Quand la révolution égyptienne n’est plus qu’un souvenir…

25 janvier 2021   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Quand la révolution égyptienne n’est plus qu’un souvenir…

Il y a dix ans, jour pour jour, des milliers d’Égyptiens manifestaient place Tahrir. Un jour de colère inédit dans un pays où les droits humains sont bafoués. Retour sur ce temps fort, en images, et avec Guillaume Binet, membre de l’agence MYOP, l’un des premiers photographes indépendants sur place.

Le 25 janvier 2011, en Égypte, la colère était dans la rue. « Un rêve », « un miracle », mais aussi un épisode inespéré. L’initiative d’une poignée de militants se métamorphose en un mouvement massif contre le président Hosni Moubarak. Jour de colère. Jour de dérision. Car en 2009, le président a choisi cette date pour célébrer la Fête de la Police. La brillante idée se retourne contre lui : deux ans plus tard, un mouvement voit le jour, et entraîne des millions d’Égyptiens dans la rue. La révolution ! Pendant plus de deux semaines, toute la population se joint aux jeunes et aux chômeurs, dans un mouvement de contestation et provoque la démission d’Hosni Moubarak. Plusieurs centaines de photographes documentent ces manifestations et apportent ainsi un soutien inestimable. Parmi eux, Guillaume Binet, un des premiers photographes indépendant sur le terrain. Des images fortes ponctuant cette lutte se succèdent. On se souvient de l’occupation de la place Tahrir comme le véritable symbole de la révolution, où la résistance se mêle au rêve d’un autre monde. Une page se tourne et un vent d’espoir souffle sur le pays, qui prépare alors une élection. Le 17 juin 2012. Jour historique où Mohamed Morsi, issu du mouvement islamiste des Frères musulmans, devient le premier président élu démocratiquement du pays. Mais la joie se dissipe. Seulement un faux espoir. Malgré l’optimisme du peuple et un réel élan de libéralisation dans le pays, l’armée égyptienne n’est jamais loin, et encadre encore longuement les citoyens. Une liberté totale n’advient malheureusement jamais. Le contrôle de l’armée grimpe sans relâche, jusqu’à l’inévitable coup d’État militaire en juillet 2013, où Abdel Fattah Al-Sissi prend le pouvoir.

© Guillaume Binet / MYOP

Une prison à ciel ouvert

Janvier 2015, un référendum approuvait une nouvelle constitution renforçant les pouvoirs de l’armée. Trois ans plus tard, en avril 2018, lors d’une élection sans surprise Abdel Fattah al-Sissi est réélu avec plus de 97% des voix. Face à lui ? Un unique adversaire Moussa Mostafa Moussa. Depuis, la situation économique et sociale ne cesse de se dégrader. En 2018, selon Amnesty International, les autorités égyptiennes ont arrêté au moins 113 personnes parce qu’elles avaient « exprimé pacifiquement leur opinion ». Un an plus tard cette même ONG déplorait que le pays était devenu « une prison à ciel ouvert pour les dissidents ». L’Égypte d’aujourd’hui est-elle meilleure ? Il y a quatre jours, l’ONG Human Rights Watch adressait une lettre ouverte à l’Union européenne et à ses États membres sur l’Égypte alertant de la crise des droits humains se jouant dans le pays.

Ancien symbole révolutionnaire, la place Tahrir est désormais un lieu touristique où trône un obélisque vieux de 3500 ans entouré de quatre statues de sphinx. Des trésors nécessitant une protection sans faille. Il n’y est plus question d’y manifester, ou d’y réaliser un selfie – les policiers y veillent au grain. À l’image de cet immense carrefour, cette dernière est omniprésente en Égypte. À cela s’ajoutent disparitions fréquentes, et torture systématisée. Nombreux sont les artistes, journalistes, militants pacifiques qualifiés de terroristes. Sur la toile aussi, les libertés sont restreintes. Une loi permet par exemple aux autorités de surveiller les comptes les plus populaires sur les réseaux sociaux, et de les bloquer s’ils diffusent de « fausses informations ». Si l’esprit de la révolution demeure, la peur et la tension ont regagné les rues. Les créateurs, et autres défenseurs de la liberté d’expression poursuivent leur combat devenu plus silencieux. Et ce 25 janvier 2021, 10 ans plus tard, rares étaient les Égyptiens célébrant la police.

© Guillaume Binet / MYOP© Guillaume Binet / MYOP

© Guillaume Binet / MYOP© Guillaume Binet / MYOP

© Guillaume Binet / MYOP© Guillaume Binet / MYOP

© Guillaume Binet / MYOP© Guillaume Binet / MYOP

© Guillaume Binet / MYOP© Guillaume Binet / MYOP

© Guillaume Binet / MYOP

© Guillaume Binet / MYOP© Guillaume Binet / MYOP

© Guillaume Binet / MYOP

© Guillaume Binet / MYOP

Explorez
Mode et séduction : Austn Fischer allie art et Tinder
© Austn Fischer
Mode et séduction : Austn Fischer allie art et Tinder
Installé à Londres, Austn Fischer puise dans les ressorts de la communauté LGBTQIA+ pour interroger les notions traditionnelles de genre....
Il y a 1 heure   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Eleana Konstantellos : faire vrai pour voir le faux
Chupacabras © Eleana Konstantellos
Eleana Konstantellos : faire vrai pour voir le faux
Eleana Konstantellos développe, depuis 2019, de nombreux projets photographiques mêlant mise en scène et recherche...
19 novembre 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
La sélection Instagram #481 : par ici la monnaie
© Suzy Holak / Instagram
La sélection Instagram #481 : par ici la monnaie
Est-ce un vice de vouloir posséder de l’argent et des biens ? Bijoux ou billets de banque, tout élément tape-à-l’œil attire le regard des...
19 novembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 11.11.24 au 17.11.24 : la politique dans le viseur
L’ancien président Donald Trump avec ses fils, des membres du parti et des supporter·ices lors de la convention nationale républicaine à Milwaukee, dans le Wisconsin, le 15 juillet 2024 © Joseph Rushmore.
Les images de la semaine du 11.11.24 au 17.11.24 : la politique dans le viseur
C’est l’heure du récap ! La politique et les questions sociétales sont au cœur de cette nouvelle semaine de novembre.
17 novembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Mode et séduction : Austn Fischer allie art et Tinder
© Austn Fischer
Mode et séduction : Austn Fischer allie art et Tinder
Installé à Londres, Austn Fischer puise dans les ressorts de la communauté LGBTQIA+ pour interroger les notions traditionnelles de genre....
Il y a 1 heure   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Elie Monferier : visible à la foi
© Elie Monferier
Elie Monferier : visible à la foi
À travers Sanctuaire – troisième chapitre d’un projet au long cours – Elie Monferier révèle, dans un noir et blanc pictorialiste...
Il y a 6 heures   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Visions d'Amérique latine : la séance de rattrapage Focus !
© Alex Turner
Visions d’Amérique latine : la séance de rattrapage Focus !
Des luttes engagées des catcheuses mexicaines aux cicatrices de l’impérialisme au Guatemala en passant par une folle chronique de...
20 novembre 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Richard Pak tire le portrait de l’île Tristan da Cunha
© Richard Pak
Richard Pak tire le portrait de l’île Tristan da Cunha
Avec Les îles du désir, Richard Pak pose son regard sur l’espace insulaire. La galerie Le Château d’Eau, à Toulouse accueille, jusqu’au 5...
20 novembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina