Mémoire de crimes en série

08 mars 2017   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Mémoire de crimes en série

Qui est Marie Martin ? La première exposition collective du label poly —, le 12 janvier dernier, proposait une réflexion autour de la notion d’identité, d’être et de mémoire. Lorsqu’il a commencé à travailler sur le sujet, Matthias Pasquet, 27 ans, a simplement lancé une recherche sur Google. Il découvre alors qu’une dénommée Marie, épouse de Pierre Martin, a été la protagoniste avec son mari d’un fait-divers macabre qui s’est déroulé au début du 19e siècle. Tous deux étaient aubergistes et tenaient un établissement à Peyrebeille, en Ardèche. Il s’agit de l’Auberge rouge. Théâtre d’une cinquantaine de meurtres — c’est du moins ce que le mythe relate — commis par les deux époux, le lieu du crime est aujourd’hui un musée.

Marie_Martin_Matthias_Pasquet_01Marie_Martin_Matthias_Pasquet_03Marie_Martin_Matthias_Pasquet_04Marie_Martin_Matthias_Pasquet_05Marie_Martin_Matthias_Pasquet_06

Ce que le temps laisse à la mémoire

Matthias a passé deux jours sur place. Il a dormi dans l’hôtel-restaurant qui se dresse à côté de l’auberge. L’ambiance ? Étrange. « C’est un endroit assez particulier, assez rude l’hiver, entouré de montagnes. C’est un lieu qui appelle le mythe. » Qu’est-ce qui, dans cet environnement austère, a fait naître les pires fantasmes — le cannibalisme en tête — entourant cette histoire ? C’est la question que soulève Matthias à travers les quelques images qu’il a conservé pour l’exposition. Il y a d’abord l’atmosphère du lieu, qu’on imagine encore plus âpre en 1833. Puis le tourisme, qui a fait naître le musée et sa boutique. Ainsi le photographe a-t-il alterné entre les vues de paysages et les prises de vues plus systémiques de petits “souvenirs” glanés durant ce bref séjour.

Matthias, qui est diplômé des Gobelins et d’une école de cinéma, a un don pour la lumière; pour faire surgir le potentiel d’une ambiance. Ses clichés des environs de l’auberge traduisent l’isolement, l’étouffement. Ont-elles été prises à l’orée du jour, ou à la tombée de la nuit ? Le recul des siècles écoulés, et le regard distancié du photographe n’atténuent pas l’intensité des drames qui se sont déroulés là-bas. Et qui se sont soldés par la mise à mort des époux Martin. Cette courte série évoque une terrible solitude;  celle qui enferment facilement dans la noirceur ou la folie. C’est un témoignage profond sur la mémoire. L’histoire et le temps ont beau précipiter les changements, les empreintes du passé demeurent immuables. Tel est le message délicat qu’infuse Matthias Pasquet en revenant sur les lieux d’anciens crimes qui ne seront peut-être jamais oubliés.

Extrait du projet "Martie Martin / © Matthias Pasquet
Au bord de l’Allier : c’est là que le corps de la première victime présumée des époux Martin a été retrouvée. Extrait du projet “Marie Martin / © Matthias Pasquet

En (sa)voir plus

→ Découvrez l’ensemble du travail de Matthias Pasquet sur son site : cargocollective.com/matthias_pasquet

→ Matthias a été publié une première fois sur le site de Fisheye, le 10 février dernier. Nous présentions sa série Vues quotidiennes.

→ Matthias est représenté par le label poly — : www.poly-paris.com/fr/

Explorez
Les yeux dans les yeux, portraits de la collection Pinault
© Annie Leibovitz
Les yeux dans les yeux, portraits de la collection Pinault
À l’occasion de la cinquième édition d’Exporama, la Collection Pinault fait halte à Rennes avec une exposition magistrale sur le...
31 mai 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Le  7 à 9 de CHANEL, les visages pluriels d’Omar Victor Diop
© Omar Victor Diop
Le 7 à 9 de CHANEL, les visages pluriels d’Omar Victor Diop
Troisième invité du cycle "Le 7 à 9 de CHANEL", le photographe sénégalais Omar Victor Diop a offert au public du Jeu de Paume un moment...
30 mai 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
À l'Abbaye de Jumièges, la Tunisie tisse son histoire
Série « Intimité brodée », projet « Woven Window », 2024 © Asma Ben Aïssa
À l'Abbaye de Jumièges, la Tunisie tisse son histoire
Célébrant dix ans de coopération avec la Tunisie, le département de la Seine-Maritime met en lumière le travail de onze artistes de la...
28 mai 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Mondes en commun : le musée Albert Kahn sème un inventaire photo dans son jardin
Siân Davey, The Garden XXIII, 2023
Mondes en commun : le musée Albert Kahn sème un inventaire photo dans son jardin
Jusqu’au 7 septembre 2025, le musée Albert Kahn présente la deuxième édition de son festival de photographie contemporaine Mondes en...
23 mai 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les images de la semaine du 26 mai 2025 : un autre regard sur le monde
Made in Hong Kong, de la série Huá biàn © Agathe Veidt
Les images de la semaine du 26 mai 2025 : un autre regard sur le monde
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye rendent hommage à Sebastião Salgado, évoquent le deuil, les déchets des...
01 juin 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les yeux dans les yeux, portraits de la collection Pinault
© Annie Leibovitz
Les yeux dans les yeux, portraits de la collection Pinault
À l’occasion de la cinquième édition d’Exporama, la Collection Pinault fait halte à Rennes avec une exposition magistrale sur le...
31 mai 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Le  7 à 9 de CHANEL, les visages pluriels d’Omar Victor Diop
© Omar Victor Diop
Le 7 à 9 de CHANEL, les visages pluriels d’Omar Victor Diop
Troisième invité du cycle "Le 7 à 9 de CHANEL", le photographe sénégalais Omar Victor Diop a offert au public du Jeu de Paume un moment...
30 mai 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Huá biàn : quand la musique se rebelle
Love, de la série Huá biàn © Agathe Veidt
Huá biàn : quand la musique se rebelle
Agathe Veidt saisit la fête et les chants de révolte au cœur d’une boîte de nuit de renom à Shenzhen. De retour en France, elle tricote...
29 mai 2025   •  
Écrit par Marie Baranger