Son format intrigue et son contenu attire l’œil, le livre objet One Day Every Day de l’artiste slovaque Zuzana Pustaiová se compose de curieuses mises en scène d’une vie rythmée par des normes sociales. Un récit visuel unique qui compare nos existences à d’éternels jeux de rôle.
« Lors d’un des nombreux confinements en période de pandémie, j’ai exploré la manière dont une routine banale, les stéréotypes, les interactions sociales et les jeux de rôle affectent notre existence, nos relations et, en fin de compte, nos vies », explique Zuzana Pustaiová. Dans One Day Every Day, la photographe originaire de Slovaquie s’inspire de sa propre vie et celle de son entourage afin de mettre en exergue les phénomènes de normes sociales qui régissent notre quotidien. À l’instar d’un peintre qui recouvre une toile vide, la spécialiste de la mise en scène photographique remplit son cadre blanc après avoir réalisé de minutieux et précis croquis. De ce processus perfectionniste, résultent des images à l’esthétique digne de publicités. « Je viens du monde des arts. Je dessine et je peins depuis mon enfance, mais ce n’était pour moi qu’un simple loisir », se remémore l’artiste visuelle, titulaire d’un doctorat en Beaux-Arts. Désormais, le médium fait partie intégrante de son quotidien. Rédactrice en chef du journal slovaque de photographie Fotonoviny, enseignante à l’Académie des Beaux-Arts et du Design de Bratislava, conférencière… Les casquettes se multiplient pour la photographe professionnelle et nourrissent continuellement son travail.
Depuis les prémices de la philosophie, la notion de doxa symbolise l’ensemble des idées reçues que l’on nous inculque consciemment, ou non, dès notre naissance. Dans les années 1950, le sémiologue français Roland Barthes illustrait dans un recueil intitulé Mythologies des concepts de la vie quotidienne afin de mettre en lumière le caractère universel des croyances qui gravitent autour de notre existence. De dogmes ancrés dans toutes les têtes à des mythes plus risibles, c’est en ce sens philosophique que prend forme le projet de Zuzana Pustaiová. « Ce livre traite de l’incapacité à échapper à la pression sociale imposée par le monde de la politique et des médias. Les attentes sur la façon de se comporter, de faire et de réagir dans certaines situations évoluent rapidement et divergent souvent selon ce dont nous avons hérité, de la manière dont nous avons été éduqués, dont notre environnement nous a façonnés et dont notre boussole morale a été calibrée au cours de notre jeunesse », précise l’artiste. Sommes-nous capables d’utiliser un objet d’une manière différente de celle pour laquelle il a été créé à l’origine ? Pouvons-nous transfigurer notre pensée sur des idées préconçues que la société nous a sans cesse répétées ? Le curieux ouvrage One Day Every Day incarne à lui seul une réponse optimiste à ces interrogations : laisser la créativité et la liberté s’emparer de notre existence.
Un zigzag de couleurs vives
Fermé, sa couverture rose éclatant égaye une bibliothèque. Ouvert, sa forme farfelue se confond en une sculpture de papier. Le livre One Day Every Day n’a ni début ni fin et sa lecture ne sera jamais identique d’une personne à l’autre. « Ce n’est pas grave si vous ne le pliez jamais tel qu’il était lorsque vous l’avez tenu pour la première fois dans vos mains », indique celle qui se définit comme un grand rat de bibliothèque photographique. Inspiré du leporello, aussi appelé livre accordéon, cet ouvrage unique en son genre comprend également des « pop-ups ». « Ces pages cachées apportent une autre séquence d’images. Vous pouvez découvrir de nouveaux clichés en le regardant une deuxième, une troisième ou une quatrième fois. J’ai réalisé que certaines situations se répètent dans notre vie, mais qu’elles sont légèrement décalées ou modifiées. J’ai voulu appliquer cette sensation au livre », spécifie l’autrice. Inventive et dotée d’un humour caustique, Zuzana Pustaiová signe avec One Day Every Day une création à la forme originale et au fond sarcastique de notre société, et de nous-mêmes.
60 euros