Jusqu’au 26 février, la Galerie Les Filles du Calvaire accueille les Public sculpture de James Hyde. Des œuvres grand format mêlant photographie et peinture pour interroger notre perception de ces œuvres d’art installées dans l’espace publique.
« Lors d’une visite à Mexico, il y a dix ans, j’ai été intrigué par les sculptures publiques modernistes disséminées dans la ville. Bien que ces monuments aient été conçus pour être le centre d’intérêt de leur environnement immédiat, ils semblaient généralement mal aimés, voire ignorés. Ils incarnaient une certaine idéologie moderniste – la fonction positive de l’art dans la communauté et une inclusion qui se distinguait des monuments commémoratifs aux généraux et aux politiciens. Il me semblait que ces valeurs avaient été négligées tout comme les sculptures, et que ces dernières incarnaient cette tragédie »,
confie James Hyde. Ainsi est née Public Sculpture, une série à la croisée des arts, alliant photographie, peinture et collage, réel et abstraction, monotonie et couleurs.
Installé à Brooklyn, l’artiste développe aujourd’hui une pratique mixte aux nombreuses influences – des peintures de la Renaissance aux effets de matière de Jackson Pollock en passant par les expérimentations de l’École de New York (un mouvement artistique des années 1950 et 1960, inspiré par le surréalisme, l’avant-garde, l’expressionnisme abstrait ou encore la musique expérimentale, ndlr). Jouant avec les matériaux (sable, acrylique, verre, lin, vinyle…) il transforme ces images banales d’une architecture oubliée en œuvre unique, aux tons vibrants. Une manière de redonner à ces sculptures une place de choix.
Déconstruire le chaos
Contrastées par un accrochage minimaliste, les pièces de James Hyde happent le regard, l’attention. Des images des villes et des sculptures qu’elles abritent, il ne reste (presque) rien, seulement des traces que l’on devine sous un filtre coloré, une matière presque palpable. Il y a, dans les créations de l’auteur, une volonté de déconstruire le chaos pour le remettre en ordre – paradoxalement. Le réel est découpé, détourné, arraché de tout contexte, dissimulé derrière des figures géométriques aux formes parfaites, qui avalent tout élément reconnaissable. Ainsi sublimé, le paysage devient finalement aussi insensé que les œuvres d’art qu’il accueille – laissées à l’abandon dans des lieux urbains. Des êtres humains, l’artiste efface toute trace, à l’exception d’une ou deux silhouettes, perdues dans la contemplation des sculptures publiques. Une manière pour lui de souligner à nouveau l’ironie de notre désintérêt pour ces œuvres exposées au grand jour.
En contrepoint, c’est la raison d’être du médium photographique que James Hyde interroge. Comment voyons-nous le monde ? Une vision unique peut-elle exister ? En utilisant le 8e art comme toile de fond de ses œuvres, l’auteur nous invite à repenser notre manière de voir, d’analyser. Éclatés, dispersés, les différents fragments de notre monde doivent être raccrochés pour former un nouveau tout, et retrouver un sens. « L’appareil photo est lui-même un objet et il me semble que nous voyons le monde autant à travers des objets que par transparences. Ainsi, avec Public sculpture, j’explore l’environnement urbain à partir de la perspective – et de l’objectivité – de ces sculptures », explique-t-il. Une notion retravaillée en parallèle au cœur d’une œuvre en réalité augmentée, imaginée avec l’artiste Nathan Hauenstein, visible depuis l’entrée de la galerie. Accessible depuis nos smartphones, elle donne à voir une « sculpture dansante dans laquelle les éléments colorés des peintures exposées apparaissent et disparaissent, se rassemblent et se désagrègent. Une sorte d’analogue technologique de la manière dont les œuvres ont été composées », ajoute l’artiste.
© James Hyde / Courtesy Galerie Les Filles du Calvaire