« Je m’appelle Gabriel Dia, je suis né en 1985 au Sénégal, pays que j’ai quitté en 2008 pour m’installer en France, lorsque j’ai compris que j’étais homosexuel et que ne pourrai pas vivre librement là-bas »,
déclare le photographe. Ingénieur de formation, celui-ci a longtemps cherché un médium qui pourrait l’aider à s’exprimer. Après s’être essayé à l’écriture, c’est finalement le 8e art qui l’aide à illustrer ses états d’âme. « J’ai reçu un boîtier en 2016, pour mon anniversaire. Ce fut une révélation », ajoute-t-il.
Pour Gabriel Dia, réaliser des images est un acte thérapeutique. Une manière d’exorciser les douleurs du passé et de mieux comprendre les peines de son adolescence. À travers ses séries, il interroge les notions de genre, d’amour et de sexualité, et fait le portrait d’une communauté LGBTQ+ fière et libre. Symboliques, ses images illustrent, à l’aide de palettes de couleurs douces et d’une certaine abstraction, le désir d’abolir des règles qui entravent l’homme.
S’affranchir des conventions
Loin de ses habituels projets chatoyants, Sabar se veut sombre et monochrome. Graphiques, les négatifs noir et blanc, pris en surimpression, laissent deviner les traits du visage de l’artiste, sa silhouette, et son corps tandis qu’il danse et pose. « Je travaille très peu sans couleurs, mais j’avais pour cette série envie d’un traitement plastique plus dur. Le noir et blanc me l’apporte, et évoque symboliquement la notion du temps qui passe – une manière de dénoncer les inégalités qui perdurent », précise l’artiste.
Le Sabar est une danse sensuelle venue du Sénégal. « Il est de tradition que les hommes jouent de la musique et que les femmes dansent en guise de remerciement. La gestuelle de cette pratique est considérée comme féminine », explique-t-il. Pour cette raison, le Sabar est interdit aux hommes. Dans cet univers gris au grain prononcé, Gabriel Dia emprunte la gestuelle des danseuses, et se met en scène, s’affranchissant des conventions. Loin de son pays natal, il se réapproprie une culture qui lui est chère, tout en protestant contre l’homophobie persistante. « Il est difficile de grandir sans maux dans une société où l’homosexualité est considérée comme un crime », ajoute-t-il. Accompagnant ses portraits, quelques natures mortes évoquent la résilience, la renaissance et les souvenirs d’enfance. Une collection d’images aussi mélancoliques qu’engagées.
© Gabriel Dia