Dans Thank for playing with me, Yolanda Y. Liou met en scène deux modèles grande taille : Enam Asiam et Vanessa Russel. Une série s’emparant des codes de la mode pour célébrer la diversité des corps.
« Je me concentre sur l’atmosphère, l’environnement qui m’entoure, et les récits sous-jacents qui se tissent dans mon cadre et hors champ. Je permets à l’imprévisible d’intervenir dans la réalisation de mes images »,
déclare Yolanda Y. Liou. Cette photographe taïwanaise est tombée amoureuse du 8e art à 21 ans, alors qu’elle documentait son périple en Europe. Aujourd’hui installée à Londres, elle vit de ses commandes et développe un univers délicat, au sein duquel la femme occupe une place importante.
Invitée par l’une des commissaires de l’exposition Neo Hua Ren – regroupant des artistes londoniens d’origine chinoise, taïwanaise et hongkongaise – à participer à l’événement, la photographe s’est lancée dans un nouveau projet. « Neo Huan Ren interroge la notion d’identité ethnique au cœur de la mondialisation : de quelle manière mes racines asiatiques et la culture occidentale m’affectent-elles ? », explique-t-elle. Au même moment, elle découvre le compte Instagram d’Enam Asiam une modèle grande taille qui la fascine. « Je souhaitais réaliser un projet autour du corps, et j’ai été conquise par sa confiance et son charisme », précise l’artiste. Après avoir invité son amie Vanessa Russel à participer au shooting, l’influenceuse accepte de se livrer devant l’objectif de Yolanda Y. Liou. Un moment profondément intime qui marque la photographe. « J’ai choisi de ne pas engager de styliste, ou de maquilleur. Je voulais qu’elles soient à l’aise. À la fin de la séance, je leur ai dit : “merci d’avoir joué avec moi”. J’avais l’impression d’avoir passé un moment avec ma petite sœur », confie-t-elle.
Une thérapie visuelle décomplexée
Scènes urbaines et intimes, tons pastel ou tranchés, les deux modèles posent avec fierté. Leurs corps libres s’exposent sans timidité. Des formes souvent diabolisées par l’esthétique mode et la publicité. « Il s’agit d’une série très personnelle. Être maigre est considéré comme un standard de la culture asiatique – une pression que j’ai ressentie dès mon plus jeune âge. Je me souviens avoir répété inlassablement devant le miroir “je veux être mince, je veux être grande” lorsque j’étais au collège… Les conséquences physiques et psychologiques d’une telle éducation sont désastreuses », raconte Yolanda Y. Liou. Véritable éloge de la diversité des formes féminines, Thank you for playing with me s’adresse aux jeunes filles mal dans leur peau. Une manière pour l’artiste de dénoncer des standards de beauté devenus dictats au sein de notre société.
En s’appropriant les codes de la mode, la photographe donne à voir une autre vision du corps, une thérapie visuelle décomplexée. Les deux modèles, capturées dans des mises en scène picturales, semblent défier le regardeur, et l’inviter à repenser sa notion du beau. Accessoires, postures et regards évoquent les muses des grands peintres et soulignent le charme des jeunes femmes. Une collection d’images sublimes, dans laquelle se mêlent complicité et intimité. « J’espère que celles qui vivent la même chose que moi pourront se sentir mieux. Je veux qu’elles sachent qu’être soi-même est suffisant, qu’elles méritent de s’aimer et d’être aimées », conclut-elle.
© Yolanda Y. Liou