Composée tel un morceau de musique pour les vacances, Solo j’ai pris l’eau d’Anna Leonte Loron nous emporte sur les plages à la fin de l’été. Une série où être seule rime avec amour infini.
Un été en Grèce, d’abord aux côtés d’une amie, puis quelques semaines en solitaire avec son paréo et son appareil photo : c’est ainsi que s’est construite la série Solo, j’ai pris l’eau d’Anna Leonte Loron. « À cette période, je ressentais le besoin d’être seule. Vivre pour moi, au rythme de mes envies et désirs. Tous les matins, je partais à la plage pour y rester jusqu’au coucher du soleil. Je n’avais aucun autre objectif qu’aller et venir entre ma serviette et l’eau. Me laisser taper par le soleil, prendre un bain, recommencer. Je ne dormais pas, je ne lisais pas, je voulais juste m’ennuyer. J’avais envie de revenir à cet état, car on ne prend plus le temps de s’ennuyer alors que ce qui est fascinant dans ces moments c’est que tout ce qui nous entoure devient un véritable spectacle. Chaque jour une nouvelle histoire avec de nouveaux personnages. Et puis à force d’imaginer leur vie, on finit par penser à la sienne », raconte l’artiste parisienne de 31 ans.
Après quelques années en agence de publicité, Anna Leonte Loron s’est véritablement retrouvée dans le médium photographique, célébrant toute sa dimension esthétique et sa force de narration. Privilégiant le contact des choses simples, du vrai et même parfois du non-événement, elle reste à l’écoute de ce que lui dictent ses ressentis, son intuition créative. Ainsi, en shootant à l’argentique, elle retrouve cette sensation d’un instant pur partagé avec l’objectif et son sujet, et fige avec parcimonie les éléments qui lui plaisent sans poser d’attente sur le résultat. « Un jour j’ai eu la chance d’échanger en tête à tête avec Joel Meyerowitz. Je lui ai demandé comment il avait trouvé son style – on m’avait plusieurs fois demandé quel était le mien et sans que je sache vraiment l’expliquer, cette question me dérangeait. J’ai adoré sa réponse : “ Ne cherche pas à définir ce que tu shootes, shootes ce qui t’inspire, littéralement, shootes ce qui te fait in-spirer”. Il a mimé cette très brève inspiration qu’on prend naturellement quand on est soudainement touché par un moment de grâce. »
L’amour en solitaire
« Chaque hiver je suis nostalgique de l’été passé ou qui arrive », avoue Anna Leonte Loron. Baignés de désinvolture, les clichés de sa série se font le court-métrage d’un mois passé sous le soleil épais d’un ennui rassurant. Rajoutés après tirages de ses images, les sous-titres que l’on peut lire nous racontent une histoire muette, écrite en silence dans l’ombre des passant·es ou des bateaux de pêcheurs. Des moments qui résonnent en chacun·e de nous, dans notre solitude la plus ténue. « Les sous-titres n’étaient pas du tout prévus. À mon retour j’ai imprimé toutes les images que j’avais prises. Sans faire attention, je me suis mise à fredonner une chanson. Je fredonne tout le temps, même les chansons que je ne connais pas – c’est assez insupportable — mais là, chaque jour, à chaque fois que je me remettais sur ces images, je fredonnais cette même mélodie. Jusqu’à m’en rendre compte et la reconnaitre : c’était l’Amour en Solitaire de Juliette Armanet. J’aime croire que ses mots me sont apparus pour venir danser avec mes images. Juliette, si un jour tu me lis, merci, désolée, merci ! », s’amuse-t-elle.
Seule, Anna Leonte Loron l’était, se laissant porter par le ressac des vagues, ou par la présence lointaine de vies humaines. Et au cœur de cette escapade, une douceur expansive se dégage dans l’air. C’est celle que l’artiste a extraite des couchers de soleil, de la lumière de fin de journée qui nous berce tout l’été. Une teinte voilée comme pour nous envelopper auprès d’elle, et que, de « solo » elle passe ses vacances infiniment à deux, avec le reste du monde.
© Anna Leonte Loron