Depuis sept ans que Fisheye existe, après une cinquantaine de publications en comptant les hors-séries, nous n’avions pas encore franchi le pas. Est-ce « l’âge de raison » qui nous libère de cet interdit? Ou est-ce tout simplement le signe d’une évidence: le sexe nous concerne toutes et tous, et les photographes s’y frottent depuis longtemps, avec peut-être plus de liberté ces derniers temps. L’édition des magazines érotiques a profondément changé, le regard porté sur les femmes – par les hommes et plus encore par les femmes – a lui aussi évolué, la pornographie s’est émancipée, la circulation des Nudes sur les réseaux sociaux a conduit à de nouvelles pratiques… Le sexe, cet objet de désir, est au cœur des pratiques de certains auteurs. Lumière sur l’une d’entre eux : Romy Alizée. Cet article, rédigé par Gwenaëlle Fliti, est à retrouver dans le dossier de notre dernier numéro.
Au cœur de sa nouvelle série, « la sortie de l’hétéro-normativité ». Évolution logique, continuité manifeste. « Furie [2018], c’était plutôt du porno hétéro, rappelle la photographe et travailleuse du sexe de 31 ans. Aujourd’hui mes photos traduisent davantage l’univers queer lesbien. » Si sa photographie a suivi la fluidité de son désir, ce qui reste immuable, en revanche, c’est le dispositif : noir et blanc, fond épuré, lumière frontale. On ne triche pas. L’autoportrait est revisité comme des saynètes performatives. « Je réfléchis pas mal en termes d’histoires », souligne l’artiste féministe. Dans le souci de représenter avec le plus de justesse possible sa communauté queer, lesbienne, et celle du travail du sexe, elle invite ses ami(es) qui en sont issu(es) à poser avec et pour elle. Une fois les codes déconstruits, l’érotisme revêt une tout autre dimension empreinte de female gaze. Sa démarche va au-delà de l’image fixe. Avec la photographe Bérangère Fromont, Romy Alizée planche sur un projet de film – entre documentaire et fiction, politique et artistique – sur la représentation des lesbiennes, son cheval de bataille.
Cet article est à retrouver dans Fisheye #42, en kiosque et disponible ici.
© Romy Alizée