Remember to Forget, à la Fondation Henri Cartier-Bresson, est la première monographie française de Mame-Diarra Niang. Dans ses séries, l’artiste met le corps noir au centre en l’émancipant de siècles de narrations occidentales. Æther , série qui clôture l’exposition, est montrée ici pour la première fois. Jusqu’au 5 janvier 2025.
Mame-Diarra Niang met le corps noir au centre de son travail en l’émancipant des constructions occidentales. L’enjeu de l’appropriation de cette narration est au cœur de tout son art. Pour autant, elle refuse la tâche de le représenter, préférant le protéger de toute exotisation possible. « Je ne cherche pas à documenter les corps noirs, ça ne m’intéresse pas et je ne suis pas légitime à l’exercice. Ce n’est pas mon sujet », explique-t-elle à Vogue France. Artiste et photographe autodidacte, son travail explore ce qu’elle nomme la « plasticité du territoire ». En 2020, pendant le Covid-19, elle a commencé à capturer des images de passant·es sur les routes rocheuses d’Afrique de l’Ouest issues de Google Map. Le résultat est une déclinaison de visuels flous et de silhouettes indéfinies et insaisissables au sein de lieux devenus inaccessibles. Elle donne vie à un no man’s land mystérieux et à une photographie évanescente. Dans l’espace Le Cube, à la Fondation Henri Cartier-Bresson, à l’occasion de Remember to Forget, plusieurs de ses projets sont exposés, dont Call me when you get there, Léthé ou Sama Guent Guii. On y découvre également Æther, la série inédite qui clôture le parcours.
Une fluidité émancipatrice
Par ses images, Mame-Diarra Niang cherche à abstraire son sujet à travers ce qu’elle considère comme des formes de non-portraits. Chacune de ces images finit par représenter, en quelque sorte, l’artiste elle-même sous la forme d’une évocation. « Qu’est-ce qui fait que je suis moi ? », se demande-t-elle. L’évanescence lui permet d’exprimer sa personnalité fluide, ne pouvant pas être résumée à une identité fixe. Les expériences, les mémoires et les oublis s’entrechoquent, donnant lieu à des évolutions permanentes. « À travers ce projet, entamé lors d’une période de long confinement, en rephotographiant des écrans, Mame-Diarra Niang joue volontiers avec ces défauts caractérisés de la photographie traditionnelle que sont le flou, les distorsions ou les halos », écrit le commissaire Clément Chéroux. Chacun·e peut se retrouver dans cette fluidité émancipatrice, laissant libre place à l’imaginaire. En tournant les défauts de la photographie traditionnelle en de nouvelles qualités, elle parvient à dévoiler l’inconscient. « Je suis ce flou », assure-t-elle.