Jochen Lempert et l’invisible poésie de la nature

03 août 2022   •  
Écrit par Ana Corderot
Jochen Lempert et l’invisible poésie de la nature

Durant tout l’été, la galerie de photographie du Centre Pompidou, en contrepoint d’Allemagne / Années 1920 / Nouvelle Objectivité / August Sander, vous ouvre les portes de la rétrospective du photographe allemand Jochen Lempert. Biologiste de formation, l’artiste encapsule un écosystème délicat et personnel. Une exposition à découvrir jusqu’au 4 septembre 2022.

Diptyque de grenouilles, envolées de papillons, irruption soudaine d’un croissant de lune, détails microscopiques d’une feuille d’arbre… Teintées d’onirismes, les monochromes de Jochen Lempert inspectent le vivant d’un regard sensible et subjectif. D’abord biologiste et spécialiste des libellules, ce n’est qu’à partir de la fin des années 1980, à 31 ans, que l’artiste allemand se tourne vers le 8e art. En observateur aguerri, il privilégie alors un boîtier 50mm − qu’il utilise encore aujourd’hui − afin de conserver sa relation de proximité à  l’environnement qu’il chérit. Cette appétence pour le détail, l’exposition en cours à la galerie photographique en fait l’état, retraçant trois décennies de son travail photographique. Divisée en trois parties : « Physionomies / Morphologies », « Bioluminescence » et « Perception » − présentées sans chronologie distincte −, la rétrospective dévoile les contours d’une nature aérienne et parfois labile.

© Jochen Lempert

© Jochen Lempert

L’écosystème de l’intime

Avant de rentrer dans la galerie, un cartel nous avertit sur la fragilité des images exposées. Une caractéristique propre à la matérialité des œuvres, mais que l’on pourrait également relier aux sujets des clichés eux-mêmes. En effet, alternant entre grand et petits formats, Jochen Lempert révèlent une attention particulière portée aux papiers et aux textures, accentuant ainsi la sensualité de ses images. Déployés dans une scénographie minimaliste − voire certaines fois poussée à son paroxysme, avec des images dépourvues de cadres déposées sur les cimaises, ou en vitrines − les clichés aux titres simples et évocateurs dévoilent l’évanescence des organismes naturels et biologiques. Entre végétal, animal et humain, les mondes apparaissent et disparaissent dans la tendresse du regard de Jochen Lempert. À travers ses petites fables visuelles, la nature s’offre à nous, perd ses feuilles, se disloque, mais se renouvelle indéfiniment.

Et avec Jochen Lempert, la rondeur de la lune nous rassure, la poussière devient trainée d’étoiles, le sable dialogue avec la nuit dans Wandering Dune, les pointillées rugueux d’un corps animal s’apparentent aux cosmos. Ici, la faune et la flore s’incarnent et ressentent des milliers d’émotions. Poésie de l’infiniment petit, le travail de l’artiste traduit finalement toute la vulnérabilité d’un être humain dans un univers immensément grand. « Ces images délicates, poétiques, toujours en noir et blanc, rendent hommage aux explorations photographiques des plantes par Anna Atkins et Karl Blossfeldt ; elles résonnent tout autant avec l’iconographie surréaliste d’un Jean Painlevé comme avec l’œil objectif des photographes modernistes allemands », concluent les commissaires Florian Ebner et Julie Jones.

© Jochen Lempert© Jochen Lempert

© Jochen Lempert© Jochen Lempert

© Jochen Lempert© Jochen Lempert

© Jochen Lempert

© Jochen Lempert

Explorez
Dans l'œil de SMITH : métamorphose des sols
Dami (Fulmen), 2024 © SMITH, Courtesy Galerie Christophe Gaillard.
Dans l’œil de SMITH : métamorphose des sols
Aujourd’hui, plongée dans l’œil de SMITH, qui nous révèle les dessous de deux images issues de sa série Dami (Fulmen), réalisée lors de...
21 avril 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Mikiya Takimoto, en quête d’équilibre
© Mikiya Takimoto
Mikiya Takimoto, en quête d’équilibre
Photographe et chef opérateur japonais, Mikiya Takimoto explore en permanence les possibilités de l’image. Paysages silencieux...
17 avril 2025   •  
Écrit par Milena III
BMW ART MAKERS : Raphaëlle Peria et Fanny Robin révèlent la nature qui disparaît
Raphaëlle Peria, Arpenter le passé, grattage sur impression sur papier cuivré, 40x60cm, 2025 © Raphaëlle Peria / BMW ART MAKERS
BMW ART MAKERS : Raphaëlle Peria et Fanny Robin révèlent la nature qui disparaît
Raphaëlle Peria et Fanny Robin, l’artiste et la curatrice lauréates de la quatrième édition du BMW ART MAKERS, ont ouvert les portes de...
11 avril 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Le langage des fleurs selon des photographes de Fisheye
© Jana Sojka
Le langage des fleurs selon des photographes de Fisheye
Les photographes de Fisheye ne cessent de raconter les préoccupations de notre époque. Parmi les motifs qui reviennent fréquemment se...
20 mars 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Dans l'œil de SMITH : métamorphose des sols
Dami (Fulmen), 2024 © SMITH, Courtesy Galerie Christophe Gaillard.
Dans l’œil de SMITH : métamorphose des sols
Aujourd’hui, plongée dans l’œil de SMITH, qui nous révèle les dessous de deux images issues de sa série Dami (Fulmen), réalisée lors de...
21 avril 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #540 : Rosalie Kassanda et François Dareau
© Rosalie Kassanda
Les coups de cœur #540 : Rosalie Kassanda et François Dareau
Nos coups de cœur de la semaine, Rosalie Kassanda et François Dareau, arpentent les rues du monde en quête de quelques étonnements et...
21 avril 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 14 avril 2025 : mémoire et conversations
© Louise Desnos
Les images de la semaine du 14 avril 2025 : mémoire et conversations
C’est l’heure du récap ! Récits intimes, histoires personnelles ou collectives, approches de la photographie… Cette semaine, la mémoire...
20 avril 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Eulogy : Sander Coers et les traumatismes intergénérationnels
© Sander Coers
Eulogy : Sander Coers et les traumatismes intergénérationnels
Au fil de ses projets, Sander Coers sonde la mémoire en s’intéressant notamment à l’influence que nos souvenirs exercent sur notre...
19 avril 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet