Vincent Catala s’est installé dans la cité carioca il y a une dizaine d’années, fantasmant sur une ville solaire, idéale pour un nouveau départ. Loin des favelas, du Corcovado ou de la plage de Copacabana, le photographe s’est laissé porter durant cinq ans au gré de ses déambulations, pour livrer une série pleine d’une douce mélancolie. Cet article est à retrouver dans notre dernier numéro.
Portraits inquiets, immeubles fantomatiques, vagues solitaires, paysages à la lumière laiteuse ou rues écrasées de soleil, intérieurs muets, architectures semblables à des décors de théâtre… Les photographies de Vincent Catala nous entraînent dans un monde énigmatique. Les terrains vagues géants et les tronçons d’autoroute nous éloignent de la carte postale de Rio de Janeiro. De ses « lieux fantasmés que l’on pourrait décrire les yeux fermés sans jamais y être allé », précise l’auteur, qui a « l’impression de naviguer perpétuellement entre réalité et fiction, comme le lecteur des Villes invisibles d’Italo Calvino, ne sachant jamais si Marco Polo décrit ou invente les cités qu’il raconte à l’empereur Kubilai Khan ». Dans son roman, qui sert de repère au Français débarqué au Brésil, l’écrivain italien précisait : « Les villes, comme les rêves, sont faites de désirs et de peurs. »
À coups d’errances et de déambulations
« Je dois reconnaître qu’au départ, j’ai été très déçu par ma nouvelle vie. J’avais tout quitté et je me retrouvais au milieu de nulle part, coupé de tout et de tous. Je me souviens, les premiers mois, avoir passé de longues heures à regarder par la fenêtre de ma chambre. Il y avait en contrebas une route à deux fois deux voies et une station-service, où j’allais déjeuner. Je me sentais impuissant et sans réponse : comment photographier un lieu illisible ? »
, confie Vincent Catala. Alors, patiemment, il s’aventure dans ce nouveau territoire, loin des quartiers touristiques. Procédant « par fragments et par bribes, à coups d’errances et de déambulations. Petit à petit, ces déambulations ont révélé des détails récurrents, qui se sont eux-mêmes transformés en idées fixes, donnant une trame et une intention à mes déplacements », explique-t-il.
Ses images rêveuses et impénétrables comme des blocs d’espaces silencieux n’en finissent pas de nous intriguer. Les personnages mutiques font écho aux intérieurs désabusés, les rideaux s’ouvrent sur des décors absents. Seules parfois une lumière ou la grâce d’un corps semblent faire émerger un désir. « Tous ces éléments mis bout à bout dessinent un paysage urbain intérieur, un espace sensible cartographiant mon imaginaire et mes angoisses », analyse le photographe. « Cette ville a-t-elle façonné mon regard, mes émotions ? Ou ai-je créé un espace fictif tout droit sorti de mon imagination ? », s’interroge-t-il. Loin de vouloir trancher cette question, les photographies nous conduisent dans un Rio vide et oppressant, où la solitude devient palpable. Dans cet univers silencieux, les images déploient un monde magnétique que le langage demeure impuissant à traduire. C’est bien là que réside tout le talent de Vincent Catala.
© Vincent Catala / Agence VU’
Cet article est à retrouver dans Fisheye #32, en kiosque et disponible ici.