« Sabar » : combat chorégraphié

18 septembre 2020   •  
Écrit par Lou Tsatsas
« Sabar » : combat chorégraphié
Dans la série Sabar – une danse traditionnelle – le photographe sénégalais Gabriel Dia se met en scène et s’approprie cette coutume habituellement réservée aux femmes. Une œuvre plastique faisant l’éloge de la tolérance.

« Je m’appelle Gabriel Dia, je suis né en 1985 au Sénégal, pays que j’ai quitté en 2008 pour m’installer en France, lorsque j’ai compris que j’étais homosexuel et que ne pourrai pas vivre librement là-bas »,

déclare le photographe. Ingénieur de formation, celui-ci a longtemps cherché un médium qui pourrait l’aider à s’exprimer. Après s’être essayé à l’écriture, c’est finalement le 8e art qui l’aide à illustrer ses états d’âme. « J’ai reçu un boîtier en 2016, pour mon anniversaire. Ce fut une révélation », ajoute-t-il.

Pour Gabriel Dia, réaliser des images est un acte thérapeutique. Une manière d’exorciser les douleurs du passé et de mieux comprendre les peines de son adolescence. À travers ses séries, il interroge les notions de genre, d’amour et de sexualité, et fait le portrait d’une communauté LGBTQ+ fière et libre. Symboliques, ses images illustrent, à l’aide de palettes de couleurs douces et d’une certaine abstraction, le désir d’abolir des règles qui entravent l’homme.

© Gabriel Dia© Gabriel Dia

S’affranchir des conventions

Loin de ses habituels projets chatoyants, Sabar se veut sombre et monochrome. Graphiques, les négatifs noir et blanc, pris en surimpression, laissent deviner les traits du visage de l’artiste, sa silhouette, et son corps tandis qu’il danse et pose. « Je travaille très peu sans couleurs, mais j’avais pour cette série envie d’un traitement plastique plus dur. Le noir et blanc me l’apporte, et évoque symboliquement la notion du temps qui passe – une manière de dénoncer les inégalités qui perdurent », précise l’artiste.

Le Sabar est une danse sensuelle venue du Sénégal. « Il est de tradition que les hommes jouent de la musique et que les femmes dansent en guise de remerciement. La gestuelle de cette pratique est considérée comme féminine », explique-t-il. Pour cette raison, le Sabar est interdit aux hommes. Dans cet univers gris au grain prononcé, Gabriel Dia emprunte la gestuelle des danseuses, et se met en scène, s’affranchissant des conventions. Loin de son pays natal, il se réapproprie une culture qui lui est chère, tout en protestant contre l’homophobie persistante. « Il est difficile de grandir sans maux dans une société où l’homosexualité est considérée comme un crime », ajoute-t-il. Accompagnant ses portraits, quelques natures mortes évoquent la résilience, la renaissance et les souvenirs d’enfance. Une collection d’images aussi mélancoliques qu’engagées.

© Gabriel Dia© Gabriel Dia
© Gabriel Dia© Gabriel Dia
© Gabriel Dia© Gabriel Dia

© Gabriel Dia

Explorez
Dylan Hausthor, là où les papillons veillent et la pluie murmure
© Dylan Hausthor
Dylan Hausthor, là où les papillons veillent et la pluie murmure
Dans son premier livre, What the Rain Might Bring, Dylan Hausthor capture une Amérique rurale peu connue, peuplée d’ombres, de rites et...
23 mai 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Que sont devenu·es les artistes exposé·es à Circulation(s) ?
© Jenni Toivonen
Que sont devenu·es les artistes exposé·es à Circulation(s) ?
Le festival de la jeune photographie européenne Circulation(s) fête cette année sa 15e édition. Dénicheur de talents émergents depuis ses...
23 mai 2025   •  
Atmosphère dérangeante et éléments surréalistes : l’influence de David Lynch
© Shaoqi Hu
Atmosphère dérangeante et éléments surréalistes : l’influence de David Lynch
David Lynch fait partie des cinéastes qui ont su marquer l’histoire du 7e art en y imposant leur style. Son esthétique aisément...
21 mai 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Focus #78 : Boby publie le cafoucho de sa vie
06:08
Focus #78 : Boby publie le cafoucho de sa vie
C’est l’heure du rendez-vous Focus ! À l’occasion de la sortie de son livre Cafoucho, aux éditions Fisheye, Boby nous partage le...
21 mai 2025   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Mondes en commun : le musée Albert Kahn sème un inventaire photo dans son jardin
Siân Davey, The Garden XXIII, 2023
Mondes en commun : le musée Albert Kahn sème un inventaire photo dans son jardin
Jusqu’au 7 septembre 2025, le musée Albert Kahn présente la deuxième édition de son festival de photographie contemporaine Mondes en...
Il y a 10 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Dylan Hausthor, là où les papillons veillent et la pluie murmure
© Dylan Hausthor
Dylan Hausthor, là où les papillons veillent et la pluie murmure
Dans son premier livre, What the Rain Might Bring, Dylan Hausthor capture une Amérique rurale peu connue, peuplée d’ombres, de rites et...
23 mai 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Que sont devenu·es les artistes exposé·es à Circulation(s) ?
© Jenni Toivonen
Que sont devenu·es les artistes exposé·es à Circulation(s) ?
Le festival de la jeune photographie européenne Circulation(s) fête cette année sa 15e édition. Dénicheur de talents émergents depuis ses...
23 mai 2025   •  
Ed Alcock remporte l'édition 2025 du prix Niépce Gens d'images
© Ed Alcock / MYOP
Ed Alcock remporte l’édition 2025 du prix Niépce Gens d’images
Le prix Niépce Gens d’images vient de révéler le nom de son 70e lauréat : il s’agit d’Ed Alcock. Au fil de ses projets, le photographe...
22 mai 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet