Zuzana Pustaiová joue de l’accordéon avec les stéréotypes 

30 septembre 2023   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Zuzana Pustaiová joue de l’accordéon avec les stéréotypes 
One I Love You © Zuzana Pustaiová
New Artmpit © Zuzana Pustaiová

Son format intrigue et son contenu attire l’œil, le livre objet One Day Every Day de l’artiste slovaque Zuzana Pustaiová se compose de curieuses mises en scène d’une vie rythmée par des normes sociales. Un récit visuel unique qui compare nos existences à d’éternels jeux de rôle. 

« Lors d’un des nombreux confinements en période de pandémie, j’ai exploré la manière dont une routine banale, les stéréotypes, les interactions sociales et les jeux de rôle affectent notre existence, nos relations et, en fin de compte, nos vies », explique Zuzana Pustaiová. Dans One Day Every Day, la photographe originaire de Slovaquie s’inspire de sa propre vie et celle de son entourage afin de mettre en exergue les phénomènes de normes sociales qui régissent notre quotidien. À l’instar d’un peintre qui recouvre une toile vide, la spécialiste de la mise en scène photographique remplit son cadre blanc après avoir réalisé de minutieux et précis croquis. De ce processus perfectionniste, résultent des images à l’esthétique digne de publicités. « Je viens du monde des arts. Je dessine et je peins depuis mon enfance, mais ce n’était pour moi qu’un simple loisir », se remémore l’artiste visuelle, titulaire d’un doctorat en Beaux-Arts. Désormais, le médium fait partie intégrante de son quotidien. Rédactrice en chef du journal slovaque de photographie Fotonoviny, enseignante à l’Académie des Beaux-Arts et du Design de Bratislava, conférencière… Les casquettes se multiplient pour la photographe professionnelle et nourrissent continuellement son travail. 

Depuis les prémices de la philosophie, la notion de doxa symbolise l’ensemble des idées reçues que l’on nous inculque consciemment, ou non, dès notre naissance. Dans les années 1950, le sémiologue français Roland Barthes illustrait dans un recueil intitulé Mythologies des concepts de la vie quotidienne afin de mettre en lumière le caractère universel des croyances qui gravitent autour de notre existence. De dogmes ancrés dans toutes les têtes à des mythes plus risibles, c’est en ce sens philosophique que prend forme le projet de Zuzana Pustaiová. « Ce livre traite de l’incapacité à échapper à la pression sociale imposée par le monde de la politique et des médias. Les attentes sur la façon de se comporter, de faire et de réagir dans certaines situations évoluent rapidement et divergent souvent selon ce dont nous avons hérité, de la manière dont nous avons été éduqués, dont notre environnement nous a façonnés et dont notre boussole morale a été calibrée au cours de notre jeunesse », précise l’artiste. Sommes-nous capables d’utiliser un objet d’une manière différente de celle pour laquelle il a été créé à l’origine ? Pouvons-nous transfigurer notre pensée sur des idées préconçues que la société nous a sans cesse répétées ? Le curieux ouvrage One Day Every Day incarne à lui seul une réponse optimiste à ces interrogations : laisser la créativité et la liberté s’emparer de notre existence. 

© Zuzana Pustaiová
© Zuzana Pustaiová
To Do List © Zuzana Pustaiová
Birthday Cake © Zuzana Pustaiová

Un zigzag de couleurs vives

Fermé, sa couverture rose éclatant égaye une bibliothèque. Ouvert, sa forme farfelue se confond en une sculpture de papier. Le livre One Day Every Day n’a ni début ni fin et sa lecture ne sera jamais identique d’une personne à l’autre. « Ce n’est pas grave si vous ne le pliez jamais tel qu’il était lorsque vous l’avez tenu pour la première fois dans vos mains », indique celle qui se définit comme un grand rat de bibliothèque photographique. Inspiré du leporello, aussi appelé livre accordéon, cet ouvrage unique en son genre comprend également des « pop-ups ». « Ces pages cachées apportent une autre séquence d’images. Vous pouvez découvrir de nouveaux clichés en le regardant une deuxième, une troisième ou une quatrième fois. J’ai réalisé que certaines situations se répètent dans notre vie, mais qu’elles sont légèrement décalées ou modifiées. J’ai voulu appliquer cette sensation au livre », spécifie l’autrice. Inventive et dotée d’un humour caustique, Zuzana Pustaiová signe avec One Day Every Day une création à la forme originale et au fond sarcastique de notre société, et de nous-mêmes. 

Sixpack © Zuzana Pustaiová
Ice Smiles © Zuzana Pustaiová
Mask © Zuzana Pustaiová
Ironing © Zuzana Pustaiová
Stick to the Wounds © Zuzana Pustaiová
Explorez
La sélection Instagram #497 : ni blanc ni noir
© collage.art.syb / Instagram
La sélection Instagram #497 : ni blanc ni noir
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine plongent dans un océan monochrome. Iels sondent les nuances de gris, les noirs...
11 mars 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #535 : Clara Vincent et Francesco Freddo
© Francesco Freddo
Les coups de cœur #535 : Clara Vincent et Francesco Freddo
Clara Vincent et Francesco Freddo, nous coups de cœur de la semaine, se sont tous·tes les deux plongé·es dans le médium photographique...
10 mars 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 03.03.25 au 09.03.25 : affirmation de soi et curiosité
© Clémentine Balcaen
Les images de la semaine du 03.03.25 au 09.03.25 : affirmation de soi et curiosité
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye partagent des récits d’affirmation de soi. En parallèle, elles révèlent...
09 mars 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Photographie post-mortem : pont sensible entre vivant·es et défunt·es
© Hervé Bohnert. Exposition Les Immortels à la librairie Alain Brieux, photographe non identifié, sans titre, vers 1860.
Photographie post-mortem : pont sensible entre vivant·es et défunt·es
Le livre Posthume rassemble une centaine de clichés de défunt·es et d’objets funéraires issus de la collection de l’artiste Hervé...
06 mars 2025   •  
Écrit par Ana Corderot
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Taras Bychko : un patchwork d’instantanés pour définir l’émigration 
© Taras Bychko
Taras Bychko : un patchwork d’instantanés pour définir l’émigration 
Dans Where Paths Meet, Taras Bychko compose un patchwork d’instantanés et d’émotions pour définir les contours de l’émigration. Pour ce...
13 mars 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Alessia Glaviano, l’œil Nouvelle Vogue
Portrait d'Alessia Glaviano © Marco Glaviano
Alessia Glaviano, l’œil Nouvelle Vogue
Alors que la neuvième édition du PhotoVogue Festival vient de s’achever, Alessia Glaviano, directrice de l’événement, revient sur son...
13 mars 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Lee Miller, mélancolie débordante et chambres d'hôtel : dans la photothèque d'Éloïse Labarbe-Lafon
Diane et Luna, 2023 © Eloïse Labarbe-Lafon
Lee Miller, mélancolie débordante et chambres d’hôtel : dans la photothèque d’Éloïse Labarbe-Lafon
Des premiers émois photographiques aux coups de cœur les plus récents, les auteurices publié·es sur les pages de Fisheye reviennent sur...
12 mars 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Fisheye #70 : la photographie de mode montre ses griffes
© Léo Baranger
Fisheye #70 : la photographie de mode montre ses griffes
Alors que la Fashion Week parisienne vient de s’achever, Fisheye consacre son numéro #70 à la mode. Au fil des pages, photographes et...
12 mars 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet