Dans des collectes effrénées d’images, la photographe taïwanaise Yu Hsuan Chang transcrit autant la beauté de son pays que la puissance des femmes qui y habitent.
Des paysages ruraux ou urbains à perte de vue, des détails du quotidien et des femmes dont la puissance émane de chaque regard posé sur l’objectif. Ce sont les sujets qui animent la photographe taïwanaise Yu Hsuan Chang lorsqu’elle ne travaille pas pour des projets commerciaux. Autodidacte, elle développe deux séries sur le long terme – G-Book et ILandscape – qui se distinguent par leur abondance en images. En 2016, elle se met en quête de photographier les femmes de Formose, sans altérer les clichés à la retouche. « Je voulais me focaliser sur ce qu’elles faisaient et non sur leur apparence », précise-t-elle. Dix ans durant, l’artiste saisit ses amies et des femmes rencontrées sur Instagram : « Une fille qui avait teint ses cheveux en orange, une autre qui après de nombreuses années venait de finaliser le tatouage qui couvrait son dos, une femme qui adorait son crâne rasé, une autre qui n’avait pas le choix que d’être chauve, une fille que j’ai rencontrée dans une montagne Pingtung », détaille-t-elle. Dans le livre G-Book, elle recense cette décennie de force féminine émancipatrice. « En les regardant, je me vois moi-même. Ce sont toutes des personnes rayonnantes, un aperçu des femmes remarquables qui vivent dans le Taïwan contemporain », soutient Yu Hsuan Chang.
Être attentif à la beauté qui nous entoure
Ce Taïwan contemporain est aussi le sujet de la fertile collecte d’images des paysages de l’île de Yu Hsuan Chang. Urbains ou ruraux, ils viennent en toutes tailles et formes. Armée de son iPhone, à travers les montagnes du pays, elle capture quotidiennement ce qu’elle croise, notamment lorsqu’elle voyage pour réaliser ses travaux commerciaux : une branche d’autoroute, des maisons suspendues à la vallée, des ciels nuageux et des gratte-ciel – pour certains, emblématiques de la skyline de Taipei, pour d’autres, banals. « Cette série, que j’ai nommée ILandscape, est très importante pour moi, car c’est une façon de montrer aux gens qu’il n’est pas nécessaire d’aller très loin de chez soi pour voir des paysages magnifiques », assure Yu Hsuan Chang. Près de 80 % des images de cette collection ont été prises dans la ville de naissance de l’autrice, au sud-ouest de l’île, un lieu chargé d’inspiration, de moments et d’émerveillement. « Grandir à la campagne m’a appris à être constamment à l’écoute des détails de la vie : la scène juste au coin de la rue, les passants, ajoute-t-elle. Je ne vis à Taipei que depuis l’année dernière, je suis extrêmement reconnaissante d’avoir passé la majeure partie de ma vie à faire des allers-retours entre ma ville natale et la capitale. Cet espace intermédiaire m’a donné une perspective différente, ni meilleure, ni pire, mais qui m’est propre », conclut-elle.
Taipei 101, le phare de la capitale
« Je venais parfois à Taipei pour des shootings. Après avoir terminé tard dans la nuit, je jetais un œil à la tour Taipei 101. À l’époque, ce n’était qu’une partie de la ligne d’horizon, quelque chose qui me tenait compagnie pendant ces trajets tranquilles entre chez moi et la capitale. Elle n’avait pas vraiment de signification particulière. Elle était juste là. Où que j’aille, je tombais dessus. Et peu importe qui vous êtes, ou quel genre de vie vous menez, cette tour est toujours visible. D’une certaine manière, cela vous rapproche un peu de tous ceux qui poursuivent leurs rêves à Taipei. Maintenant que je vis là-bas depuis un an, je la vois tout le temps, comme une habitante de la ville. Ce n’est plus quelque chose de surréaliste, simplement un pan de mon quotidien. Mais étonnamment, cela la rend encore plus chaleureuse. Tel un phare, elle illumine les nuits de tous ceux qui, dans cette ville, travaillent dur et ont le mal du pays. »
152 pages
48 €