Mathieu Pernot, l’humilité au service du réel

29 décembre 2022   •  
Écrit par Anaïs Viand
Mathieu Pernot, l'humilité au service du réel

Depuis son reportage sur la famille Gorgan, toujours en cours, jusqu’à son atlas des migrations, la pertinence des travaux du photographe Mathieu Pernot lui vaut de nombreuses récompenses. Retour sur une carrière exemplaire. Cet article est à retrouver dans notre dernier numéro.

Ninaï, Giovanni, Mickaël… Quand Mathieu Pernot rencontre pour la première fois les Gorgan, en 1995, il est loin de penser que cela durerait toute une vie. Il a 25 ans et étudie à l’École nationale supérieure de la photographie (ENSP) d’Arles. « La première fois que je me rends dans la famille gitane, j’emporte le “Photo Poche” dédié à Josef Koudelka. Je le considérais comme un porte-bonheur. Avec lui, je pouvais me présenter comme photographe. La puissance qui se dégage de ses images est tout simplement incroyable. Et puis la présence de ses modèles… Un souffle, une beauté», commente Mathieu Pernot, qui, à l’époque, choisit de suivre les pas du photographe tchèque sans trop se poser de questions. Avec lucidité, il précise aujourd’hui que « tout a été fait, mais tout reste à faire ». Et puis chaque regard est différent. « L’époque et les espaces ont changé. Cela peut être perçu comme de l’inconscience, mais les artistes ne pourraient pas créer sans », ajoute-t-il. Cet après- midi-là, dans l’atelier d’artiste situé dans le XVe arrondissement de Paris, une première révélation tombe : la valeur d’une image tient surtout de l’objet photographié. «Si la photo de famille des Gorgan n’a en soi aucune virtuosité, elle est certainement l’une des plus importantes que j’ai réalisées. Ils sont en face de moi, on se rencontre. Ils me regardent et acceptent d’être photographiés. » Quatre ans plus tard, en 1999, il expose Tsiganes aux Rencontres d’Arles. Le projet qui lancera sa carrière. « C’est le réel qui permet aux images d’exister. C’est grâce aux Gorgan que je suis devenu le photographe que je suis. » 

© Mathieu Pernot

© Mathieu Pernot

Mais la rencontre avec la photographie est plus ancienne, inscrite dans ses gènes, pourrait-on même dire, avec un arrière-grand-père photographe, propriétaire d’un studio, et un père pratiquant en amateur. Un héritage tout tracé ? Presque. Lycéen à Nice, Mathieu Pernot suit un cursus sport-étude judo – il obtiendra plus tard son brevet d’État. Mais la photographie n’est jamais très loin. Il signe sa première série à cette époque en photographiant l’internat, ses couloirs et ses dortoirs. Le tout en noir et blanc. Plus tard, il étudie le génie civil durant deux ans : « Deux années qui ne m’ont servi à rien, si ce n’est à savoir que je voulais faire autre chose.» S’ensuit une inscription à la fac en histoire de l’art, à Grenoble, afin de préparer le concours d’entrée de l’ENSP – un examen qu’il passe finalement en autodidacte. « Quand j’y pense, je venais de loin. Mes parents étaient curieux, mais je n’ai pas grandi dans un milieu culturel. Je ne disposais d’aucune culture photo, et je n’ai pas vu d’exposition avant mes 20 ans ! Alain Desvergnes, le directeur de l’ENSP, était un homme curieux qui aimait les candidats atypiques », explique le diplômé de la promotion 1996. « L’art, c’est le lieu de la rencontre. Il n’y a rien de plus beau que d’aller à la rencontre des autres. » Il insiste sur ce point. Et pour cause, les Gorgan ne sont pas les seuls à avoir croisé son chemin. C’est au sein de l’ENSP qu’il tombe amoureux d’Anna Malagrida, photographe et vidéaste incontournable de la scène espagnole. Elle est celle qui, aujourd’hui encore, porte le premier regard sur son œuvre, et ce malgré leurs écritures singulières. Outre leurs deux enfants, ils ont signé trois projets ensemble: La Ville aveugle (2003), Paris barricadé (2018-2019) et Paris confiné (2020).

 

Cet article est à retrouver en intégralité dans Fisheye #56, disponible ici.

© Mathieu Pernot

© Mathieu Pernot

Mathieu Pernot, Mickael, Arles, 2001. Avec l’aimable autorisation de la galerie Éric Dupont.
Mathieu Pernot, Mickael, Arles, 2001. Avec l’aimable autorisation de la galerie Éric Dupont.
mickael et Tony, Arles 1995. © Mathieu Pernot Avec l’aimable autorisation de la galerie Éric Dupont.
mickael et Tony, Arles 1995. © Mathieu Pernot Avec l’aimable autorisation de la galerie Éric Dupont.

© Mathieu Pernot

Fisheye Magazine | L'été photographique de Lectoure

© Mathieu Pernot

© Marie Rouge

© Marie Rouge

Image d’ouverture © Mathieu Pernot

Explorez
Jeux olympiques : ces séries de photographies autour du sport
© Cait Oppermann
Jeux olympiques : ces séries de photographies autour du sport
Ce vendredi 26 juillet est marqué par la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024. À cette occasion, nous vous...
Il y a 7 heures   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Transcendance par Kyotographie : promenade contemporaine au Japon
© Iwane Ai. A New River series, 2020. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
Transcendance par Kyotographie : promenade contemporaine au Japon
À l’occasion des dix ans du Festival, Kyotographie investit les Rencontres d’Arles pour la première fois. L’exposition...
Il y a 9 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Robin de Puy : partout, l’eau au centre du paysage
© Robin de Puy
Robin de Puy : partout, l’eau au centre du paysage
L'exposition Waters & Meer - Robin de Puy revient sur deux séries de la photographe néerlandaise. Un hommage aux populations rurales...
25 juillet 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Laia Abril expose les violences faites aux femmes
On Abortion, Obstetric violence © Laia Abril
Laia Abril expose les violences faites aux femmes
A History of Misogyny – trilogie ambitieuse signée Laia Abril – révèle un portrait complexe et glaçant des violences sociétales faites...
25 juillet 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Jeux olympiques : ces séries de photographies autour du sport
© Cait Oppermann
Jeux olympiques : ces séries de photographies autour du sport
Ce vendredi 26 juillet est marqué par la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024. À cette occasion, nous vous...
Il y a 7 heures   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Transcendance par Kyotographie : promenade contemporaine au Japon
© Iwane Ai. A New River series, 2020. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
Transcendance par Kyotographie : promenade contemporaine au Japon
À l’occasion des dix ans du Festival, Kyotographie investit les Rencontres d’Arles pour la première fois. L’exposition...
Il y a 9 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
À Arles, Jules Ferrini capture le noir solaire
© Jules Ferrini
À Arles, Jules Ferrini capture le noir solaire
À travers deux séries, Noires sœurs et Modern Sins, Jules Ferrini plie la lumière et le temps pour faire vibrer l’obscurité d’un...
26 juillet 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Robin de Puy : partout, l’eau au centre du paysage
© Robin de Puy
Robin de Puy : partout, l’eau au centre du paysage
L'exposition Waters & Meer - Robin de Puy revient sur deux séries de la photographe néerlandaise. Un hommage aux populations rurales...
25 juillet 2024   •  
Écrit par Costanza Spina