Une plateforme pour l’égalité des genres

01 juin 2023   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Une plateforme pour l’égalité des genres

Fondée en 2001, l’association International Women in Photo multiplie les interventions, les projets et les plateformes pour aider les femmes photographes à faire entendre leur voix. Un combat au long cours contre la discrimination et les inégalités sociales mené aujourd’hui par ses deux codirectrices : Arantza Aramburu-Hamel et Laure Parise. Cet article est à lire en intégralité dans notre dernier Fisheye.

C’est en 2001 que tout a débuté. En mission en Malaisie, la photographe française Séverine Blanchet rencontre Chris Tan, venue de Chine, l’Indienne Nirmala Karuppiah et la Malaisienne Soraya Ismail. Alors que les liens d’amitié se tissent, Séverine Blanchet réalise que, pour elle comme pour ses consœurs, vivre de la photographie n’est pas chose aisée. « Toutes étaient de nationalités et de cultures différentes. Pourtant chacune rencontrait les mêmes difficultés à se faire une place dans un monde dominé par les hommes photographes », précise Sandra Saito, responsable du prix IWPA et rédactrice en chef au sein de l’association. Dans un élan de solidarité, elles imaginent alors une plateforme permettant aux autrices d’être vues et entendues. Un projet à l’envergure internationale s’attachant à soutenir les femmes photographes. De retour à Toulouse, quelques mois plus tard, Séverine Blanchet crée International Women in Photo (lWPA), lance un premier appel à projets et organise un festival.

Visibilité internationale

Si environ 200 candidatures sont reçues lors de cette première édition, l’association reste ensuite en sommeil quelques années. « Puis, Laure Parise et moi-même nous sommes rencontrées à Dubaï. À l’époque, je travaillais dans la culture et j’avais envie de me consacrer à autre chose. Laure connaissait Séverine et m’a parlé de ce projet que j’ai trouvé magnifique. Grâce à l’aide de l’Alliance française de Dubaï – qui nous a intégrées à son réseau ainsi qu’à celui de l’Institut français – nous avons pu doter notre prix et proposer une visibilité à l’international en organisant des expositions dans plusieurs villes du monde », raconte Arantza Aramburu-Hamel, codirectrice d’IWPA. En 2016, au moment de Paris Photo, l’association fait peau neuve. Animées par une énergie contagieuse, les directrices offrent à la plateforme une seconde vie. Elles multiplient les projets, élargissent leur équipe (qui compte aujourd’hui une quinzaine de femmes, tout aussi engagées que les photographes qu’elles soutiennent) et affirment leur engagement. « On s’est dit qu’on pouvait faire plus. On a commencé à intervenir dans le monde photographique. On a notamment réalisé une enquête, il y a deux ans, qui nous a fait prendre conscience du manque d’éducation et d’assistance aux femmes photographes. En réponse, nous avons lancé des partenariats avec des écoles photo pour faciliter l’accès à l’instruction », commente Sandra Saito.

© Snezhana von Buedingen

© Snezhana von Buedingen

Stimulation à agir

Des injustices auxquelles IWPA s’attaque à travers la création de son prix photo. Rétabli en 2016, lorsqu’Arantza et Laure prennent la tête de l’association, l’événement rencontre dès sa première édition un succès international certain : des femmes venues de 80 pays y participent. « Aujourd’hui, on compte environ 130 pays, et plus de 800 candidatures. Lors de la dernière édition, nous avons même reçu des projets venus d’Afghanistan, alors que les talibans avaient déjà repris le pouvoir », constate Sandra Saito. Ouvert aux femmes de tout âge et origine, professionnelles comme amatrices, le prix IWPA entend apporter l’espoir. « Ce n’est pas grave de perdre, c’est plus grave de ne rien faire. Ce prix est une stimulation à agir. Et si la participation européenne demeure importante, beaucoup de finalistes viennent de pays en voie de développement », rappelle la responsable. Guerres et conflits, féminicides, inégalités… Les finalistes de chaque édition révèlent les souffrances de leurs pays, traitant de « sujets douloureux d’une manière très artistique », précise Sandra Saito, avant de poursuivre : « Ce qui est fascinant, c’est qu’on découvre des histoires qui ne sont jamais racontées dans les médias. C’est une véritable ouverture sur l’état de notre planète. C’est ce qui captive toute l’équipe : cette variété totalement inattendue. » À la clé du concours ? La possibilité d’exposer dans de nombreux lieux internationaux, de l’Europe à l’Inde en passant par l’Arabie saoudite. « On a d’ailleurs vu le nombre de candidatures de femmes arabes augmenter suite à cet événement », se réjouit la responsable du prix.

En parallèle, des tables rondes – organisées lors de chaque accrochage – permettent d’enrichir l’échange, et de poursuivre la vocation première d’IWPA : s’imposer comme une plateforme qui diffuse les récits des femmes. « Ce sont souvent de grands moments de tension, de révélation, qui évoluent en fonction de la position de la femme au sein du territoire où l’on se trouve », confie Arantza Aramburu-Hamel. Et d’expositions en discussions, de formations en workshops collaboratifs, IWPA ne cesse de se battre pour (re)donner espoir à celles qui sont invisibilisées. Une vocation ancrée dans l’esprit des deux femmes, qui n’oublient pas : « La discrimination féminine est particulièrement forte dans le milieu de la photo. C’est d’autant plus alarmant qu’il s’agit d’un médium très diffusé. Il est donc nécessaire de continuer à se battre », déclarent-elles. Et si vous souhaitez ajouter votre pierre à l’édifice, l’appel à candidatures du prix IWPA 2023 est ouvert jusqu’au 30 juin. N’attendez pas pour candidater !

Cet article est à retrouver en intégralité dans le Fisheye #59 disponible en kiosque et sur le store.

© Soheila Sanamno

© Soheila Sanamno

© Soheila Sanamno

© Mara Sánchez Renero

© Ana Maria Arévalo

Image d’ouverture © Ana Maria Arévalo

Explorez
Le Liban suspendu de Charbel Alkhoury 
© Charbel Alkhoury
Le Liban suspendu de Charbel Alkhoury 
Avec Not Here Not There, l’artiste visuel libanais Charbel Alkhoury propose un ouvrage bouleversant, à mi-chemin entre mémoire intime et...
08 août 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Chloe Sharrock : chants de bataille
© Chloe Sharrock / MYOP
Chloe Sharrock : chants de bataille
Photojournaliste de profession, Chloe Sharrock a couvert de nombreux conflits. Dans Il hurlait encore, la membre de l’agence MYOP...
07 août 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Visa pour l’image 2025 : récits d’un monde en crise
Des chèvres se tiennent près d’une maison alors que l’incendie de Thompson progresse à Oroville. 2 juillet 2024. © Josh Edelson / AFP
Visa pour l’image 2025 : récits d’un monde en crise
Du 30 août au 14 septembre 2025, Perpignan accueille la 37e édition de Visa pour l’image, le grand rendez-vous international du...
06 août 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
5 questions à Nyo Jinyong Lian : la fiction pour (re)faire société
Intrusion, de la série Trust Me © Nyo Jinyong Lian
5 questions à Nyo Jinyong Lian : la fiction pour (re)faire société
L’artiste chinoise Nyo Jinyong Lian, récemment diplômée des Beaux-Arts de Paris et lauréate du prix Jeunes Talents 2025 des Agents...
06 août 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Du silence aux images : le mentorat des Filles de la photo
© Claire Delfino
Du silence aux images : le mentorat des Filles de la photo
Quand la photographie devient le lieu d’un tissage mémoriel, politique et sensible, le mentorat des Filles de la Photo affirme toute sa...
Il y a 7 heures   •  
Écrit par Costanza Spina
La sélection Instagram #519 : évasion infinie
© Giorgia Pastorelli / Instagram
La sélection Instagram #519 : évasion infinie
Liberté. Ce mot résonne avec le clairon de l’été. Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine célèbrent la douceur et le...
12 août 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Dans l'œil de Jonathan Chandi : un clip dans un monde parallèle
© Jonathan Chandi
Dans l’œil de Jonathan Chandi : un clip dans un monde parallèle
Aujourd’hui, plongée dans l’œil de Jonathan Chandi, photographe autodidacte belge. L’artiste réinterprète avec une grande délicatesse et...
11 août 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #554 : Katarina Marković et Marine Payré
© Katarina Marković
Les coups de cœur #554 : Katarina Marković et Marine Payré
Katarina Marković et Marine Payré, nos coups de cœur de la semaine, apprécient jouer avec le flou dans leurs portraits. La première les...
11 août 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet