PhotoBrussels : l’autoportrait comme témoignage d’une époque

26 janvier 2023   •  
Écrit par Costanza Spina
PhotoBrussels : l'autoportrait comme témoignage d'une époque
Jusqu’au 26 février, Bruxelles devient une capitale européenne de la photographie grâce à PhotoBrussels, un festival réunissant amateurices, professionnel·les et acteurices du 8e art. Au Hangar, c’est l’autoportrait et sa faculté à interroger le rapport au soi et à sa représentation qui sont mis à l’honneur.
La 7e édition du festival PhotoBrussels ouvre ses portes le 26 janvier et, pendant un mois, elle va transformer la capitale belge en un grand musée photographique. Comme tous les ans, le Hangar présente une exposition manifeste qui annonce le fil rouge de la curation annuelle. Mirror of self en est le titre évocateur. L’autoportrait est ainsi mis à l’honneur, envisagé comme une pratique capable de témoigner avec justesse des basculements de notre temps. Le festival devient alors un parcours entraînant et immersif, invitant les spectateurices à trouver leur propre définition de l’introspection. Qu’il s’agisse d’une quête d’identité, une réflexion sur son environnement ou encore une pure recherche esthétique, la représentation de soi nous confronte sans cesse à notre intériorité profonde. Le parcours d’exposition et du festival aborde toutes les facette de l’autoportrait : émancipation du corps et affirmation de soi, mise en scène recherchée, rapport avec la nature, angoisse face aux confinements, mais aussi une savante dose d’humour et d’autodérision. De John Coplan à Zanele Muholi en passant par Samuel Fosso, la représentation de soi s’impose comme une matière créative sans fin. C’est toute cette richesse que PhotoBrussels explore cette année.

Allegoria 6 from the series Allegoria, 2021 © Omar Victor Diop

Allegoria 6 from the series Allegoria, 2021 © Omar Victor Diop

Mirror of Self : en quête d’intériorité

Après In the Shadow of Trees en 2021, Mirror of Self rassemble cette année dix-sept artistes sélectionné·es et six lauréat·es d’un appel à projets autour de la pratique de l’autoportrait. À l’heure où le selfie est devenu une habitude presque quotidienne et immortaliser son visage avec un téléphone une forme d’existence, que peut encore représenter l’autoportrait en photographie ? Mirror of Self tente de répondre à cette question qui ouvre le médium à des nouvelles perspectives et témoigne d’un basculement dans sa pratique. Les approches et les générations se côtoient dans cette exposition foisonnante, et les artistes émergent·es s’emparent du sujet en fuyant les stéréotypes stériles autour de la jeunesse, souvent perçue comme amatrice de technologies narcissiques et superficielles. Bien au contraire, leur travail détonnant prouve la volonté des nouvelles générations de faire évoluer l’expression du « soi ».

Omar Victor Diop s’approprie cet outil pour donner une voix aux identités diasporiques africaines et subvertir le monopole de l’homme blanc universaliste. Il en appelle aussi à une réflexion critique « au sujet de la justice environnementale, de l’anthropocentrisme et de nos responsabilités collectives et individuelles pour assurer des futurs plus viables et vivables ». Mari Katayama, quant à elle, bouscule les normes de beauté dans Possession. Amputée des deux jambes à l’âge de neuf ans, l’artiste questionne avec puissance les préjugés validistes au cœur du selfie. Kourtney Roy, avec son ironie ravageuse, interroge de son côté la représentation d’un soi glamourisé, dans un décor cinématographique et tapageur. Le travail de ces artistes et de bien d’autres confirme l’importance de l’autoportrait au 21e siècle. Une discipline devenue symbole des profondes transformations qui agitent nos sociétés qui pourrait bien devenir le sujet d’étude des futur·es historien·nes de la photographie.

Pink Mattress, From the series The Tourist, 2019-2020 © Kourtney Roy

Pink Mattress, From the series The Tourist, 2019-2020 © Kourtney Roy

From the series Father Search, 2003 – 2007 © Annegret SoltauPossession #2355, from the series Possession, 2022 © Mari Katayama

© à g. From the series Father Search, 2003 – 2007 © Annegret Soltau, à d. Possession #2355, from the series Possession, 2022 © Mari Katayama

Image d’ouverture : Pink Mattress, From the series The Tourist, 2019-2020 © Kourtney Roy

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