« Une mise en scène mettant en valeur l’originalité de chacun »

23 octobre 2019   •  
Écrit par Lou Tsatsas
« Une mise en scène mettant en valeur l’originalité de chacun »

À l’occasion de son huitième anniversaire, le Photo Festival Baie de Saint-Brieuc se réinvente. Cette année, pour la première fois, l’événement expose dix photographes documentaires invités par un jury. Rencontre avec Ferit Duzyol, le directeur artistique de cette édition 2019.

Fisheye : Cette année, le festival n’a pas lancé d’appel à candidatures. Comment les artistes ont-ils été sélectionnés ?

Ferit Duzyol : Pour cette édition, nous avons constitué un comité de sélection présidé par Magdelena Herrera, directrice photo du magazine GEO France. Elle et moi avions préparé en amont une sélection de nos coups de cœur… Une liste de pas moins de cent photographes ! Finalement, les sept jurés (Eric Karsenty, Estelle Veret, Florence AT, Marc Simon, François Siegel, Magdalena Herrera et moi-même) ont choisi dix d’entre eux : Sabine Weiss, Camille Gharbi, Lucie Pastureau, Matt Stuart, Agnès Pataux, Pascal Maitre, Cyril Abad, Éric Pillot, Vianney Le Caer et Florence Levillain. Notre volonté ? Exposer des photographes affirmés aux côtés de talents émergents, qui méritent de se faire connaître.

Ce n’est pas l’unique changement de cette édition.

Nous avons renommé l’événement Photo Festival Baie de Saint-Brieuc. Ce que nous voulons mettre en place, c’est un festival laissant la place à la photographie documentaire. Si je suis plus sensible au photoreportage,  j’ai appris à reconnaître la démarche artistique de nombreux photographes. L’ensemble des festivals photographiques internationaux fait la part belle à l’image documentaire et artistique. Il s’agit de célébrer les nouvelles tendances et de gagner l’intérêt du public.

Aucun thème n’a été imposé, pourquoi ?

Nous avons préféré choisir des œuvres diverses. Il s’agissait également d’une demande des communes de Saint-Brieuc, qui avaient déjà vu de nombreux sujets assez « difficiles » être exposés durant les éditions précédentes. Nous avons donc changé les choses, en privilégiant l’originalité des sujets.

© Sabine Weiss

© Sabine Weiss

Mais certains projets demeurent cependant complémentaires.

Tout à fait, de nombreuses notions se rejoignent au sein de la programmation. Pascal Maître a par exemple beaucoup travaillé sur l’Afrique, un continent documenté également par Agnès Pataux, qui s’est intéressée aux chasseurs et guérisseurs de l’ouest du territoire. Sabine Weiss, dernière photographe humaniste, a capturé quant à elle la Bretagne des années 1950 et les relations entre ses habitants. Un travail bienveillant, proche de ceux de Lucie Pastureau, qui a capturé les hôpitaux pour adolescents et leurs patients, et de Camille Gharbi, qui propose un sujet conceptuel et contemporain sur les féminicides. L’humour, enfin, est au centre des projets de Matt Stuart et Cyril Abad, tous deux influencés par la street photography.

Une ligne directrice les réunit-ils tout de même ?

Ce que je cherche, c’est une écriture singulière qui étonne le public, tout en l’amenant à sourire ou à se questionner. Lorsque Cyril Abad traite de religion, par exemple, il documente en réalité l’Amérique de Donald Trump. À travers sa street photography colorée, Matt Stuart expose en contrepoint la société de consommation londonienne. Camille Gharbi transforme les objets du quotidien en un véritable « coup de poing ». Une manière unique de capturer la violence, mettant en lumière la psychologie humaine grâce à un simple accessoire.

Comment as-tu pensé la scénographie de ces différents travaux ?

J’ai imaginé des mises en scène uniques et différentes pour chacun d’entre eux. J’ai choisi d’exposer une trentaine de photographies par artiste, en jouant avec les cadres et les échelles. Durant le week-end d’inauguration, les retours ont été positifs : les visiteurs ont apprécié de découvrir des formats non standards et de s’immerger dans une mise en scène intelligente, pensée en détail et mettant en valeur l’originalité de chacun.

Un projet t’a-t-il touché particulièrement ?

Il m’est difficile de répondre à cette question car chaque série est différente. J’ai travaillé en détail avec tous ces photographes, et nous avons décidé ensemble des images et de la scénographie. Toutes leurs séries me tiennent à cœur et je ne peux en retenir une. C’est pour cette raison que j’ai hâte de découvrir le lauréat du Prix du public : les visiteurs sont invités à voter pour leur exposition favorite, et les résultats seront dévoilés le 6 novembre !

© Cyril Abad / Hans Lucas, 2017

© Cyril Abad / Hans Lucas, 2017

Des activités sont-elles prévues durant le festival ?

Une première rencontre, animée par la journaliste Caroline Laurent Simon a eu lieu durant le week-end inaugural, au Forum de La Passerelle, scène nationale de Saint-Brieuc. Elle y a rencontré Sabine Weiss, Pascal Maître, Florence Levillain et Camille Gharbi. Samedi 26 octobre, quatre photographes invités signeront leurs ouvrages à la Fnac de la ville : Jean-Pierre Laffont, Noël Quidu, Didier Bizet et Vincent Jarousseau. Enfin, les dix photographes finalistes des Rencontres photographiques du Musée Albert-Kahn, ainsi que les treize auteurs de la nouvelle plateforme Inland seront invités à présenter leurs travaux au cours du festival.

Il s’agit de ta première année en tant que directeur artistique. Quels sont tes projets pour les éditions à venir ?

J’ai déjà de nombreuses idées : j’aimerais par exemple constituer un groupe de photographes installés en Bretagne, et les réunir autour d’un sujet leur tenant à cœur. J’imagine déjà une exposition autour de ce projet.

De plus, il est dans l’ADN du festival d’encourager les photographes à l’aide de bourses. J’espère pouvoir collaborer avec des entreprises et reprendre les projets des premières éditions du festival, où nous offrions dix bourses chaque année. J’aimerais diminuer ce chiffre, afin de donner des sommes plus importantes. Les photographes travailleraient pendant un an autour d’un thème imposé, et je les suivrais en continu.

Qu’est-ce qui distingue le Photo festival Baie de Saint-Brieuc, selon toi ?

Pour l’édition 2019, nous avons présenté autant de femmes que d’hommes au festival : nous veillons à une parité totale. Je m’assure également de montrer aux habitants de Saint-Brieuc des œuvres de qualité qu’ils peuvent découvrir gratuitement. Enfin, nous mettons un point d’honneur à rémunérer tous les photographes exposant au festival.

 

Photo festival Baie de Saint-Brieuc

Jusqu’au 17 novembre

Dans toute la ville

© Eric Pillot, courtesy galerie Dumonteil© Eric Pillot, courtesy galerie Dumonteil

© Eric Pillot, courtesy galerie Dumonteil

© Vianney Le Caer

© Vianney Le Caer

© Agnès Pataux© Agnès Pataux

© Agnès Pataux

© Pascal Maitre / MYOP

© Pascal Maitre / MYOP

© BAILLY Lucien / Musée d'Art et d'Histoire de Saint-Brieu© Florence Levillain

© à g. BAILLY Lucien / Musée d’Art et d’Histoire de Saint-Brieuc, à d. Florence Levillain

© Matt Stuart / MAPS

© Matt Stuart / MAPS

© Lucie Pastureau

© Lucie Pastureau

© Camille Gharbi

© Camille Gharbi

Image d’ouverture : © Cyril Abad / Hans Lucas, 2017

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