Fisheye : Peux-tu nous expliquer le propos de ta série Revising History ?
Jennifer Greenburg : Revising History est une étude sur la photographie, sur la nature des images vernaculaires et leur rôle dans la création d’allégories culturelles. Ce travail a pour but de créer un dialogue autour de la photographie comme médium de représentation. Pour cela, j’ai remplacé les figures centrales de photos des années 40-60 par ma propre image. Je créé ainsi des images « contrefaçons ».
Pourquoi utiliser des images d’archives des années 40 et 60 ?
Cette période de l’histoire des États-Unis est souvent idéalisée, perçue comme une époque plus pure, plus simple – alors que c’était une période de tension où les inégalités étaient très fortes. Les images aident notre mémoire sélective à fonctionner.
Mes réflexions autour de la photographie vernaculaire m’ont conduite à conclure que nous partageons des identités visuelles et narratives. Nous documentons tous les mêmes moments. J’ai aussi remarqué qu’il existe bel et bien des conventions dans la composition des images, la lumière, les expressions des visages… C’est comme si nous faisions ces images pour prouver non seulement notre existence, mais aussi pour attester de notre longévité, de notre bonheur et de nos accomplissements. Surtout, elles prouvent notre conformisme, bien plus que notre unicité.
C’est donc ce constat qui t’a incité à intégrer ton visage sur ces archives ?
En quelque sorte. Si je transforme les photos « originelles », c’est pour souligner l’existence et l’universalité de ces allégories. L’image contrefaite transforme l’original en une icône symbolique d’un certain type de moments [un mariage, une fête, des moments de vie].
Est-ce qu’on peut parler d’autoportraits ?
Non mes images ne sont pas des autoportraits car dans ce travail, je suis une réplique. Et ce n’est pas facile d’incarner une personne anonyme ! Je fais de la traduction. Oui, je dois traduire la personne que je remplace sur le cliché, trouver ce qui fait d’elle une icône et la représenter.
Comment t’y prends-tu pour réaliser une image ?
C’est un procédé qui implique plusieurs disciplines ! La photographie, la performance, la création de costume – et un important travail de post-production. Une image requière des centaines d’heures de boulot. La toute première de la série date de 2010… J’y ai consacré une année complète, ça a été ma priorité. C’était un temps de travail nécessaire pour élaborer mon concept et le procédé – qui ne fut pas sans quelques ratés techniques.
Comment aimerais-tu que ta démarche soit perçue ?
J’espère que mes images engageront le public dans une réflexion sur notre interprétation des médias visuels ; sur nos intentions dans la création de souvenirs personnels ; notre participation pour établir une histoire collective.
Propos recueillis par Marie Moglia
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→ Découvrez l’intégralité du travail de Jennifer sur son site : www.jennifergreenburg.com