James Hyde et la décomposition minutieuse des sculptures publiques

18 février 2022   •  
Écrit par Lou Tsatsas
James Hyde et la décomposition minutieuse des sculptures publiques

Jusqu’au 26 février, la Galerie Les Filles du Calvaire accueille les Public sculpture de James Hyde. Des œuvres grand format mêlant photographie et peinture pour interroger notre perception de ces œuvres d’art installées dans l’espace publique.

« Lors d’une visite à Mexico, il y a dix ans, j’ai été intrigué par les sculptures publiques modernistes disséminées dans la ville. Bien que ces monuments aient été conçus pour être le centre d’intérêt de leur environnement immédiat, ils semblaient généralement mal aimés, voire ignorés. Ils incarnaient une certaine idéologie moderniste – la fonction positive de l’art dans la communauté et une inclusion qui se distinguait des monuments commémoratifs aux généraux et aux politiciens. Il me semblait que ces valeurs avaient été négligées tout comme les sculptures, et que ces dernières incarnaient cette tragédie »,

confie James Hyde. Ainsi est née Public Sculpture, une série à la croisée des arts, alliant photographie, peinture et collage, réel et abstraction, monotonie et couleurs.

Installé à Brooklyn, l’artiste développe aujourd’hui une pratique mixte aux nombreuses influences – des peintures de la Renaissance aux effets de matière de Jackson Pollock en passant par les expérimentations de l’École de New York (un mouvement artistique des années 1950 et 1960, inspiré par le surréalisme, l’avant-garde, l’expressionnisme abstrait ou encore la musique expérimentale, ndlr). Jouant avec les matériaux (sable, acrylique, verre, lin, vinyle…) il transforme ces images banales d’une architecture oubliée en œuvre unique, aux tons vibrants. Une manière de redonner à ces sculptures une place de choix.

© James Hyde / Courtesy Galerie Les Filles du Calvaire

Déconstruire le chaos

Contrastées par un accrochage minimaliste, les pièces de James Hyde happent le regard, l’attention. Des images des villes et des sculptures qu’elles abritent, il ne reste (presque) rien, seulement des traces que l’on devine sous un filtre coloré, une matière presque palpable. Il y a, dans les créations de l’auteur, une volonté de déconstruire le chaos pour le remettre en ordre – paradoxalement. Le réel est découpé, détourné, arraché de tout contexte, dissimulé derrière des figures géométriques aux formes parfaites, qui avalent tout élément reconnaissable. Ainsi sublimé, le paysage devient finalement aussi insensé que les œuvres d’art qu’il accueille – laissées à l’abandon dans des lieux urbains. Des êtres humains, l’artiste efface toute trace, à l’exception d’une ou deux silhouettes, perdues dans la contemplation des sculptures publiques. Une manière pour lui de souligner à nouveau l’ironie de notre désintérêt pour ces œuvres exposées au grand jour.

En contrepoint, c’est la raison d’être du médium photographique que James Hyde interroge. Comment voyons-nous le monde ? Une vision unique peut-elle exister ? En utilisant le 8e art comme toile de fond de ses œuvres, l’auteur nous invite à repenser notre manière de voir, d’analyser. Éclatés, dispersés, les différents fragments de notre monde doivent être raccrochés pour former un nouveau tout, et retrouver un sens. « L’appareil photo est lui-même un objet et il me semble que nous voyons le monde autant à travers des objets que par transparences. Ainsi, avec Public sculpture, j’explore l’environnement urbain à partir de la perspective – et de l’objectivité – de ces sculptures », explique-t-il. Une notion retravaillée en parallèle au cœur d’une œuvre en réalité augmentée, imaginée avec l’artiste Nathan Hauenstein, visible depuis l’entrée de la galerie. Accessible depuis nos smartphones, elle donne à voir une « sculpture dansante dans laquelle les éléments colorés des peintures exposées apparaissent et disparaissent, se rassemblent et se désagrègent. Une sorte d’analogue technologique de la manière dont les œuvres ont été composées », ajoute l’artiste.

