Respirer dans le brouillard

15 février 2021   •  
Écrit par Julien Hory
Respirer dans le brouillard

Avec He grew up in the fog, le photographe italien Angelo Bonetti propose une nouvelle série très personnelle. Dans une quête de soi, il utilise les images comme des mots. Un voyage dans le brouillard de la mémoire.

« Un passé, que je n’ai pas vécu ou dont je ne me rappelle pas, mais qui a existé, s’est évanoui dans les ténèbres de la mémoire, de manière lointaine et fragmentée. » Les mots qu’Angelo Bonetti a choisis pour accompagner sa dernière série traduisent bien sa démarche. Avec He grew up in the fog, cet autodidacte né à Turin part à la recherche de lui-même. Comme l’indique le titre de cet ensemble, ses souvenirs sont parcellaires, vagues. S’il a voulu s’exprimer par l’image, c’est avant tout par nécessité. Une façon pour lui de se maintenir connecter au monde. Angelo Bonetti enchaîne les petits boulots, sans jamais se sentir à sa place. Le 8e art devient alors une sorte d’exutoire. « J’utilise la caméra comme un outil de recherche personnel. Ce que je peux exprimer par la photo me permet de rester à flot et de continuer à me poser des questions qui me font progresser et qui donnent un sens à ma vie »,  analyse l’artiste. Nous pourrions presque parler d’une thérapie par laquelle il affronte ses doutes et tente de reconstituer les évènements qui l’ont mené à être l’homme qu’il est aujourd’hui.

© Angelo Bonetti

Des éclats visuels

« Mon projet examine les situations où tristesse, honte, anxiété et nostalgie ont créé un sentiment de perte sans signification précise », confie le photographe. Dans cette errance intérieure, une impression de nébulosité se dégage. En métaphore, nous retrouvons la brume turinoise de son enfance, à laquelle se réfère le titre He grew up in the fog. Angelo Bonetti l’explique ainsi : « Le brouillard représente la confusion, l’incertitude et les perturbations de l’âme. » Logé dans cette épaisseur ouatée, il lui faut composer par touches éparses afin de construire sa vérité. D’ailleurs, ces éclats visuels, particules de la réminiscence, sont-ils les siens ? Pour concevoir la mosaïque de sa mémoire, Angelo Benetti ne se limite pas à ses propres réalisations. Il empreinte, détourne, rogne. « Ce travail est très hétérogène. Je l’ai élaboré à partir d’archives, d’images trouvées, rephotographiées, actuelles et anciennes. Une construction faite de notes, de mots venus d’émotions refoulées, oubliées. Ce fut un processus long et difficile qui m’aide à accepter des choses qui se sont produites par le passé », décrypte l’auteur. Celui-ci n’en dira pas plus. Cette histoire, s’il la partage, elle lui appartient.

© Angelo Bonetti

Libéré du bruit

Ce cheminement dans les limbes de son être l’inscrit dans un temps par lequel il évolue à tâtons. « Les images forment un document de recherches et de découvertes. Elles créent un manuel personnel qui me guide, révèle Angelo Bonetti. Le passé et le futur sont mis au même niveau, donnant vie à une forme de présent continu.» Plus que la simple expression de ses maux, He grew up in the fog fournit des clés de lectures. La sélection des représentations, les agencements et la composition constituent une dialectique. On pourrait ainsi parler de motifs servant à Angelo Bonetti de substrats et par lesquels il tisse de manière plus ou moins consciente la toile de son individualité. Un cabinet de curiosité iconographique riche où se mêlent les impressions. Grâce à ces photographies, l’artiste respire. C’est ainsi qu’Angelo Bonetti le vit : « Ces images sont celles qui me donnent un souffle, m’octroient une pause. Elles restent suspendues, hors du temps et du contexte. Un poème qui me libère du bruit. »

© Angelo Bonetti

© Angelo Bonetti© Angelo Bonetti

© Angelo Bonetti© Angelo Bonetti© Angelo Bonetti© Angelo Bonetti

© Angelo Bonetti© Angelo Bonetti
© Angelo Bonetti© Angelo Bonetti

© Angelo Bonetti

© Angelo Bonetti

Explorez
Annissa Durar : une cueillette visuelle de senteurs
The Rose Harvest © Annissa Durar
Annissa Durar : une cueillette visuelle de senteurs
La photographe américano-libyenne Annissa Durar a documenté, avec beaucoup de douceur, la récolte des roses à Kelâat M’Gouna, au sud du...
13 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Sous le soleil d'Italie avec Valentina Luraghi
Mediterraneo © Valentina Luraghi
Sous le soleil d’Italie avec Valentina Luraghi
À travers sa série Mediterraneo, Valentina Luraghi nous transporte dans ses souvenirs d’été. Le·la spectateur·ice y découvre le...
29 août 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
La sélection Instagram #519 : évasion infinie
© Giorgia Pastorelli / Instagram
La sélection Instagram #519 : évasion infinie
Liberté. Ce mot résonne avec le clairon de l’été. Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine célèbrent la douceur et le...
12 août 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
15 expositions photographiques à découvrir en août 2025
Jill, President Street, Brooklyn, New York, 1968 © Donna Gottschalk, Courtesy de l’artiste et de Marcelle Alix, Paris.
15 expositions photographiques à découvrir en août 2025
L’été est installé, et les vacances enfin arrivées. En parallèle des Rencontres d'Arles et pour occuper les journées chaleureuses ou les...
01 août 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Ekaterina Perfilieva et l'intime au cœur de la fracture
© Ekaterina Perfilieva, Nocturnal Animals
Ekaterina Perfilieva et l’intime au cœur de la fracture
À la fois distante et profondément engagée, Ekaterina Perfilieva, artiste multidisciplinaire, interroge une contemporanéité...
17 septembre 2025   •  
Écrit par Milena III
Le 7 à 9 de Chanel : Valérie Belin et la beauté, cette quête insoluble
© Valérie Belin
Le 7 à 9 de Chanel : Valérie Belin et la beauté, cette quête insoluble
L’heure des rencontres « 7 à 9 de Chanel » au Jeu de Paume a sonné. En cette rentrée, c’est au tour de Valérie Belin, quatrième invitée...
16 septembre 2025   •  
Écrit par Ana Corderot
La sélection Instagram #524 : espaces intimes
© Sara Lepore / Instagram
La sélection Instagram #524 : espaces intimes
La maison se fait à la fois abri du monde et porte vers le dehors, espace de l’intime et miroir de nos modes de vie. Les artistes de...
16 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
5 coups de cœur qui témoignent d'un quotidien
I **** New York © Ludwig Favre
5 coups de cœur qui témoignent d’un quotidien
Tous les lundis, nous partageons les projets de deux photographes qui ont retenu notre attention dans nos coups de cœur. Cette semaine...
15 septembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet