvert à travers les clips de hip-hop, notamment l’emblématique groupe de la west coast, Cypress Hill. Celui qui, plus jeune, se rêvait basketteur n’avait alors pas envisagé de devenir photographe. Une blessure brisant sa carrière sportive, il s’est tout d’abord tourné vers la musique. Il s’en souvient : « Pour moi, la musique a été une sorte de palliatif, un remède. Mon truc, c’était surtout le reggae. Je fréquentais les sound systems parisiens (notamment Party Time Sound System). Je prenais déjà quelques photos de ces fêtes sans vraiment d’ambition dans ce domaine. »
C’est suite aux conseils de son entourage, qui remarque en lui des qualités certaines, que Reda s’intéresse réellement à la photographie. Un ami lui prête un boîtier. « J’ai presque toujours shooté en numérique. L’argentique coûtait trop cher pour que je puisse faire mes classes de cette façon », confie-t-il. Devenu photographe, Reda a documenté ce que certains appellent des « sous-cultures » (sans connotation péjorative). Sa rencontre avec l’univers du lowriding sera pour lui déterminante.
Pas de wanna be
Pour approcher la communauté des lowriders, il faut se faire accepter. Avec le temps, il a fini par gagner leur confiance, et même la sympathie d’Estevan Oriol, figure importante de cette culture, photographe et réalisateur de nombreux clips (Snoop Dogg, Eminem et, bien sûr, Cypress Hill). « J’ai commencé à me rendre dans la plupart des évènements liés à cette culture en France, en Allemagne, en Belgique… À force de venir, en étant respectueux, j’ai fini pas être accepté. Au final, un mec m’a dit : « Tu es l’œil de ce mouvement, tu transmets justement notre culture.» La machine était lancée.» Le livre Lowlife, disponible à la rentrée, retrace ainsi les différents chapitres européens de ce mouvement de passionnés aux valeurs familiales et entières.
Passionné, il faut l’être pour être lowrider en Europe. « La quasi-totalité du matériel est importée des États-Unis, les voitures arrivent en mauvais état, il faut tout retaper de A à Z. Il faut de la patience, un budget et de l’entraide. » Résultat, des engins rutilants qui n’ont rien à envier à leurs aînés américains. Bien qu’en Europe, le lowriding diffère de sa pratique outre-Atlantique, on en retrouve les codes jusque dans l’allure. « Ici, le lowriding est un microcosme, mais ce n’est pas communautaire comme aux États-Unis. Ce n’est pas la même histoire. Il n’y a pas de « wanna be » qui se la jouerait chicanos, ici c’est pluriculturel. Mais il y a le style. » Du style, Lowlife en déborde. Dans un noir et blanc précis, Reda rend hommage à ceux qui défendent cette culture unique.
Lowlife, édité par L.A. Chicano Cultura, 30€, 134 p.
© Reda