Un baptême du feu
est une immersion aux côtés de Corentin Fohlen, jeune photographe qui a tout juste 29 ans quand Jérôme Clément-Wilz, son copain réalisateur, décide de le suivre sur ses premiers reportages de news. Sans voix off ni commentaires, on se retrouve embarqué avec une bande de jeunes photographes sur les points chauds du globe. Égypte, Syrie, Libye, Soudan du Sud, Haïti… de 2011 à 2014, le documentariste braque sa caméra sur cette génération de reporters qui prennent tous les risques pour raconter les conflits.
Il est avec eux quand les balles sifflent, quand les lacrymos fusent, quand les avions tirent… Il court avec eux pour sauver sa peau et les retrouve haletant dans la voiture qui les ramène à leur base. Il est encore avec eux dans les chambres d’hôtel partagées où chacun traite ses images sur son ordinateur et essaie de vendre ses reportages dans les rédactions, en France et à l’étranger. Il est toujours avec eux dans les moments de déconne, brèves parenthèses de décompression où ceux de la « génération free-lance » laissent libre cours à l’insouciance de leur jeunesse.
Ils s’appellent Benjamin Girette, Leila Minano, Holly Pickett, Capucine Granier-Deferre, James de Caupenne-Keogh, Xavier Malafosse… ou Rémi Ochlik, photographe français décédé à Homs le 22 février 2012. On les appelle aussi « génération Printemps arabe », car tous ont fait leurs premières armes de news dans cette vague d’événements qui ont secoué et continuent d’agiter la planète.
Embedded
« C’est une histoire d’amitié qui est à l’origine de ce documentaire, explique Jérôme. Je connais Corentin depuis longtemps et j’avais envie de raconter son parcours, l’évolution de son regard sur le monde. C’est la première fois que je peux réaliser un film en totale empathie, montrer les moments de faiblesse et les choses plus positives : j’avais envie de laisser vivre les séquences. »
On pourra regretter de ne pas voir les images de Corentin Fohlen, sauf dans le générique de fin, et c’est bien dommage car c’est sans aucun doute l’un des photographes les plus talentueux de sa génération. Mais tout au long des 1h05 du documentaire, on est réellement « embedded » aux côtés de Corentin. On partage ses rires et ses peurs, ses moments de doute aussi.
Et quand il décide de « décrocher » de Libye, on souffle avec lui. On est content de le retrouver avec sa sœur et ses parents en Bretagne. D’autres photographes ont choisi de suivre d’autres parcours et c’est leur liberté. Le film ne délivre ni jugement ni morale, ce n’est pas son propos. « Il est fidèle à ce qu’a ressenti Corentin », précise Jérôme qui confie avoir partagé rires et pleurs lors de la projection du documentaire avec son ami.
On comprend pas mal de choses sur le métier, et on les ressent peut-être d’autant mieux qu’on ne nous les explique pas mais qu’on les vit.
Éric Karsenty
Illustration: Image tirée du documentaire “Un baptême du feu” / © Jérôme Clément-Wilz