« Nostalgia for the mud », un banal grotesque

27 janvier 2021   •  
Écrit par Lou Tsatsas
« Nostalgia for the mud », un banal grotesque

Sujets insolites ou tendances, faites un break avec notre curiosité de la semaine. Dans Nostalgia for the mud, la photographe Chase Middleton met en scène de parfaits inconnus et donne à voir, non sans humour, une existence aussi banale qu’absurde.

« Barbare »

, c’est ainsi que Chase Middleton, photographe d’origine australienne installée à New York décrit son approche artistique. C’est durant son enfance que l’auteure découvre le 8e art, notamment par le biais de son père, passionné par le médium. « C’est ensuite devenu un moyen de m’échapper de mon quotidien. Je haïssais l’école, qui me donnait l’illusion de perdre mon temps. Durant la pause déjeuner, je m’enfermais souvent dans la chambre noire de mon établissement », se souvient-elle.

Depuis, elle développe une œuvre dérangeante et grotesque, romançant la dramaturgie du quotidien. Absurde et sans âge, ses créations convoquent l’insensé dans un espace familier. Nostalgia for the mud – série intitulée ainsi en référence au terme « nostalgie de la boue », inventé par le poète Émile Augier en 1855, décrivant une certaine attirance pour le vulgaire – en est le parfait exemple. « Pour moi, le titre de ce projet fait référence à notre incapacité à se détacher du passé », ajoute l’artiste. Une manière de plonger dans les méandres d’une mémoire collective pour en extraire l’absurdité.

© Chase Middleton

Un voyeurisme assumé

« Mon récit touche à de nombreux sujets : rituels, rencontres avec des étrangers, hallucinations, ou encore la dimension dramatique du mythe dans l’inquiétante étrangeté du quotidien. J’utilise la photographie comme un véhicule pour pénétrer dans un monde troublant : est-ce un au-delà imaginaire ? Une réalité alternative ? Ou un simple témoignage de la banalité de l’ordinaire ? »

, s’interroge Chase Middleton. Trouvant l’inspiration dans des images vernaculaires, mais aussi des recoins de son pays natal, aujourd’hui curieusement oubliés et « suspendus dans le temps », elle imagine des mises en scène avec de parfaits inconnus. « J’adore travailler avec des étrangers. La plupart du temps, je ne croise mes modèles que pour le shooting, et ils ne restent jamais en contact pour découvrir le résultat. C’est comme s’ils acceptaient ce rôle pour rompre avec la solitude », confie-t-elle.

Hôtels déserts, salons tamisés, moquettes ringardes… La photographe place ses sujets dans un décor démodé, capture leur regard vide, construit des sculptures éphémères avec des objets sans importance. Avec un voyeurisme assumé, elle semble révéler au monde la médiocrité de notre existence. « J’aime fouiller dans les tiroirs des gens. Il n’y a rien de plus bizarre que de rencontrer quelqu’un de complètement désinhibé. Il me semble parfois que je fais de la photo simplement pour pouvoir m’immiscer dans les foyers des autres », s’amuse l’artiste. Cynique, hypnotique, Nostalgia for the mud nous ouvre la porte d’un univers décadent, où tout désir de se sentir vivant s’efface. Étrangement statiques, figés dans des positions incongrues, les modèles nous renvoient à nos propres travers, et deviennent les allégories de l’homme contemporain, coincé dans l’irrationalité de sa propre routine.

© Chase Middleton

© Chase Middleton© Chase Middleton

© Chase Middleton© Chase Middleton

© Chase Middleton© Chase Middleton

© Chase Middleton

© Chase Middleton

Explorez
Dans l’œil de Zoé Isle de Beauchaine : des produits pharmaceutiques sublimés
Mieux Vivre, Le Bain, août 1936 Photographie de Paul Wolff
Dans l’œil de Zoé Isle de Beauchaine : des produits pharmaceutiques sublimés
Aujourd’hui, plongée dans les pages d’une ancienne revue pharmaceutique. Dans le cadre de l’exposition Années 1930 et modernité : l’âge...
18 novembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Lux : la naissance d’un rendez-vous photographique
© Deanna Dikeman
Lux : la naissance d’un rendez-vous photographique
Pour son premier évènement, le tout nouveau Réseau Lux nous en met plein la vue en investissant les murs d’un ancien bureau de poste du...
15 novembre 2024   •  
Écrit par Agathe Kalfas
Les coups de cœur #518 : Cecilia Pignocchi et Emma Corbineau
© Cecilia Pignocchi. Tempo Bello
Les coups de cœur #518 : Cecilia Pignocchi et Emma Corbineau
Cecilia Pignocchi et Emma Corbineau, nos coups de cœur de la semaine, dévoilent un cabinet de curiosités constitué de souvenirs et de...
11 novembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Approche 2024 ou l’art de mettre en scène
© Antoine De Winter Courtesy Hangar Gallery
Approche 2024 ou l’art de mettre en scène
Du 7 au 10 novembre 2024, le Salon Approche présente sa 8e édition. Au 40 rue de Richelieu, à Paris, quinze expositions personnelles...
07 novembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Chaumont-Photo-sur-Loire, une 7ᵉ édition où la  poésie tutoie l'engagement écologique
Décolorisation, 2024 © Letizia Le Fur, courtesy Galerie Julie Caredda – Paris
Chaumont-Photo-sur-Loire, une 7ᵉ édition où la poésie tutoie l’engagement écologique
Sur les bords de Loire, dans l’idyllique domaine du château de Chaumont-sur-Loire, se sont installées cinq expositions qui célèbrent la...
À l'instant   •  
Écrit par Marie Baranger
Marie Le Gall : photographier un Maroc intime
© Marie Le Gall
Marie Le Gall : photographier un Maroc intime
Absente depuis vingt ans, lorsque Marie Le Gall retourne enfin au Maroc, elle découvre un territoire aussi étranger que familier....
22 novembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Aleksandra Żalińska rend un tendre hommage à sa grand-mère
© Aleksandra Żalińska
Aleksandra Żalińska rend un tendre hommage à sa grand-mère
À travers But please be careful out there, Aleksandra Żalińska photographie sa grand-mère, avec qui elle entretient une grande...
22 novembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Mode et séduction : Austn Fischer allie art et Tinder
© Austn Fischer
Mode et séduction : Austn Fischer allie art et Tinder
Installé à Londres, Austn Fischer puise dans les ressorts de la communauté LGBTQIA+ pour interroger les notions traditionnelles de genre....
21 novembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet