Comment faire face à la boulimie d’images sportives ? Le média Analog Football entend réinventer la photographie de sport par l’argentique. Une démarche qui passe aussi par la formation gratuite de jeunes, dont les travaux seront exposés à l’Espace Voltaire du 10 au 20 novembre, lors de la seconde édition de l’Analog Sport Festival.
Léo Cochin et Quentin Eveno grandissent dans la banlieue-sud de Paris. Amis de longue date et tous deux férus de sport et de photographie argentique, ils réalisent un double-constat dès 2018 : « D’une part, nous sommes exposés au quotidien à des photographies de sport assez lisses et journalistiques. Et d’autre part, les sphères de l’art et du sport ne communiquent pas suffisamment. » Ils allient alors leur deux passions au sein du média Analog Football, où ils repartagent des clichés artistiques afin de redonner ses lettres de noblesse au ballon rond. Sur Instagram, les productions de milliers de photographes des quatre coins du globe sont partagées par le compte aux 20 000 abonnés, grâce à son #analogfootball, une véritable communauté de passionnés prend vie.
L’approche du média se veut populaire. Ce sont des matchs locaux, des infrastructures, des supporters ou des acteurs du monde associatif qui sont mis en avant par les artistes partagé·es, plutôt que les habituelles stars du terrain. Mais outre le fond des clichés valorisés, c’est aussi la forme qui surprend : mises en scènes, temps de pose prolongés, tons pastels… Une approche esthétique de la photo de sport, stimulant autant nos émotions qu’elle invite à la réflexion. Léo Cochin prend en exemple Scotty Frenchhh, photographe du LOSC alliant des clichés corporate du club de football lillois à des œuvres argentiques empreintes de romantisme. En parallèle, le média affirme une volonté de faire un pas de côté et de changer de temporalité : « l’argentique, c’est prendre le temps de construire une production visuelle qui soit séduisante au regard plutôt qu’une simple réponse à un besoin d’actualité chaude. » En opposition aux impératifs journalistiques contemporains, Analog Sport espère questionner la « boulimie d’images de sports », mais reste conscient de la réalité du marché de la photographie sportive, rendant impossible une créativité 100% argentique.
Former les photojournalistes originaux de demain
Suite au succès du média, Analog Football lance en 2020 l’association Analog Sport. L’objectif ? Former gratuitement des jeunes à la photographie sportive. De Paris à Rio de Janeiro en passant par Marseille et Abidjan, les apprentis photographes découvrent le métier au travers d’ateliers collectifs. A la fin de l’année, chaque jeune produit une série individuelle en lien avec le sport. Des images exposées à partir du 10 novembre à l’occasion de la deuxième édition de l’Analog Sport Festival à l’Espace Voltaire de Paris : « Le festival nous permet d’apprécier, physiquement, les réalisations photo de l’année. C’est aussi l’occasion d’organiser des temps de rencontre entre des professionnels gravitant autour du projet et les jeunes photographes », précise Léo Cochin.
Parmi les douze photographes exposé.es à l’Espace Voltaire, Marwan El-Fakharany, franco-egypto-marocain, est membre de la promotion 2022. Le jeune homme présente un travail mettant en scène l’un de ses amis vêtu d’une djellaba pourpre floquée Mbappé, déambulant dans le château de Versailles – décalé, sans être provocateur ou grossier. Léo Cochin se félicite de la richesse des propositions issues de son programme : « C’est propre à la magie d’une génération qui est exposée à de très nombreuses influences culturelles et qui côtoie beaucoup de domaines. »
Si certain·es des jeunes participant·es d’Analog Sport souhaitent simplement s’initier à la photographie, d’autres espèrent se professionnaliser : « malgré les avertissements que nous leur faisons remonter sur la précarité et les difficultés du métier, c’est notre mission de remuer ciel et terre pour rendre visible leur talent », explique Léo Cochin. A l’approche des JO 2024, l’association espère même lancer des carrières en plaçant des jeunes issu·es des Villes Terres de Jeux parmi les photojournalistes accrédité·es : « On sait que ce ne sera pas évident car le monde entier sera en concurrence, mais on ne lâchera rien. La balle est dans le camp de Paris 2024 », conclut-il.
© Analog Sport
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