Sujets insolites ou tendances, faites un break avec notre curiosité. En réutilisant les symboles de la diaspora africaine ou de la religion musulmane pour les sublimer, Rami Hara se débarrasse des atteintes portées à son identité culturelle.
« Mon rapport à la photographie s’apparente à une relation amour-haine. Il y a des jours où je suis complètement obsédé et d’autres où je ne peux même pas regarder mon appareil photo. Depuis mon enfance, j’ai toujours eu envie de capturer des moments. J’utilisais tous les boîtiers que je pouvais trouver chez moi et j’essayais de documenter ce qui m’entourait », confie Rami Hara. Né en Somalie et ayant grandi à Anvers, ce dernier s’est installé à l’adolescence à Bruxelles, d’où il obtiendra un master des beaux-arts. C’est seulement à partir de 2018 qu’il dit commencer véritablement à se focaliser sur le médium photographique, et à réaliser des séries hautement personnelles. Si chaque projet découle d’une expérience ou résulte d’un processus de création particulier, tous sont liés par des thématiques semblables : celles de ses racines somaliennes, de sa religion musulmane, de sa famille et de son rapport à l’identité. « Ayant grandi dans un foyer somalien, la religion a toujours joué un rôle essentiel dans mon éducation et ma vie. En tant que musulman, il n’a pas toujours été facile de grandir et de naviguer dans la société occidentale, car ma religion était constamment dépeinte de manière négative par les médias, ce qui influençait la perception des masses », explique-t-il. Pour mener à bien ses séries, il s’inspire alors des personnes qui l’entourent : de sa mère, de ses ami·es et de ceux des autres, ou bien part à la recherche de volontaires dans les rues et sur les réseaux sociaux.
Décidé à se réapproprier son image et celle de sa communauté, Rami Hara réutilise les symboles de la diaspora africaine ou de la religion musulmane pour leur redonner une nouvelle signification. Ainsi, dans Hooyo, le voile n’est autre qu’une parure sacrée et se dévoile avec délicatesse et esthétisme sur les visages feutrés de ses proches. « Pour ce projet personnel, j’ai décidé de prendre les choses en main et de changer l’image négative qui a été dépeinte par les médias. En utilisant ma propre mère comme muse, j’ai créé cette série de portraits pour montrer les différentes facettes et couches des femmes musulmanes sous le voile en travaillant avec différents tissus traditionnels somaliens qui mettent en valeur le côté élégant et excentrique de ma mère, tout en faisant attention à la vulnérabilité et à la sensibilité de ce sujet social », précise-t-il sur son site internet. Quant à la série Do-rag, c’est une autre pièce de tissu, le Durag, qui est détournée. Porté à la fois par les Afro-Américains et par les personnes issues de la diaspora africaine, il est censé protéger et lisser les cheveux des hommes noirs. D’apparence innocente, ce foulard est en réalité porteur d’une violence allégorique, puisqu’il est associé aux membres des gangs. « Le port du Durag n’est certainement pas dépeint comme une question de soin de soi comme il l’est en réalité. Dans cette série, j’ai souhaité l’élever au rang d’ornement, contrairement à l’interprétation sinistre qui le lie à la violence (…) », ajoute-t-il. Saisis dans leur intimité ou dans une proximité presque charnelle, les portraits apparaissent alors plus sensibles et délicats. Les corps dévêtus ne se parent plus que de cette soie qui les protège de la cruauté au-dehors. L’objectif de Rami Hara fait fi de la censure occidentale et se projette avec insistance sur les couleurs, les dorures et les drapés de sa culture mère, de façon à célébrer sa beauté trop longtemps négligée.
© Rami Hara