Pas moins de 19 expositions vous attendent dans les 1 000 mètres carrés d’une ancienne école située en haut de la rue du Cloitre, juste derrière le Théâtre Antique, à Arles. Une plongée dans les univers des photographes de l’agence Myop, qui démontre une nouvelle fois sa formidable énergie et le talent de ses auteurs. Un événement à ne pas rater !
Le pari était un peu fou. Complètement fou même : installer 19 expositions dans une ancienne école arlésienne à rénover en tout juste une semaine. La bande des photographes de Myop nous avait déjà habitués à de jolis défis, comme en 2014 où ils avaient investi un hôtel particulier de la rue Calade (aujourd’hui transformé en Fondation Manuel Rivera Ortiz qui accueille l’exposition Hope dont on vous parlera prochainement), mais là ils ont encore relevé le niveau. Et pas seulement parce qu’il y a plus de photographes et d’images présentées, mais aussi parce les écritures ont gagné en maturité et en exigence.
Scénographie très aboutie
La diversité des approches de cette exposition est à l’image du monde de la photographie. On y trouve des écritures relativement « classiques », comme celle d’Alain Keler qui présente Motel Paradisio, une traversée de l’ex-Yougoslavie en noir et blanc avec des cadrages aussi rigoureux que poétiques, ou celle de Marie Dorigny, journaliste et militante de toujours, qui avec Main basse sur la terre dénonce l’investissement massif des fonds de pension sur les terres arables de la planète dans une scénographie très aboutie. Des approches plus contemplatives comme celle de Julien Daniel qui explore Le Bois sauvage, une ancienne carrière d’Ile-de-France laissée à l’abandon durant cinquante ans et où la nature a repris ses droits ; nature encore avec Guillaume Binet parti en Pologne arpenter la forêt primaire de Bialowieza. Les textes s’invitent eux aussi en contrepoint des tirages, comme pour Jeremy Saint-Peyre qui propose ses cut up en regard de ses images retravaillées en chambre noire, ou encore Jean Larive qui présente 16 portraits écrits « coréalisés avec les sujets photographiés dans la jungle de Calais ».
© Jérémy Saint-Peyre / Myop
Palette des écritures
Ed Alcock a choisi l’esthétique du collage pour nous conter son Brexit dans une scénographie là encore très réussie, et les démarches plastiques de Stéphane Lagoutte et Agnès Dherbeys – le premier en redessinant au crayon des personnages tirés de ses images et la seconde en nous proposant un Paris méconnaissable après un travail de postproduction – enrichissent elles aussi la palette des écritures. Dans une conception plus straight de la photo, on notera les très belles images de Pierre Hybre qui avec son Nordland apporte un peu de fraîcheur dans la canicule arlésienne, tout comme les portraits en pied de Françaises musulmanes sur les plages du sud de la France, signés France Keyser. Sur une autre plage – celle des Catalans, à Marseille – Olivier Monge croque les baigneurs à la chambre 20×25, et Oan Kim nous entraîne à la découverte de Séoul en panoramique couleur avec une installation, elle aussi haute en couleur. Dans un noir et blanc plus expressionniste, Julien Pebrel nous propose une vision de la Georgie avec des images « mystérieuses, furtives et sombres », Ulrich Lebeuf retravaille un album de famille imaginaire pour nous parler de ses origines napolitaines avec beaucoup d’émotion et, à Naples, Olivier Laban-Mattei nous plonge dans le quotidien d’une famille sans le sou en nous montrant La dura vita.
Enfin, on ne peut oublier le travail d’Olivier Jobard sur les migrants qui avec Enter the Shadow nous propose une installation multimédia « qui plonge le spectateur dans cette nuit migratoire sur la route des Balkans ». Les migrants qui sont aussi le sujet d’une dernière exposition chorale avec MSF dans laquelle tous les photographes de Myop ayant travaillé sur le sujet durant ces vingt dernières années présentent une petite sélection d’images constituant une fresque émouvante.
© Ed Alcock / Myop
© Agnès Dherbeys / Myop
© Pierre Hybre / Myop
© Olivier Jobard / Myop
© Olivier Monge / Myop
© Julien Pebrel / Myop
© Olivier Laban-Mattei / Myop
© Alain Keler / Myop
© À g. Jean Larive et à d.Ulrich Lebeuf / Myop
Image d’ouverture © Alain Keler / Myop