« L’essence du visible » : la rétrospective Wright Morris

18 juin 2019   •  
Écrit par Julien Hory
« L'essence du visible » : la rétrospective Wright Morris

Jusqu’au 29 septembre, la Fondation Henri Cartier-Bresson propose une rétrospective de l’œuvre de Wright Morris, L’essence du visible. Cet écrivain photographe est à l’origine du livre photo-texte. Sans le savoir, il était à la pointe des questions formelles de son époque.

« Parfois, le tirage est inversé, car je n’y voyais pas très bien dans la chambre noire.Et puis en termes de design et de composition, je préférais l’inversée. (…) Pour moi « l’image » émerge dans le bain de développement et c’est la magie de cette apparition que je trouve le plus excitant.

» Ces mots pourraient être ceux de n’importe quel photographe amateur adepte de l’argentique. Parfois, Wright Morris (1910-1998), dont l’exposition L’essence du visible est présentée à la Fondation Henri Cartier-Bresson (Fondation HCB), s’est peut-être considéré ainsi. Mais il était surtout un expérimentateur visionnaire.

À l’origine, ce natif du Nebraska souhaitait se consacrer entièrement à la littérature. Mais il saisit très tôt le pouvoir narratif de la photographie et l’articulation que celle-ci peut avoir avec la littérature. C’est ce rapport entre images et écrits que la Fondation HCB a placé au cœur de sa scénographie. Le dispositif central reconstitue en grand format les pages des livres publiés par l’auteur à partir de 1946.

J’étais aussi photographe

Si cette approche est à l’époque presque inédite, il ne faut pas résumer l’œuvre de Wright Morris à ce dialogue entre texte et photo. Écrivain respecté, l’artiste américain a produit une œuvre photographique indépendante de son œuvre littéraire. Mais après deux publications de photo-texte, The Inhabitants et The Home Place, il cesse d’écrire par la lumière et retourne à l’encre.

C’est le conservateur du MoMA, John Szarkowski, qui lui fit comprendre qu’il n’était pas qu’écrivain. « Au milieu des années soixante, John Szarkowski m’a rappelé que j’étais aussi photographe. Je n’avais pas d’images nouvelles, mais en regardant les anciennes, j’ai remarqué que ma réaction à ces mêmes images avait changé. » De cette révélation naîtra God’s Country and My People. Cette œuvre capte l’âme de l’Amérique à travers le débordement de souvenirs de l’auteur.

Wright Morris © Estate of Wright Morris

Wright Morris, Dresser Drawer (Tiroir de commode), Ed’s Place, Northfolk, Nebraska, 1947 © Estate of Wright Morris

Du portrait sans présence humaine

« Cette nouvelle combinaison du visuel et du verbal, saturée de ma pratique du portrait sans présence humaine, cherchait à sauver ce que je considérais comme étant menacé », explique Wright Morris. C’est peut-être sous cet angle qu’il faut approcher cette œuvre habitée par l’absence. Dans ses images, tout donne l’impression que quelqu’un vient de se lever d’une chaise, d’utiliser un objet, de quitter un lit ou une pièce.

Et puis il y a ces paysages du Nebraska, ces fermes, ces silos à grains qui parlent à l’imaginaire du spectateur comme ils révèlent l’intériorité de l’auteur. C’est en ça que l’exposition L’essence du visible réussit son pari. Elle offre un accès privilégié à une œuvre intime qui parvient à construire une histoire commune. Sur cette quête de soi, Wright Morris a su poser des mots : « À force d’écrire, de faire l’effort de visualiser, je devins photographe, et à force de pratiquer la photographie, je devins un peu plus écrivain. »

Wright Morris © Estate of Wright Morris

Wright Morris, Cabinet extérieur, Nebraska, 1947 © Estate of Wright Morris

Wright Morris © Estate of Wright MorrisWright Morris © Estate of Wright Morris

Wright Morris, The Home Place, Nebraska, 1947 © Estate of Wright Morris

Wright Morris © Estate of Wright Morris

Wright Morris, Tomstone, Arizona, 1940 © Estate of Wright Morris

Explorez
La sélection Instagram #479 : émancipation impudente
© Jessica Haye et Clark Hsiao / Instagram
La sélection Instagram #479 : émancipation impudente
Notre sélection Instagram de la semaine respire la liberté. Les artistes capturent la désinvolture autant dans des paysages oniriques que...
Il y a 11 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 21.10.24 au 27.10.24 : voyages dans l’espace et la mémoire
© Valentin Valette
Les images de la semaine du 21.10.24 au 27.10.24 : voyages dans l’espace et la mémoire
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les photographes nous proposent divers voyages aux confins du monde comme de la mémoire.
27 octobre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Kenneth Josephson : fabricant d’images par essence
© Kenneth Josephson
Kenneth Josephson : fabricant d’images par essence
Jusqu’au 21 décembre, la Galerie Rouge à Paris expose Working the Photograph, monographie du photographe étasunien Kenneth Josephson. En...
26 octobre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
L’Anatolie d’Ebru Ceylan entre mélancolie et errance poétique
© Ebru Ceylan
L’Anatolie d’Ebru Ceylan entre mélancolie et errance poétique
Du 5 octobre au 28 décembre, le centre photographique lyonnais Le Bleu du Ciel accueille Inner World accueille une exposition d’Ebru...
16 octobre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Nothing Artificial : la Fisheye Gallery au-delà de ses murs
© Delphine Diallo
Nothing Artificial : la Fisheye Gallery au-delà de ses murs
À l’occasion de Paris Photo, la galerie parisienne de Fisheye amorce son nouveau positionnement en présentant, du 6 au 10...
Il y a 6 heures   •  
Écrit par Milena III
La sélection Instagram #479 : émancipation impudente
© Jessica Haye et Clark Hsiao / Instagram
La sélection Instagram #479 : émancipation impudente
Notre sélection Instagram de la semaine respire la liberté. Les artistes capturent la désinvolture autant dans des paysages oniriques que...
Il y a 11 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Le réseau Lux, nouvel acteur de la photographie, lance son premier évènement
© Robin Lopvet
Le réseau Lux, nouvel acteur de la photographie, lance son premier évènement
Du 6 novembre au 8 décembre 2024, le réseau Lux inaugure son premier évènement. À cette occasion, une vingtaine de foires et de...
04 novembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Découvrez le palmarès 2024 des Nuits Photo !
La femme de 8h47 © Fred Stucin & Olivier Jahan
Découvrez le palmarès 2024 des Nuits Photo !
À l’Entrepôt, dans le 14e arrondissement de la capitale, le festival dédié au film photographique Les Nuits Photo s’est clôturé...
04 novembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas