« Lowlife » : la west coast sur les routes d’Europe

20 août 2019   •  
Écrit par Julien Hory
« Lowlife » : la west coast sur les routes d'Europe

Dans son livre LowlifeReda explore la scène lowride européenne. Plus qu’une tendance, pour ceux qui pratiquent cette mécanique, c’est un mode de vie. Immersion dans cette culture venue des Chicanos de la west coast américaine.

Des codes, des symboles, des mouvements, la culture hip-hop en regorge. Parmi eux, le lowriding (roulé bas) est peut-être l’un des plus méconnus en Europe. Pourtant, cette pratique initiée par les Chicanos américains possède une identité propre et reflète une histoire singulière. Dans la préface de son ouvrage Lowlife, édité par L.A. Chicano Cultura, Reda revient sur les origines du lowriding.  Il serait issu de la tradition du Paseo mexicain. Dans cette coutume, les garçons et les filles se réunissaient en centre-ville afin de se jauger tout en flirtant. Certains des jeunes hommes, cavaliers, préparaient leur monture avec luxe et s’habillaient avec soin afin de se faire remarquer.

Des décennies plus tard, les voitures ont remplacé les chevaux. À partir des années 1950, les premiers lowriders apparaissent en Californie du Sud et abaissent leurs véhicules pour se démarquer des autres conducteurs. En 1958, les législateurs de la Californie déclarent le lowriding illégal. C’est ainsi qu’un mécanicien développe un système de suspensions hérité de l’aviation permettant d’abaisser et de relever une voiture grâce à un commutateur, et ainsi de contourner la loi. Le lowriding moderne était né.

© Reda

La west coast de Cypress Hill

Le lowriding, Reda l’a découvert à travers les clips de hip-hop, notamment l’emblématique groupe de la west coast, Cypress Hill. Celui qui, plus jeune, se rêvait basketteur n’avait alors pas envisagé de devenir photographe. Une blessure brisant sa carrière sportive, il s’est tout d’abord tourné vers la musique. Il s’en souvient : « Pour moi, la musique a été une sorte de palliatif, un remède. Mon truc, c’était surtout le reggae. Je fréquentais les sound systems parisiens (notamment Party Time Sound System). Je prenais déjà quelques photos de ces fêtes sans vraiment d’ambition dans ce domaine. »

C’est suite aux conseils de son entourage, qui remarque en lui des qualités certaines, que Reda s’intéresse réellement à la photographie. Un ami lui prête un boîtier. « J’ai presque toujours shooté en numérique. L’argentique coûtait trop cher pour que je puisse faire mes classes de cette façon », confie-t-il. Devenu photographe, Reda a documenté ce que certains appellent des « sous-cultures » (sans connotation péjorative). Sa rencontre avec l’univers du lowriding sera pour lui déterminante.

© Reda

Pas de wanna be

Pour approcher la communauté des lowriders, il faut se faire accepter. Avec le temps, il a fini par gagner leur confiance, et même la sympathie d’Estevan Oriol, figure importante de cette culture, photographe et réalisateur de nombreux clips (Snoop Dogg, Eminem et, bien sûr, Cypress Hill). « J’ai commencé à me rendre dans la plupart des évènements liés à cette culture en France, en Allemagne, en Belgique… À force de venir, en étant respectueux, j’ai fini pas être accepté. Au final, un mec m’a dit : « Tu es l’œil de ce mouvement, tu transmets justement notre culture.» La machine était lancée.» Le livre Lowlife,  disponible à la rentrée, retrace ainsi les différents chapitres européens de ce mouvement de passionnés aux valeurs familiales et entières.

Passionné, il faut l’être pour être lowrider en Europe. « La quasi-totalité du matériel est importée des États-Unis, les voitures arrivent en mauvais état, il faut tout retaper de A à Z. Il faut de la patience, un budget et de l’entraide. » Résultat, des engins rutilants qui n’ont rien à envier à leurs aînés américains. Bien qu’en Europe, le lowriding diffère de sa pratique outre-Atlantique, on en retrouve les codes jusque dans l’allure. « Ici, le lowriding est un microcosme, mais ce n’est pas communautaire comme aux États-Unis. Ce n’est pas la même histoire. Il n’y a pas de « wanna be » qui se la jouerait chicanos, ici c’est pluriculturel. Mais il y a le style. » Du style, Lowlife en déborde. Dans un noir et blanc précis, Reda rend hommage à ceux qui défendent cette culture unique.

Lowlife, édité par L.A. Chicano Cultura, 30€, 134 p.

 

© Reda

© Reda© Reda

© Reda© Reda© Reda© Reda

© Reda

Explorez
Annissa Durar : une cueillette visuelle de senteurs
The Rose Harvest © Annissa Durar
Annissa Durar : une cueillette visuelle de senteurs
La photographe américano-libyenne Annissa Durar a documenté, avec beaucoup de douceur, la récolte des roses à Kelâat M’Gouna, au sud du...
13 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Sous le soleil d'Italie avec Valentina Luraghi
Mediterraneo © Valentina Luraghi
Sous le soleil d’Italie avec Valentina Luraghi
À travers sa série Mediterraneo, Valentina Luraghi nous transporte dans ses souvenirs d’été. Le·la spectateur·ice y découvre le...
29 août 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
La sélection Instagram #519 : évasion infinie
© Giorgia Pastorelli / Instagram
La sélection Instagram #519 : évasion infinie
Liberté. Ce mot résonne avec le clairon de l’été. Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine célèbrent la douceur et le...
12 août 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
15 expositions photographiques à découvrir en août 2025
Jill, President Street, Brooklyn, New York, 1968 © Donna Gottschalk, Courtesy de l’artiste et de Marcelle Alix, Paris.
15 expositions photographiques à découvrir en août 2025
L’été est installé, et les vacances enfin arrivées. En parallèle des Rencontres d'Arles et pour occuper les journées chaleureuses ou les...
01 août 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Ekaterina Perfilieva et l'intime au cœur de la fracture
© Ekaterina Perfilieva, Nocturnal Animals
Ekaterina Perfilieva et l’intime au cœur de la fracture
À la fois distante et profondément engagée, Ekaterina Perfilieva, artiste multidisciplinaire, interroge une contemporanéité...
17 septembre 2025   •  
Écrit par Milena III
Le 7 à 9 de Chanel : Valérie Belin et la beauté, cette quête insoluble
© Valérie Belin
Le 7 à 9 de Chanel : Valérie Belin et la beauté, cette quête insoluble
L’heure des rencontres « 7 à 9 de Chanel » au Jeu de Paume a sonné. En cette rentrée, c’est au tour de Valérie Belin, quatrième invitée...
16 septembre 2025   •  
Écrit par Ana Corderot
La sélection Instagram #524 : espaces intimes
© Sara Lepore / Instagram
La sélection Instagram #524 : espaces intimes
La maison se fait à la fois abri du monde et porte vers le dehors, espace de l’intime et miroir de nos modes de vie. Les artistes de...
16 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
5 coups de cœur qui témoignent d'un quotidien
I **** New York © Ludwig Favre
5 coups de cœur qui témoignent d’un quotidien
Tous les lundis, nous partageons les projets de deux photographes qui ont retenu notre attention dans nos coups de cœur. Cette semaine...
15 septembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet