Transmutation du réel 

02 mars 2023   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Transmutation du réel 

De la réalité à la fiction, de la nostalgie au futurisme, des termes scientifiques à la culture populaire, Sara Sadik, l’artiste bordelaise installée à Marseille est attirée par les contrastes. C’est dans cet équilibre esthétique fascinant qu’elle puise la sève de son art post-internet. Cet article, rédigé par Maxime Delcourt, est à retrouver en intégralité dans notre dernier numéro de Fisheye.

Sara Sadik s’est faite maîtresse d’une puissante singularité esthétique. Aussi distinctes soient-elles, ses différentes œuvres (vidéos, photographies, installations…) rassemblent un même amour déterminé du geste artistique et des valeurs piochées dans les cultures populaires, trop souvent négligées ou invisibilisées par le monde de l’art. Sur Khtobtogone, on l’observe ainsi se réapproprier les codes de GTA V, tandis qu’Ultimate Vatos : force & honneur, l’un de ses derniers projets, puise son récit dans un processus d’écriture fait de collages d’éléments pris dans le rap français (PNL, Booba, Timal), la littérature (Rester barbare de Louisa Yousfi), les slogans extraits des campagnes publicitaires de l’armée de terre ou les devises des légionnaires. Citons également Carnalito Full Option, un jeu télévisé se tenant au stade Vélodrome et mettant en scène cinq jeunes hommes déterminés à relever plusieurs défis en vue d’être élu l’« homme idéal ». « Sara a cette faculté d’utiliser la fiction, voire la science-fiction, pour évoquer des enjeux très contemporains, estime Alix Dionot-Morani, cofondatrice de la galerie Crèvecœur à Paris. Elle n’est jamais dans une forme de littéralité par rapport aux sujets qu’elle explore. Pour cela, elle manipule différentes sources issues des cultures populaires, comme l’argot, le foot, les mangas, la téléréalité… Tout en créant son propre langage à partir de ces codes-là. »

© Sara Sadik

En 2018, en sortant de ses études aux Beaux-Arts de Bordeaux, à une époque où elle écrivait déjà des scripts de vidéo inspirés par son adolescence, Sara Sadik avait trouvé un terme synthétisant sa démarche : le « beurcore ». Une expression représentant la culture de la diaspora maghrébine en France, dont elle a fini par s’éloigner par crainte des étiquettes trop rapides. « Son travail traduit un récit initiatique assez profond, précise Alix Dionot-Morani. Sachant cela, il est logique de la voir évoluer sous nos yeux, prendre des décisions fortes, quitte à mettre de côté des esthétiques privilégiées par le passé.» Pour comprendre cette évolution, il suffit de s’intéresser aux nombreux alter ego qu’elle incarne dans ses vidéos, tel un écho à ces identités multiples créées pour s’adapter à différents contextes sociaux. Parfois féminins (Lazuli, Tchikita), ou masculins (Lyca, Mobalpa, Rakuten), ces doubles étaient à l’origine un moyen de comprendre la personnalité de son petit frère alors en crise post-adolescente. Impuissante face aux enjeux qu’il traversait, Sara Sadik, née d’un père marocain et d’une mère algérienne en périphérie de Bordeaux, voyait dans son travail la possibilité de saisir son comportement, mais aussi, plus largement, de présenter des hommes écartés du corps de la nation, de les faire exister dans le champ de l’art contemporain. «C’est là toute la beauté de son approche, avance Alix Dionot-Morani. Elle s’inspire du docu-fiction tout en se basant sur des concepts venus de la science-fiction : l’anticipation, les mondes parallèles, le clonage, etc. » 

Retrouvez cet article dans son intégralité dans le Fisheye #57.

© Sara Sadik © Sara Sadik

© Sara Sadik

Explorez
Les photographes montent sur le ring
© Mathias Zwick / Inland Stories. En jeu !, 2023
Les photographes montent sur le ring
Quelle meilleure façon de démarrer les Rencontres d’Arles 2025 qu’avec un battle d’images ? C’est la proposition d’Inland Stories pour la...
02 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Volcan, clip musical et collages : nos coups de cœur photo d’août 2025
© Vanessa Stevens
Volcan, clip musical et collages : nos coups de cœur photo d’août 2025
Expositions, immersion dans une série, anecdotes, vidéos… Chaque mois, la rédaction de Fisheye revient sur les actualités photo qui l’ont...
29 août 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Contenu sensible
Focus #80 : Sofiya Loriashvili, la femme idéale est une love doll
06:31
© Fisheye Magazine
Focus #80 : Sofiya Loriashvili, la femme idéale est une love doll
C’est l’heure du rendez-vous Focus ! Alors que sa série Only You and Me se dévoilera prochainement sur les pages de Sub #4, Sofiya...
27 août 2025   •  
Écrit par Lou Tsatsas
La sélection Instagram #521 : monstres et merveilles
© Jean Caunet / Instagram
La sélection Instagram #521 : monstres et merveilles
Les monstres, les créatures étranges et hors normes sont souvent associés au laid, au repoussant. Les artistes de notre sélection...
26 août 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Nicole Tung, ultime lauréate du Prix Carmignac !
Diverses espèces de requins, dont certaines sont menacées d'extinction, tandis que d'autres sont classées comme vulnérables, ont été ramenées à terre à l'aube par des pêcheurs commerciaux au port de Tanjung Luar, le lundi 9 juin 2025, à Lombok Est, en Indonésie. Tanjung Luar est l'un des plus grands marchés de requins en Indonésie et en Asie du Sud-Est, d'où les ailerons de requins sont exportés vers d'autres marchés asiatiques, principalement Hong Kong et la Chine, où les os sont utilisés dans des produits cosmétiques également vendus en Chine. La viande et la peau de requin sont consommées localement comme une importante source de protéines. Ces dernières années, face aux vives critiques suscitées par l'industrie non réglementée de la pêche au requin, le gouvernement indonésien a cherché à mettre en place des contrôles plus stricts sur la chasse commerciale des requins afin de trouver un équilibre entre les besoins des pêcheurs et la nécessité de protéger les populations de requins en déclin © Nicole Tung pour la Fondation Carmignac.
Nicole Tung, ultime lauréate du Prix Carmignac !
La lauréate de la 15e édition du Prix Carmignac vient d’être révélée : il s’agit de la photojournaliste Nicole Tung. Pendant neuf mois...
À l'instant   •  
Écrit par Lucie Donzelot
RongRong & inri : « L'appareil photo offre un regard objectif sur le sentiment amoureux »
Personal Letters, Beijing 2000 No.1 © RongRong & inri
RongRong & inri : « L’appareil photo offre un regard objectif sur le sentiment amoureux »
Le couple d’artiste sino‑japonais RongRong & inri, fondateur du centre d’art photographique Three Shadows, ouvert en 2007 à Beijing...
Il y a 10 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Les expositions photo à ne pas manquer en 2025
Sein und werden Être et devenir. FREELENS HAMBURG PORTFOLIO REVIEWS © Simon Gerliner
Les expositions photo à ne pas manquer en 2025
Les expositions photographiques se comptent par dizaines, en France comme à l’étranger. Les artistes présentent autant d’écritures que de...
03 septembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Les Femmes et la mer : mondes liquides
© Louise A. Depaume, Trouble / courtesy of the artist and festival Les Femmes et la mer
Les Femmes et la mer : mondes liquides
Cette année, le festival photographique du Guilvinec, dans le Finistère, prend un nouveau nom le temps de l'été : Les femmes et la mer....
03 septembre 2025   •  
Écrit par Milena III