Inspiré par le contexte actuel, Nicolas Seurot a réalisé Washed Out, une collection d’images picturales représentant une Amérique vétuste et délavée. Un projet interrogeant la pertinence de la politique états-unienne.
Paysages déserts, voies de fer rouillées, motels abandonnés… Dans les photographies de Nicolas Seurot, les symboles américains – synonymes de liberté et de force – sombrent dans un passé lointain. Fasciné par les États-Unis, le photographe français a déjà réalisé plusieurs projets de l’autre côté de l’Atlantique. « J’en avais une vision idéalisée, inspirée par la pop culture, la modernité technologique, le rêve américain. J’ai été piqué par les séries des années 1970 et 1980, les productions d’Amblin Entertainment, et les livres photographiques d’Eggleston, Shore, ou encore Meyerowitz », explique-t-il. Au fil de ses voyages, cependant, se dessine une autre Amérique, « plus vétuste et délavée… Mais ce n’est pas pour me déplaire », précise l’auteur.
Washed Out est née à la suite d’un autre projet, Westland, publiée sous la forme d’un livre et retranscrivant sa vision de l’Ouest américain. « Mais il lui manquait un traitement plus ancré dans la notion de temps », explique l’artiste. Sensible à la mélancolie, ce dernier se plaît à créer des images intemporelles. Au cœur de ces paysages millénaires, il retrouve un certain réconfort, une joie profonde. « J’ai donc réutilisé des images de cette première série, ajouté des photos réalisées ultérieurement au Texas et je leur ai offert un rendu pictural, pour figer ce territoire dans son passé », précise-t-il.
Une politique délavée
Influencé par son travail dans les Visions Passéistes, Nicolas Seurot transforme les panoramas américains en véritables peintures. « J’ai choisi cette fois de moins jouer sur les ombres et les contre-jours, et de privilégier les lumières zénithales afin d’aplanir le relief pour accentuer le côté “fané” », stipule le photographe. Un traitement révélant la matière, et nous invitant à plonger dans cette Amérique étrange, à la fois ancestrale et contemporaine, où l’Homme, absent, semble avoir abandonné le combat.
C’est durant le confinement que l’artiste a débuté le traitement de Washed Out. « Il y a un lien émotionnel évident avec cette période, mon éditing s’est fait dans cet esprit, déclare-t-il. La cohérence de cette série avec l’actualité est totale, le monde découvre la face cachée des États-Unis – celle d’un système de santé et d’une politique délavés ». Dans ce contexte, les clichés de Nicolas Seurot révèlent une nouvelle profondeur, jusqu’alors insoupçonnée. Les symboles américains, éparpillés çà et là évoquent désormais des reliques anciennes, qui pourraient devenir, dans un futur proche, obsolètes. La palette de couleurs, aux gris dominants, invite quant à elle la solitude et la nostalgie dans la série. Les silhouettes, enfin, absentes, interrogent : que sont-elles devenues? Et quand reviendront-elles ? Un projet aux multiples lectures.
© Nicolas Seurot