Sujets insolites ou tendances, faites un break avec notre curiosité de la semaine. En jouant avec les collages et les miroirs, la photographe danoise Henriette Sabroe Ebbesen fait dialoguer science et art pour déconstruire les idéaux de beauté.
Artiste visuelle et étudiante en médecine, Henriette Sabroe Ebbesen, 26 ans, s’inspire des sciences pour déformer le réel. Fascinée par les lois de physique, les structures mathématiques, elle puise dans ce savoir pour mettre en lumière le surréalisme de notre quotidien. « Selon la théorie de la relativité, on pourrait plier l’espace-temps. C’est ce que j’essaie d’illustrer à travers mes créations, en pliant littéralement les rayons de lumière à l’aide de miroirs », précise-t-elle.
Corps déformés, collages absurdes, silhouettes déconstruites… Les images de l’artiste questionnent la relation entre le 8e art et la réalité. « Ce lien étroit est précieux, il permet à la photographie d’avoir un pouvoir que la peinture ne possède pas, ajoute-t-elle. J’aime expérimenter avec les déformations justement parce qu’elles ajoutent une dimension picturale à mon œuvre. » Une collection d’images étranges, créée de manière instinctive, inconsciente, en opposition à la pensée logique et concrète plébiscitée par les sciences.
Une beauté non conventionnelle
C’est cette ambiguïté qui fascine Henriette Sabroe Ebbesen, ce combat entre la raison et la folie créative, le réel et le fantastique. Un entre-deux qui lui permet de développer, en parallèle de son esthétique unique, des thèmes plus profonds. « J’ai notamment réalisé une série inspirée par l’aliénation du corps féminin, et de l’identité sexuelle de la femme, trop souvent mise à mal par la société. La chirurgie esthétique et la manipulation génétique repoussent les limites de la beauté, de la perfection. En utilisant les miroirs pour manipuler les corps, je mets en lumière cette distanciation à la réalité », explique l’artiste. Un monde parallèle, montrant des corps difformes, amusants, libérés.
Dans les créations de la photographe, pas de triche. Chaque transformation est pensée en amont. « Je n’utilise Photoshop que pour retoucher la couleur et la luminosité », précise-t-elle. Un processus épuisant dans lequel elle se plonge sans hésiter : « Lorsque je crée, j’oublie tous mes besoins naturels. C’est un moment magique, mais drainant ». Minutieuses, les positions des glaces contre les corps divisent et rassemblent les modèles pour former des êtres à la beauté non conventionnelle. « Réaliser ce projet m’a permis de confronter mes propres insécurités en célébrant le corps féminin, et sa capacité à créer la vie – en commençant par la division de deux cellules », conclut-elle.
© Henriette Sabroe Ebbesen