© James Hyde / Courtesy Galerie Les Filles du Calvaire© James Hyde / Courtesy Galerie Les Filles du Calvaire

© James Hyde / Courtesy Galerie Les Filles du Calvaire

© James Hyde / Courtesy Galerie Les Filles du Calvaire© James Hyde / Courtesy Galerie Les Filles du Calvaire

© James Hyde / Courtesy Galerie Les Filles du Calvaire

© James Hyde / Courtesy Galerie Les Filles du Calvaire

Explorez
Wolfgang Tillmans revient sur sa carte blanche au Centre Pompidou
Wolfgang Tillmans à la Bpi, janvier 2025 © Centre Pompidou
Wolfgang Tillmans revient sur sa carte blanche au Centre Pompidou
Le Centre Pompidou lui donne carte blanche jusqu’au 22 septembre 2025, dernier accrochage avant la fermeture du bâtiment pour cinq ans de...
03 juillet 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Marco Dos Santos fait feu de tout bois
© Marco Dos Santos
Marco Dos Santos fait feu de tout bois
Mais peut-il seulement tenir en place ? Depuis plus de vingt ans, Marco Dos Santos trace une trajectoire indocile à travers les scènes...
02 juillet 2025   •  
Écrit par Milena III
Pentax x Nation Photo x Fisheye : trois visions du surréalisme à Arles
© Melina Barberi
Pentax x Nation Photo x Fisheye : trois visions du surréalisme à Arles
À l’occasion des Rencontres d’Arles 2025, Fisheye Magazine, en collaboration avec Pentax et Nation Photo, a lancé un concours de...
01 juillet 2025   •  
Écrit par Fabrice Laroche
La sélection Instagram #513 : les yeux dans les yeux
© Miriana Corabi / Instagram
La sélection Instagram #513 : les yeux dans les yeux
À travers des autoportraits, des photographies de leurs proches et d'inconnu·es, les artistes de notre sélection Instagram de la...
01 juillet 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les images de la semaine du 30 juin 2025 : sur les cimaises
Lesbians Unite, Revolutionary Women’s Conference, Limerick, Pennsylvanie, octobre 1970 © Donna Gottschalk, Courtesy de l’artiste et de Marcelle Alix
Les images de la semaine du 30 juin 2025 : sur les cimaises
Cette semaine, dans les pages de Fisheye, les images s’accrochent sur les cimaises de divers espaces d’expositions à Paris et ailleurs...
Il y a 1 heure   •  
Écrit par Marie Baranger
Arles 2025 : à la Galerie Triangle, la jeunesse a le dernier mot
© Nicolas Serve
Arles 2025 : à la Galerie Triangle, la jeunesse a le dernier mot
À l’occasion des Rencontres de la photographie d’Arles 2025, la Galerie Triangle revient avec GÉNÉRATION, un événement dense et...
05 juillet 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
L'été photographique de Lectoure : rassembler par l'image
Parce que. Ici., 2021-2025 © Anne Desplantez & les enfants du Sarthé
L’été photographique de Lectoure : rassembler par l’image
« Ensemble », l’édition 2025 de L’été photographique de Lectoure, met à l'honneur le collectif. Du 12 juillet au 21 septembre 2025, la...
04 juillet 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Nous autres, une ode à l'amitié et à la mémoire queer
Autoportrait avec JEB, E. 9th Street, New York, 1970 © Donna Gottschalk, Courtesy de l’artiste et de Marcelle Alix
Nous autres, une ode à l’amitié et à la mémoire queer
Avec Nous Autres, Donna Gottschalk et Hélène Giannecchini avec Carla Williams, présentée jusqu’au 16 novembre 2025, le Bal signe une...
04 juillet 2025   •  
Écrit par Marie Baranger