Photographe indépendant, Matt Eich voit le huitième art comme un moyen de créer des relations. Son long projet Carry Me Ohio l’emmène à la rencontre des habitants, vivant dans la pauvreté ou l’addiction. Un portrait poignant de l’Amérique rurale.
Matt Eich découvre l’Ohio en 2004, alors qu’il est encore étudiant. Saisit par les personnalités qui animent cet État américain, il commence alors à documenter les communautés rurales qui l’entourent. La préface de Carry Me Ohio s’écrit alors, comme un kaléidoscope de rencontres humaines, où souffrance et espoir se mêlent. Le début d’un projet qui durera dix ans. « C’est grâce à mon appareil, et à mon envie de passer beaucoup de temps avec eux que j’ai appris à les connaître », explique Matt. « J’aime travailler de cette façon, sur le long terme, et sans aucun jugement ». Sur son chemin, on découvre la pauvreté, la drogue et la perte d’être chers. Il photographie aussi sa femme enceinte et ses amis. Ses modèles semblent lancer un appel à l’aide silencieux au reste du monde.
Portraits d’une Amérique en déclin
« Ce que je voulais montrer, au départ, c’était les effets de la pauvreté rurale sur la jeunesse d’ici. Et puis, j’ai élargi mon travail autour de thèmes plus universels, comme la douleur, l’amour et l’attente… » À travers les clichés de Matt Eich, c’est finalement un récit intemporel qui émerge, porté par les voix de communautés en souffrance, qui demeurent muettes face au reste du pays. « Une grande partie de la série a été réalisée pendant la récession. C’était un moment difficile pour les gens en Ohio », explique le photographe. En effet, beaucoup de ses modèles ont connu des jours sombres, arrêtés pour possession ou consommation de drogues diverses. Carry Me Ohio défend un travail de mémoire que le pays semble mépriser. « L’Amérique aime tellement « être la meilleure » qu’elle ignore les souffrances qui ont lieu sur son propre territoire », déclare Matt. Sa vision invite à la réflexion. Ses portraits, d’une grande délicatesse, révèlent la douleur tout en distillant l’espoir. Un espoir qui semble idéaliste pour l’artiste, qui conclut simplement « j’y vois un pays sur le point de s’effondrer ».
© Matt Eich