En Grèce, le photographe français Romain Bagnard s’inspire des mythes – notamment celui relatant la naissance d’Athéna – pour réaliser une série crue prenant place dans la rue. Cet article, rédigé par Louise Charbonnier, est à retrouver dans notre dernier numéro.
C’est à Athènes que cette série est née avec le récit brutal de la naissance d’Athéna qui a accompagné Romain Bagnard tout le temps de son séjour sur place. Entre les quartiers d’Exarchia et celui de la place d’Omonia, « cet épisode mythologique se met alors à résonner en moi. La puissance d’Athéna jaillissant du crâne de son père en brandissant épée et bouclier me captive. Elle trouve écho dans chacune des rues traversées, dans mon approche photographique, mais aussi dans mon parcours personnel. C’est une urgence presque belliqueuse de vie, de survie, de contestation, d’affirmation. C’est dans cet esprit qu’est né ce travail », explique le photographe.
C’est une série monde, avec comme principal dénominateur commun, la rue : « Ma pratique photographique est étroitement liée à la ville, à la rue, et à la marche. C’est ici que je trouve toute la matière dont j’ai besoin pour m’exprimer. J’aime l’idée de travailler à partir de ce qui est accessible et visible par tout un chacun », précise l’auteur. Dans ce corpus polysémique, complexe et mouvant s’entrechoquent couleurs et matières, lignes et visages, signifiés et signifiants, au sein d’une cartographie mentale dynamique et personnelle. « Le mythe de la Méduse, étroitement lié à celui d’Athéna, est très riche. Il parle notamment du pouvoir du regard, du simulacre, de la vanité, du narcissisme, ou du désir de voir. J’aime cette image de la Méduse qui agite ses serpents sur son crâne comme autant de pistes de sens possibles: métaphorique, horrifique, ironique, iconique, elliptique, plastique ou métaphysique. C’est ainsi que j’envisage aujourd’hui mon travail: comme un va-et-vient incessant entre ces différents niveaux d’interprétation », analyse Romain Bagnard.
Des cierges à peine consumés et déjà jetés, des dessins énigmatiques, une cicatrice traversant le dos d’un crâne, un bras gisant dans des excréments d’oiseaux, des regards sonnés, hypnotiques ou défiants, des corps malmenés… « Ces photos sont des images existantes de manière latente dans mon cerveau, et qui ont trouvé à se projeter, à un moment donné et à un endroit donné, pour être incarnées physiquement. Je crois en la capacité des images à représenter de manière très simple une pensée beaucoup plus complexe », développe Romain Bagnard. L’artiste saisit ces fragments de réalité et les recompose dans un nouvel ensemble qui, comme dans le mythe de la Méduse, forme son miroir de vérité. Un miroir que chacun est libre de saisir à son tour, et de s’y réfléchir à l’envi.
Cet article est à retrouver dans Fisheye #45, en kiosque et disponible ici.
© Romain Bagnard