Ñañaykuna : la fresque féminine et inclusive de Claudia Rivera

04 janvier 2024   •  
Écrit par Ana Corderot
Ñañaykuna : la fresque féminine et inclusive de Claudia Rivera
© Claudia Rivera

Avec Ñañaykuna, Claudia Rivera entend déboulonner les archétypes stéréotypés des femmes latino-américaines, en présentant une pluralité de représentations. Un projet qui transcende le simple espace de la photo et devient une véritable communauté inclusive et sororale.

© Claudia Rivera

C’est à l’âge de cinq ans, en voyage pour la première fois sur la terre de ses aïeux·lles, dans la région centrale andine du Pérou, que Claudia Rivera s’arme du caméscope de son père pour immortaliser des images de son grand-père. « Mes parents font partie des premiers Péruvien·nes de notre entourage familial à avoir eu la carte de séjour française dans les années 1990. Lorsqu’ils y sont retournés au Pérou en 2004, mon père avait acheté avant de partir un caméscope, pour y filmer leur maison en France, celles des personnes qui n’avaient pas pu faire le déplacement, pour capter des messages afin d’en faire part à notre famille restée au Pérou. À mon tour, lors de mon premier voyage en 2006, j’ai pris mes premières images. Sans le savoir, j’entamais déjà un travail sur la transmission, en archivant des moments et en les partageant entre le Pérou et la France », se souvient-elle. De ce premier souvenir vidéo, qui marque son entrée dans le 8e art, une nécessité d’archiver des instants liés à sa culture latino-américaine éclot en elle.

En 2018, alors destinée à devenir danseuse professionnelle, Claudia Rivera se blesse et doit se résoudre à changer de voie. Ne perdant nullement de vue son appétence pour les arts, elle rentre en master d’étude de genre à Paris VIII et entame son mémoire sur la représentation des femmes latino-américaines en France. Afin de recueillir des témoignages, elle lance un appel à participation sur les réseaux sociaux, en proposant à ses abonnées latines des séances photo. Plusieurs se prêtent au jeu, et de fil en aiguille, les modèles deviennent des amies, les correspondances se créent, les langues se délient et les identités se construisent au travers des échanges. Les liens se tissent entre chaque protagoniste et Claudia Rivera, et un besoin commun de se retrouver pour célébrer ensemble sur ce qui les unie se manifeste. Ñañaykuna est né.

© Claudia Rivera
© Claudia Rivera
© Claudia Rivera

© Claudia Rivera

« Si tu veux réussir, fais-le en communauté »

« En tant que femme latino-américaine, j’entendais mettre en avant un problème qui me tenait beaucoup à cœur et qui m’a beaucoup touché pendant mon adolescence, celui de l’hyper sexualisation des latinas. Avec Ñañaykuna – qui signifie d’ailleurs sœurs en quechua wanka le dialecte de mes ancêtres – je souhaitais casser les stéréotypes, briser les codes, être plus inclusive afin de montrer qu’il existe une infinité de façons d’être latina, et ce que cela veut dire. J’aspirais à créer un espace dans lequel chacune pouvait s’exprimer pleinement et comprendre la valeur de son héritage. Ce projet a une dimension de collectif », affirme l’artiste. Avant chaque prise de vue, Claudia Rivera interroge ses modèles sur leurs liens avec l’Amérique latine depuis la France, ainsi que sur la manière dont elles l’entretiennent et le font vivre au quotidien. Des témoignages qu’elle enregistre et qu’elle joint à certaines de ses photos. Une façon pour la photographe de se connecter aux envies de l’autre, de l’appréhender et de produire en commun une image qui les ressemble et les rassemble. Des portraits prennent vie dans une bienveillance communicative, les visages et les corps s’éveillent au cœur de décors lumineux, parés parfois d’habits traditionnels ou d’accessoires flamboyants, les femmes revêtent leur héritage fièrement. Puis jaillissent d’autres images, cette fois-ci en groupe, où les couleurs, les nationalités se multiplient pour créer une fresque féminine plurielle de la sphère latine.

Plus qu’une simple série photo, Ñañaykuna est un projet en construction, se déployant au-delà de l’image, à travers notamment une série d’évènements étalés sur un mois particulier, celui du Sabor Latino Month. Un mois des fiertés où les cultures latines sont célébrées et rayonnent à travers des talks, des soirées et des ateliers. Un véritable succès porté par l’engagement et l’ambition de Claudia Rivera et de sa communauté, puisque comme elle rappelle à juste titre « Si quieres triunfar, hazlo en comunidad » (« Si tu veux réussir, fais-le en communauté », ndlr).

© Claudia Rivera
© Claudia Rivera
© Claudia Rivera

© Claudia Rivera
© Claudia Rivera

© Claudia Rivera
© Claudia Rivera
© Claudia Rivera
Explorez
Mame-Diarra Niang : photographe de l'évanescence
© Mame-Diarra Niang
Mame-Diarra Niang : photographe de l’évanescence
Remember to Forget, à la Fondation Henri Cartier-Bresson, est la première monographie française de Mame-Diarra Niang. Dans ses séries...
Il y a 8 heures   •  
Écrit par Costanza Spina
Paris 2024 : Terrain de jeux pour les photographes
Sarah Aubel / Paris2024
Paris 2024 : Terrain de jeux pour les photographes
De l’émotion, du sport, un moment historique. Trois des 15 photographes commissionné·es par Fisheye Manufacture pour couvrir les Jeux de...
05 décembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #521 : Aurélia Sendra et Hugo Payen
© Hugo Payen
Les coups de cœur #521 : Aurélia Sendra et Hugo Payen
Aurélia Sendra et Hugo Payen, nos coups de cœur de la semaine, figent les instants de milieux disparates. La première prend pour cadre...
02 décembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les images de la semaine du 25.11.24 au 01.12.24 : raconter des mondes méconnus
© Tamara Janes
Les images de la semaine du 25.11.24 au 01.12.24 : raconter des mondes méconnus
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les photographes sondent le monde pour mettre en avant des histoires méconnues, soulever des...
01 décembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Mame-Diarra Niang : photographe de l'évanescence
© Mame-Diarra Niang
Mame-Diarra Niang : photographe de l’évanescence
Remember to Forget, à la Fondation Henri Cartier-Bresson, est la première monographie française de Mame-Diarra Niang. Dans ses séries...
Il y a 8 heures   •  
Écrit par Costanza Spina
Paris 2024 : Terrain de jeux pour les photographes
Sarah Aubel / Paris2024
Paris 2024 : Terrain de jeux pour les photographes
De l’émotion, du sport, un moment historique. Trois des 15 photographes commissionné·es par Fisheye Manufacture pour couvrir les Jeux de...
05 décembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Rebecca Topakian : le destin revisité de Dame Gulizar
Dame Gulizar and other love stories © Rebecca Topakian
Rebecca Topakian : le destin revisité de Dame Gulizar
Jusqu'au 21 décembre 2024, dans le cadre de PhotoSaintGermain et de Un Week-end à l'est 2024, Rebecca Topakian, photographe...
05 décembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Sarah Moon inaugure le nouveau rendez-vous de Chanel autour de la création des images
© Sarah Moon
Sarah Moon inaugure le nouveau rendez-vous de Chanel autour de la création des images
À compter du 5 décembre 2024, le 7 à 9 de Chanel se tiendra tous les deux mois au Jeu de Paume. Gracieusement ouvert à toutes et à...
04 décembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet