Omniprésente sur petits et grands écrans, la banlieue américaine semble presque familière. Alyssa McDonald et sa série Below the light / Above the dark réussissent pourtant à la révéler sous un angle nouveau. Elle a gentiment accepté de nous en dire plus sur ses belles photos qui nous intriguaient beaucoup. Entretien.
FISHEYE : Que voulais-tu montrer avec Below the light / Above the dark ?
Alyssa McDonald : Je crois que je montre un aperçu de ma vie. Mes peurs, mes doutes, mes expériences, mes souvenirs transparaissent dans mes images et peuvent faire écho aux propres peurs et rêves des spectateurs. Les environnements familiers de la banlieue deviennent mystérieux quand on les photographie. Ces images se situent quelque part entre la peur et la curiosité. Elles montrent notre part d’ombre et nos failles les plus profondes.
Comment t’est venue l’idée de faire cette série ?
Je n’ai pas vraiment eu l’idée à un instant précis. Je prends des photos en permanence avec un esprit ouvert, en suivant mon intuition. Au bout d’un moment, je finis par remarquer une logique entre plusieurs de mes photos. À partir de là, j’essaye de faire évoluer le concept et voir comment la série évolue. Je crois que mes idées sont en lien direct avec ma vie privée et mes sentiments sans même que je m’en rende compte. La photo est toujours passée en premier. On peut dire que je photographie avec mes tripes.
Parmi toutes ces images, y en a-t-il une que tu aimes particulièrement ?
Je suis surtout fière des images prises sur le vif, les surprises. Il y a quelque chose d’excitant quand on saisit un moment qui se présente à nous de manière inattendue. Un jour, je rentrais chez moi avec mon père après avoir fait son portrait au milieu de nulle part. Le soleil venait de se coucher et on conduisait sur une route boueuse dans les bois. Mon père a pointé un tronc d’arbre, j’ai braqué mes feux sur lui pour l’illuminer. La couleur chaude des phares se mêlait parfaitement au bleu froid de la pénombre. J’ai su que je pouvais en faire une bonne photo.
Quel est ton rapport à la photo ?
Je fais actuellement une licence de photo à Boston et c’est un peu comme si j’apprenais une nouvelle langue: produire une image relève souvent de la traduction. On a une idée en tête qu’il faut ensuite rendre visuelle, c’est effrayant. Et puis l’image est lue, interprétée différemment par les autres. C’est un processus sans fin. Prendre une photo est toujours une transformation: on rend quelque chose de banal poétique et extraordinaire.
Tu as toujours su que tu serais photographe ?
Sans le savoir, je l’ai toujours été. Je suis fille unique et j’ai passé mon enfance à camper et voyager en Nouvelle-Angleterre (États-Unis) avec mes parents. Je les prenais en photo au sommet des montagnes et sur la plage, au coucher du soleil. Ils n’arrêtaient pas de me dire que je prenais de bonnes photos: c’est vrai que, contrairement aux autres enfants, je ne mettais pas mon doigt sur l’objectif (rires). J’avais même compris la règle des tiers pour mes compositions. J’avais mon propre boîtier argentique puis un appareil numérique quand c’est devenu populaire. La photo était un hobby, une manière de garder une trace de mes aventures. À 13 ans, je faisais une balade sur la plage et je me suis mise à prendre des photos d’une manière différente. À ce moment-là, je me suis dit : je peux faire ça de ma vie. C’était une évidence.
Qu’est-ce que tu aimes dans la photo ?
Ado, je ressentais le besoin de toujours prendre des photos pour une raison simple: c’était une manière de m’accrocher aux moments, aux lieux, aux personnes. De me souvenir. De ressentir ce ce que j’avais ressenti au moment de prendre la photo. À part l’aspect sentimental, je crois que les images me permettent de dire la vérité quand les mots ne suffisent pas. Mes photos n’ont pas une valeur documentaire, elles racontent ma vérité personnelle. On peut comprendre les images en les analysant mais leur vrai pouvoir est qu’on peut les ressentir immédiatement.
Quelle est la chose la plus gentille qu’on t’ait dite sur ton travail ?
À la fin de ma deuxième année, mon prof, Nicholas Nixon, m’a dit ce que j’avais besoin d’entendre: “Tu devrais prendre plus de photos“. J’ai réalisé que je devais arrêter de me poser des tonnes de questions et me lancer. L’année d’après, mes images sont devenues meilleures. La photo est devenue une obsession.
Qui t’inspire ?
est un de mes photographes préférés. Son livre Pictures from Home est émouvant et honnête. Dans le premier chapitre, il écrit : “Je veux que mes parents vivent pour toujours“. Ça m’a vraiment marqué et ma famille est devenu mon sujet de prédilection en photo.
Quels sont tes projets ?
Continuer de prendre des tonnes de photos. Ce n’est pas vraiment un projet mais plutôt une habitude. Quelque chose d’excitant que j’ai besoin de faire. Ma famille et mon petit ami se moquent de moi quand j’ai l’envie pressante de prendre une photo face à une scène intrigante.
Propos recueillis par Hélène Rocco
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