Dans le cadre du parcours photographique PhotoSaintGermain, la Maison de l’Amérique latine accueille The Spectre, de Miguel Rothschild. Un artiste posant un regard poétique et philosophique sur la nature.
D’origine argentine, Miguel Rothschild vit à Berlin depuis le début des années 1990, où il développe une œuvre complète, mêlant installation, sculpture, verre, matière organique et photographie. Dans le cadre du parcours photographique PhotoSaintGermain, il a accroché son Spectre au cœur de la Maison de l’Amérique latine. Un travail plastique aussi troublant que fascinant. Il y a, dans l’œuvre de l’auteur, un désir de célébrer la poésie. Celle des grands écrivains, comme celle des hasards qui jonchent notre quotidien. Inspiré par la littérature et la peinture, l’artiste développe des projets aux frontières de l’imaginaire.
« J’ai commencé à utiliser le 8e art comme un outil qui me permet de jouer avec des images de la réalité pour les transformer », confie-t-il d’ailleurs à Béatrice Andrieux, la commissaire de l’exposition. En contemplant The Spectre, le visiteur est invité à lâcher prise, à s’approcher, à s’immerger dans l’image, à la recherche de ce lyrisme que Miguel Rothschild affectionne. Les photographies qui composent cette série représentent toutes un nuage de fumée dont l’évolution effraie autant qu’elle intrigue. « J’ai été fasciné par les formes engendrées par ce feu de forêt dans la campagne de Grenade, en Espagne. Je les percevais si intensément qu’elles me faisaient penser à des esprits, comme sortis de l’intérieur du paysage », explique-t-il.
Un dialogue avec la photographie
Pour l’artiste, chaque élément naturel possède une âme. Un détail qu’il s’acharne à représenter dans ses créations. Ici, les clichés de paysages sont brûlés au chalumeau. Les marques, formant des graphismes dans les branches des arbres, révèlent le goût de l’auteur pour le pictural. Les motifs transforment le papier, lui donnant l’apparence du cuir, du métal ou même de la feuille d’or en fonction des rayons lumineux. Seule la fumée, blanche et aérienne, est laissée intacte, voguant, à la manière d’un esprit, librement au-dessus de la forêt. Au centre de la salle d’exposition, une vitre transparente diffuse elle aussi un nuage brumeux – miroir d’un être emprisonné, essayant en vain de s’échapper. Une installation aux multiples lectures.
On devine un goût pour la minutie, une patience acharnée de la part de Miguel Rothschild, qui fait de chacune de ses images des créations uniques. Si ce dernier ne prétend pas réaliser des œuvres aux dimensions écologiques, les parallèles demeurent évidents. Ici, les feux sont maîtrisés, utilisés par les hommes avec précaution, pourtant ils évoquent les désastreux incendies d’Amazonie, et tentent de nous avertir des conséquences d’un manque de respect envers la nature. Ses calligraphies abstraites, inscrites dans le papier à l’aide d’une flamme, dévoilent à la fois une certaine violence et un goût pour le mysticisme ; ou du moins une profonde admiration des éléments. « Je ne prétends pas évoquer une pratique religieuse, mais simplement poser un regard poétique », avertit-il. Quoi qu’il en soit, fragiles et impénétrables, ses volutes de fumée semblent émaner de l’esprit des lieux, jouant tour à tour le rôle de protecteur et de destructeur. Une représentation allégorique de l’emprise de l’Homme sur son environnement.
Jusqu’au 10 janvier 2019
Maison de l’Amérique latine
217 boulevard Saint-Germain, 75007 Paris
© Miguel Rothschild