« The Fall » : marées noires et sirène libre

01 février 2023   •  
Écrit par Milena III
« The Fall »  : marées noires et sirène libre

Né de la rencontre entre la musicienne électronique Alexi Shell et le talent du vidéaste Florent Augizeau épaulé par Lola Margrain, le clip The Fall mêle composition hypnotique et esthétique envoûtante. Un conte visuel aux influences queer et futuristes

Entre mythe et réalité, majesté et inquiétude, The Fall met en scène autant la souffrance et la puissance féminines que « la présence de la nature comme force vivante », selon les mots de Lola Margrain. Pour cette aventure commune, les deux réalisateurices ont exploré le territoire islandais, bercé·es par leurs fantasme et la beauté des paysages spectaculaires réels. Et pour créer cet espace dramatique que l’on voit dans le clip, l’une et l’autre ont joué avec les contrastes et l’ambivalence offert·es par l’Islande : « La région est clairement plus vivante et en mouvement que peut-être n’importe quel autre endroit sur Terre – que j’aie pu visiter du moins, affirme la vidéaste. Les couleurs et la lumière changent rapidement, radicalement. Un même espace peut avoir une beauté céleste et virer du tout au tout à une atmosphère très dramatique. »

L’Islande leur est apparue à tous·tes les deux comme idéale pour la mise en scène d’une créature aquatique mythique – incarnée par Alexi Shell – tout droit sortie des tristes marées noires pour échouer sur une plage de sable – noire elle aussi. The Fall raconte la douloureuse arrivée de cette sirène sur la terre ferme et sa difficulté à s’y acclimater, mais aussi son évolution progressive tandis qu’elle puise dans sa force féminine, ici représentée comme surnaturelle. Elle rêve d’une liberté qui lui permettrait de ne rien sacrifier d’elle-même et de cette puissance. D’après Florent Augizeau, « Sur cette même plage, il y a deux versions d’Alexi Shell : l’origine même de son essence, puis la femme conquérante. » Le clip traduit ainsi l’obsession de la musicienne pour la figure transgressive de la sirène, qui offre à l’artiste et militante pour les luttes queer l’occasion d’aborder les thèmes qui sont chers – entre autres le care et l’inclusivité.

L’art du ralenti

Au cœur de la vidéo, les contrastes brillent. Tantôt, les plans défilent à toute vitesse au rythme des lourdes basses frénétiques à 140 BPM, tantôt, ils suivent la lenteur hypnotique d’une musique plus ambiante. « Je pense que la magie surgit souvent à travers une certaine forme de lenteur », précise Lola Margrain. Et si les deux artistes reconnaissent l’impact du 8e art sur leur travail de vidéastes, son influence sur leurs imaginaires diffère. L’un y trouve une véritable source d’inspiration tandis qu’il s’agit davantage d’un background pour l’autre. Chez Lola Margrain, « c’est souvent telle ou telle image visuelle ou symbolique qu'[elle a] vue dans un film ou retenue d’un livre ou d’une musique qui vont inconsciemment faire germer ou révéler une idée ». Le travail de Florent Augizeau, lui, est influencé par les photographies de mode des années 1990 ou encore le design des années 1980. D’où l’impression d’une scène de shooting, notamment grâce aux beaux costumes de la designer Elena Budu. « Il y a là quelque chose de très sombre et de dramatique dans le rendu qui me parle énormément », explique-t-il. L’impact de la photographie, de toute évidence très présente dans l’œuvre, trouve sa meilleure manifestation dans le slow motion. Car « le ralenti, c’est l’irréel ; c’est le rêve parfois. Et poussé à l’extrême et dans un cadre bien précis, on peut être tenté de créer une sorte de tableau », conclut le réalisateur avec sagesse.

© Florent Augizeau et Lola Margrain

© Florent Augizeau et Lola Margrain© Florent Augizeau et Lola Margrain

© Florent Augizeau et Lola Margrain

© Florent Augizeau et Lola Margrain© Florent Augizeau et Lola Margrain

© Florent Augizeau et Lola Margrain

© Florent Augizeau et Lola Margrain

Explorez
La sélection Instagram #489 : chambre vermeille
© Maša Stanić / Instagram
La sélection Instagram #489 : chambre vermeille
La couleur rouge a une place toute particulière en photographie. Dans les laboratoires de tirages, elle éclaire la pénombre et révèle...
14 janvier 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Entre ombre et lumière, Sarah Moon illumine le 7 à 9 de Chanel
© Sarah Moon
Entre ombre et lumière, Sarah Moon illumine le 7 à 9 de Chanel
La première édition du 7 à 9 de Chanel a réuni, au Jeu de Paume, l’emblématique photographe et cinéaste Sarah Moon, l’étudiante en art...
13 janvier 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Contenu sensible
Aldo Giarelli, le queer au corps
© Aldo Giarelli
Aldo Giarelli, le queer au corps
Photographe de mode, Aldo Giarelli restitue dans sa dernière série, We are Everywhere, des corps queers à la fois sexualisés et divers.
10 janvier 2025   •  
Écrit par Hugo Mangin
La sélection Instagram #488 : étoffe caméléon
© Theresa Maria / Instagram
La sélection Instagram #488 : étoffe caméléon
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine jouent avec le grain, dansent avec les mailles, ou impriment des images sur des...
07 janvier 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Sony World Photography Awards : la photographie à la fleur de l'âge
© Thapelo Mahlangu, South Africa, Shortlist, Student Competition, Sony World Photography Awards 2025
Sony World Photography Awards : la photographie à la fleur de l’âge
Les Sony World Photography Awards annoncent les finalistes de ses deux compétitions célébrant les jeunes photographes à travers le monde...
Il y a 8 heures   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Balázs Turós et le quotidien de sa grand-mère atteinte de démence
© Balázs Turós
Balázs Turós et le quotidien de sa grand-mère atteinte de démence
Confronté à la maladie de sa grand-mère et à ses propres questionnements existentiels, le photographe hongrois Balázs Turós sonde l’âme...
21 janvier 2025   •  
Écrit par Agathe Kalfas
La sélection Instagram #490 : jardin secret
© Talya Brott / Instagram
La sélection Instagram #490 : jardin secret
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine confectionnent un nid douillet. Sur leurs images se dévoilent un cocon familial...
21 janvier 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #528 : Mélodie Roulaud et LickieMcGuire
© LickieMcGuire
Les coups de cœur #528 : Mélodie Roulaud et LickieMcGuire
Mélodie Roulaud et LickieMcGuire, nos coups de cœur de la semaine, se livrent toutes deux à une pratique photographique ayant trait à...
20 janvier 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet