« Je crois profondément qu’on est le reflet de ce qu’on exprime. Et ses photos représentent bien le genre de personne qu’était inri. »
Le couple d’artiste sino‑japonais RongRong & inri, fondateur du centre d’art photographique Three Shadows, ouvert en 2007 à Beijing, et porteur de Jimei × Arles, place sa relation intime et son environnement au cœur de ses images. Tous·tes deux reviennent sur leur histoire d’amour et racontent comment la photographie est le liant et le langage de cette union. Le duo présentera une de ses œuvres à l’exposition En plein cœur : un siècle d’amour sans filtre portée par Guerlain, du 22 octobre au 16 novembre.
Fisheye : Quel est le récit de votre rencontre ?
RongRong : En 1999, je participais à une exposition à Tokyo. C’est ici que nous avons fait connaissance pour la première fois. inri n’était qu’une visiteuse parmi d’autres, mais plus tard, j’ai appris qu’elle était aussi photographe. J’ai voulu voir son travail. Nous avons donc pris rendez‑vous dans un café pour qu’elle me montre ses photos. En les découvrant, j’ai senti au fond de moi qu’elle serait la femme de ma vie. Je crois profondément qu’on est le reflet de ce qu’on exprime. Et ses photos représentent bien le genre de personne qu’était inri.
inri : À cette époque, j’étais très introvertie. Je n’étais pas douée pour parler aux gens ou nouer des liens. Mais lorsque j’ai visité l’exposition de RongRong, j’ai été impressionnée et touchée, car je pouvais m’identifier à son œuvre.
Au début, vous avez vécu votre histoire à distance. Quel rôle a joué la photographie dans cette relation naissante ?
RongRong : La photographie est plus forte que le langage. Nous ne parlions pas la même langue, alors elle s’est imposée comme notre outil de communication. Après être rentré à Beijing, j’ai essayé de rester en contact avec inri. C’est la photographie qui m’a donné le courage de le faire.
inri : Après notre première rencontre, RongRong a tenté par tous les moyens de garder le contact. Il m’envoyait des lettres, des courriels ou m’appelait. Cependant, j’étais le genre de personne qui ne répondait jamais au téléphone ou qui vérifiait très rarement ses e‑mails. Il a persisté, et cela m’a beaucoup touchée. Après neuf mois de correspondance, nous avions très envie de nous revoir, alors je suis partie pour Beijing.
« Ce n’est ni mon travail ni celui de RongRong, mais comme un troisième œil qui nous permet de mettre en lumière les questions liées à notre existence et à ce qui nous tient à cœur. »
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La série Personal Letters n’évoque‑t‑elle pas cet échange épistolaire initiateur ?
inri : Personal Letters a été créée au début des années 2000. Les neuf premiers mois de notre idylle, nous échangions notamment des courriers accompagnés de photographies que nous n’avons pas publiées à ce jour. Peut‑être le ferons‑nous plus tard ?
Comment vos pratiques photographiques respectives se sont‑elles jointes ?
inri : Nous avons chacun nos caractéristiques propres. Mais
ensemble, nous avons inventé une expression visuelle et photographique commune qui mêle nos styles et nos langages. Ce n’est ni mon travail ni celui de RongRong, mais comme un troisième œil qui nous permet de mettre en lumière les questions liées à notre existence et à ce qui nous tient à cœur. Nous partageons cette vision que seule la photographie peut révéler.
RongRong : Lorsque nous avons commencé à photographier de concert nous voulions avant tout exprimer nos perceptions. En 2000, nous avons fait un voyage – nous avons notamment visité la Grande Muraille de Chine – qui a façonné notre pratique commune. À ce moment‑là, nous avons décidé que si l’un de nous captait un paysage, l’autre ne le ferait pas. La première étape de notre collaboration a été de nous retrouver ensemble devant l’objectif et non derrière. Nous avons libéré nos mains et laissé l’appareil photo être notre troisième œil pour nous découvrir tous les deux. Pour la première fois, RongRong & inri est apparu.
Cet article est à retrouver dans son intégralité dans Fisheye #73 en kiosque ce vendredi.