Repousser les frontières du réel

24 octobre 2019   •  
Écrit par Anaïs Viand
Repousser les frontières du réel

La Galerie Vu accueille l’artiste espagnol David Jiménez à l’occasion de l’exposition Liminal. L’artiste y présente un ensemble cohérent issu de travaux antérieurs. Un voyage à prolonger en parcourant ses derniers ouvrages Aura et Universos.

« La réalité existe indépendamment de notre conscience : elle est là, et il nous est difficile de s’en faire une idée précise. Elle dépend de notre perception, et relève de notre imagination ». C’est ainsi que David Jiménez définit cette notion phare dans son œuvre. Une œuvre ô combien foisonnante dont on peut apercevoir quelques fragments à la Galerie Vu. L’exposition Liminal à la galerie parisienne rassemble des images en noir et blanc et quelques unes en couleur, provenant de séries antérieures. Un ensemble cohérent et condensé révélant les dernières explorations du photographe espagnol. « Il est vrai que j’ai davantage recours au noir et blanc. Peut-être que ces images s’éloignent de la réalité, et positionnent mon travail sur une frontière fine, entre le réel et l’imaginaire », confie l’artiste. L’homme et la nature, la texture et la superficie, et surtout le dicible et l’indicible. Les images de David Jiménez se situent dans un entre-deux constant, parfois sombre, et parfois très lumineux. « Je pense que chaque photographe noue une passion avec la lumière. Sinon, on passerait à côté de quelque chose de capital dans la pratique du médium. Mais le 8e art est aussi capable de raconter des histoires, comme mon travail ne le fait pas, je suppose que la présence de la lumière gagne en importance », confie -t-il à ce sujet.

© David Jiménez

Nouvelle représentation du réel

Il est vrai que David Jiménez ne cesse d’accentuer les distances avec la narration, préférant interroger notre rapport au monde, et donc la notion de perception. « Je pense qu’il est difficile de définir mon approche photographique en quelques mots. Le plus important ? Créer de nouvelles façons de voir la réalité (et donc d’y penser). Ce que nous nommons « réel » est plus dépendant de nos pensées que de nos actions. Nous pouvons utiliser le médium photographique pour en livrer une nouvelle représentation ». L’artiste est-il ennuyé par notre monde pour ainsi déployer le champ des possibles ? Non. Surement pas. « Comme des rêves, la réalité est souvent incroyablement belle et surprenante. » Minimalistes, oniriques, atemporelles, brutes, ou encore intenses. Difficiles de qualifier ses productions. Et finalement, il est préférable de s’attarder sur leur puissance évocatrice. Un mystère, un équilibre, ainsi qu’une ambiguïté se dégagent du travail de David Jiménez. Avec Liminal, l’artiste prouve deux choses : notre perception n’a aucune limite, et elle l’emporte sur la raison et l’intellect – n’en déplaisent à Platon et Descartes. « Bien que ces plans contiennent des personnes, des animaux, des espaces, des objets et des lumières, l’énergie qu’ils génèrent n’appartient à aucun d’eux en particulier, mais plutôt à ce qui les relie tous », précise l’artiste qui a pour habitude de présenter ses images en diptyques. Une fois encore,  David Jiménez repousse les frontières : ses œuvres deviennent des dialogues ouverts.

Aura , Infinito Books (autopublication), 42 €, 126 p.

Universos, Copublié par  RM, Comunidad de Madrid, Museo Universidad de Navarra, 35 €, 176 p.

 

Liminal

Jusqu’au 26 octobre 2019

Galerie VU, Hotel Paul Delaroche,

58 rue Saint-lazare, 75009 Paris

© David Jiménez© David Jiménez© David Jiménez

© David Jiménez

© David Jiménez

© David Jiménez© David Jiménez

© David Jiménez

© David Jiménez

 

Explorez
Les coups de cœur #526 : Rhoda Tchokokam et Emmanuelle Firman
© Rhoda Tchokokam
Les coups de cœur #526 : Rhoda Tchokokam et Emmanuelle Firman
Rhoda Tchokokam et Emmanuelle Firman, nos coups de cœur de la semaine, redonnent vie à des fragments d’existence. La première les...
06 janvier 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Raï de Boris Bincoletto : oublier quelqu'un pour retrouver les autres
© Boris Binceletto
Raï de Boris Bincoletto : oublier quelqu’un pour retrouver les autres
Après Solemar, son premier livre photographique qui explorait la côte Adriatique, Boris Binceletto sort Raï, qui se situe entre la...
17 décembre 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Motel 42 : Eloïse Labarbe-Lafon peint le décor d’un road trip
© Eloïse Labarbe-Lafon
Motel 42 : Eloïse Labarbe-Lafon peint le décor d’un road trip
Composé d’une quarantaine de portraits pris dans des chambres durant un road trip, Motel 42 d’Eloïse Labarbe-Lafon s’impose comme un...
06 décembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Marie Le Gall : photographier un Maroc intime
© Marie Le Gall
Marie Le Gall : photographier un Maroc intime
Absente depuis vingt ans, lorsque Marie Le Gall retourne enfin au Maroc, elle découvre un territoire aussi étranger que familier....
22 novembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Nos derniers articles
Voir tous les articles
À travers Female Gaze, Luma Koklova réenchante le monde
© Luma Koklova. Female Gaze (Cosmologies).
À travers Female Gaze, Luma Koklova réenchante le monde
Dans « Female Gaze », le premier chapitre de sa série Cosmologies, la photographe Luma Koklova pose un regard neuf, décolonisé et libéré...
09 janvier 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Byron Smith : couvrir le crime à New York
© Byron Smith. Barbara Joseph, 46 ans, dont le fils Jamal Joseph, 18 ans, a été poignardé, pleure sa mort au domicile de son autre fils Kennedy Joseph jeudi 11 juin 2015 à Brooklyn.
Byron Smith : couvrir le crime à New York
Byron Smith, photographe américain installé à Athènes qui a récemment sorti un livre sur la guerre en Ukraine (Testament ‘22, éditions...
09 janvier 2025   •  
Écrit par Gwénaëlle Fliti
Fisheye #69 : éveiller les soupçons
© Mark Mahaney
Fisheye #69 : éveiller les soupçons
En ce début d’année, Fisheye éveille la curiosité qui sommeille en nous en consacrant son premier numéro de 2025 à une thématique...
08 janvier 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
La sélection Instagram #488 : étoffe caméléon
© Theresa Maria / Instagram
La sélection Instagram #488 : étoffe caméléon
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine jouent avec le grain, dansent avec les mailles, ou impriment des images sur des...
07 janvier 2025   •  
Écrit par Marie Baranger