Dans Sidewalk Stills, le photographe français Charles Negre offre un regard sensible sur les déchets qui parsèment les sols des marchés parisiens.
Les volutes d’une moisissure sur la chair d’une pomme, des épluchures devenues taches de peinture sur un tableau rosé, les rainures d’une nageoire ondulant comme les lignes d’une calligraphie dans une flaque d’eau… Dans Sidewalk Stills, Charles Negre approche son objectif au plus près des déchets des marchés parisiens – suivant méticuleusement leurs heures d’ouverture pour débarquer juste avant leur nettoyage –, afin d’en révéler la beauté aussi étrange qu’éphémère. Diplômé de l’École cantonale d’art de Lausanne (Écal), le photographe s’est installé à Paris pour « tenter [s]a chance ». « Ça a mis longtemps, mais avec de la ténacité, on arrive à faire beaucoup », assure-il. Depuis, il alterne les périodes intenses où se bousculent les projets éditoriaux et publicitaires et les moments plus lents où ses travaux personnels peuvent voir le jour. « Cela inclut des résidences à l’étranger ou du temps passé à Paris pour me concentrer sur des éléments spécifiques. Cette balance est essentielle : les deux aspects se nourrissent mutuellement », explique-t-il.
Ces « choses du caniveau »
Suivant un « processus analogique précis, de la prise de vue à la chambre noire », Charles Negre ne cesse d’apporter une noblesse à ce que l’on fait habituellement disparaître, ces « choses du caniveau » métamorphosées en natures mortes colorées. Dans ses images, la pulpe d’une tomate remodèle la bâche au rouge soutenu qui la porte, une canette de Red Bull souligne à merveille les tons dorés des girolles qui la recouvrent. Même les restes d’animaux – poissons aux yeux globuleux, huîtres esseulées et pattes de poulet aux griffes acérées – deviennent les protagonistes d’un conte des plus étonnants, redonnant une place de choix aux « oubliés » du marché. Le photographe convoque le sublime là où on ne l’attend pas. Une manière singulière de représenter sa perception du médium. « La photographie reste encore le meilleur moyen de garder une innocence envers notre monde », conclut-il.
Cet article est à retrouver dans Fisheye #71.
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