Durant 8 ans, Katrine Estrup, une photographe de 27 ans installée à Copenhague, a documenté la vie conjugale de Robert et Sussi, sa brebis. Relationsheep, c’est l’histoire d’un homme bon, et de sa douce fiancée.
« J’essaie de retranscrire une histoire spéciale, mais gorgée d’amour. L’amour de Robert pour Sussi, sa brebis », annonce Katrine Estrup, 27 ans. Cette jeune femme danoise étudie la communication et la photographie au sein d’une école de journalisme, au Danemark. Si elle se spécialise dans la photographie de mode et de portrait, elle aime toujours partager des récits. En témoigne son projet Relationsheep amorcé il y a presque dix ans. Direction le nord du Jutland, un territoire reculé situé au Danemark. C’est ici, loin de la civilisation, que se trouve la ferme de Robert. Son seul compagnon ? Sussi. La plus vieille brebis du Danemark à 26 ans – un record ! « Elle n’était pas seulement son animal de compagnie, elle était aussi et surtout son plus grand amour et la compagne de toute sa vie. Je parle au passé, car Sussi est décédée avant que Roberts ne puisse se marier avec elle – son rêve », précise l’artiste qui avait prévu d’immortaliser leur union.
Comme les hommes amoureux des brebis ne courent pas les rues, Katrine Estrup est revenue sur leur rencontre: « Je vivais moi aussi dans le nord du Jutland, dans un petit village, et dans le cadre d’un article, je me suis rendue en ville, avec mon boîtier. J’y ai rencontré Robert. Il m’a invité chez lui pour voir ses animaux et me conter son récit. Il sait tellement bien raconter les histoires que j’ai continué à lui rendre visite, comme on peut aller voir son grand-père. Et ce, pendant huit ans. J’y ai découvert un homme gentil et avec un grand cœur ».
Un homme bon
Elle a aussi découvert une relation intime inhabituelle. Car Robert et Sussi étaient reliés l’un à l’autre. « En écoutant la voix de Robert, Sussi parvenait à savoir ce qu’il ressentait. Parfois, elle pouvait devenir agressive, et Robert parvenait à la calmer et à la rendre à nouveau heureuse » – avec du réglisse notamment. Un jour d’été, alors en visite chez le couple, Katrine Estrup assiste à un tendre moment. « Nous parlions de l’enfance de Robert. Il se remémorait à quel point son père était strict avec lui. Et en revivant ses instants où il ne se sentait pas accepté, il a pleuré. Tellement qu’il a saigné du nez. À cet instant, Sussi est venue et a posé sa tête sur la cuisse de son compagnon meurtri. Un moment symbolique », se souvient la photographe qui ne possède pas d’animal de compagnie.
« J’entretiens tout de même une bonne relation avec eux. Je pense qu’ils sont un cadeau pour l’être humain. Ce sont des amis idéal à aimer, et à soigner pour qui a des difficultés à s’ouvrir aux autres », précise-t-elle. Cette dernière a veillé, durant toute la durée du projet, à révéler Robert tel qu’il est : un homme bon. Mais un homme détruit suite au décès de sa chère et tendre. Car il y a un an, en se rendant chez lui, elle a découvert qu’il avait déserté et qu’un sans-abri avait emménagé. « Je n’ai pas parlé avec lui depuis, mais je vais essayer de le retrouver cet été », ajoute la photographe. « En réaction à mes images, nombreux sont ceux qui le voyaient comme un monstre, et puis en partageant son récit, ces derniers comprenaient. Nous avons tous un passé qui a contribué à qui nous sommes aujourd’hui. Certaines personnes sont particulièrement spéciales, mais méritent, comme les autres, d’être écoutées et regardées – et nous oublions bien souvent de le faire ». « Ce n’est pas toujours l’habit qui fait l’homme ». On ne peut démentir les propos de Georges Sand (Flaminio, Théâtre (1854)) après avoir été émergé dans le travail de Katrine Estrup. Un projet résolument sociologique qui démontre que l’amour se joue du convenu.
© Katrine Estrup