Jusqu’au 27 août à Paris, l’Institut culturel italien propose l’exposition Raconte-moi une histoire. Un panorama de la jeune photographie italienne qui montre la vivacité de la création transalpine. Fisheye fait le focus sur trois artistes à découvrir.
Logé au 50 rue de Varennes, dans le 7e arrondissement de Paris, l’Institut culturel italien propose l’évènement Raconte-moi une histoire. Dans cette exposition collective, neuf jeunes photographes présentent des œuvres aussi éclectiques que personnelles. Dans le calme des salons jusqu’au jardin de l’Hôtel de Galliffet, les visiteurs pourront découvrir les photographies d’Alessandra Calò, Ilaria Crosta, Karim El Maktafi, Francesco Levy, Michele Palazzi ou encore Michela Palermo. Parmi ces talents qui méritent la visite, trois révèlent la diversité de la création italienne.
Cet univers obscur
L’originalité de l’accrochage proposé par Giorgio Di Noto dans The Iceberg a de quoi surprendre. Dans une pièce sombre, tout juste éclairée par les lightbox d’Alessandra Calò, des cadres abritent des monochromes blancs. À l’entrée, une lampe de lumière noire est à disposition des spectateurs. Par ce procédé ultraviolet, ce n’est qu’en approchant la source lumineuse des œuvres que les images se révéleront. Au-delà de sa singularité, la scénographie épouse parfaitement le sujet traité par l’artiste.
C’est en plongeant dans la partie la plus immergée du web que Giorgio Di Noto a tiré ses sujets. Bien qu’il ne soit pas référencé, le deep web (ou web profond) représente 90% de l’internet total. Facilement accessible, il contient cependant une partie cryptée, le dark web, atteignable uniquement par l’utilisation de logiciels spécifiques, une clé qui dévoilera le contenu. Dans cet univers obscur, marché de tous les possibles et souvent du pire, des images abstraites attirent le chaland. Des buvards de LSD, des cristaux de méthamphétamines… voilà ce que l’artiste nous montre. Giogio Di Noto ouvre ainsi les portes d’un espace méconnu du grand public.
© Giorgio Di Noto
Sans compassion feinte
La génération qui a grandi avec internet est au cœur de la série exposée par Frederica Sasso. Avec #PostAdolescence, la photographe chronique le voyage de cette jeunesse vers la vie adulte. C’est un récit de l’errance, de la perte de repère, et d’une vie où le réel se confond au virtuel. Dans les codes qu’elle se choisit, piochant dans des représentations hétéroclites, cette génération construit son monde. Lorsque la réalité se rappelle à eux, ces adultes en devenir, ceux qui feront la société de demain, beaucoup s’angoissent, certains dérivent.
Comment envisager un avenir lorsqu’on vous promet un futur voué à la précarité, aux bouleversements climatiques, à l’automatisation du travail et aux grands flux migratoires ? À travers ses images, Frederica Sasso se place au plus près de son sujet. Avec le regard de celle qui comprend, sans compassion feinte, mais avec une tendresse évidente, la photographe propose des portraits poignants. Derrière le paraître, les sentiments humains s’expriment brutalement dans tout ce qu’ils peuvent avoir d’immédiat. On ne sait pas de quoi demain sera fait, mais il se fera avec eux.
© Frederica Sasso
Une atmosphère fantasmagorique
À cette génération saisie par Frederica Sasso, il leur faudra aussi reconstruire un environnement détruit par ses prédécesseurs. Cette altération du paysage par l’homme et ses conséquences actuelles nourrissent l’œuvre d’Enrico Di Nardo. L’artiste a tourné son objectif vers Fucin, à l’est de Rome. Dans cette plaine née de l’assèchement d’un lac au milieu du XIXe siècle, le photographe a trouvé une atmosphère fantasmagorique stupéfiante. Une tension presque palpable naît de ces paysages désertiques.
À travers un voile léger, une brume fantomatique, apparaît ce qui pourrait être un décor de film fantastique. Ce n’est pas étonnant si Enrico Di Nardo a fait parti des 12 auteurs qui ont rendu hommage au réalisateur David Lynch dans l’ouvrage A place both wonderful and strange. Ces images sont un bon résumé de ce que propose l’exposition Raconte-moi une histoire. Avec une technique maîtrisée, la jeune photographie italienne pose un regard générationnel sur un horizon incertain.
© Enrico Di Nardo
© À g. Giorgio Di Noto, et à d. Frederica Sasso
© Enrico Di Nardo
Image d’ouverture, © Enrico Di Nardo