Clermont-Ferrand accueille jusqu’au 27 octobre la 14ème biennale photo Nicéphore +. Pour cette nouvelle édition, l’association Sténopé propose treize travaux autour du thème de la migration. Un évènement à découvrir jusqu’à samedi !
Nicéphore + ? Une première pour Fisheye. Et pourtant le festival bisannuel clermontois présente cette année sa 14ème édition autour du thème « Migrations ». À l’origine de ce projet, l’association Sténopé ou plutôt un groupe de passionnés par l’image, professionnels ou amateurs, tous convaincus que la culture et notamment la photographie doit s’étendre au-delà des portes de la capitale.
Nicéphore + propose différents regards autour d’un seul et même thème. « Il existe déjà un festival dédié au reportage, un autre est consacré aux questions environnementales. Nous souhaitions proposer quelque chose de différent », explique Patrick Ehme, le directeur artistique de la biennale. Un concept brillant et quasiment unique. Si l’on connaît déjà quelques travaux parmi les treize exposés, la réunion d’approches et esthétiques éclectiques apporte un éclairage intelligent. « De tout temps, mu par sa curiosité, poussé par des exodes, porté par ses désirs de conquêtes, l’homme n’a cessé de migrer », annonce Patrick. Politiques, économiques, environnementales ou encore personnelles, « Migrations » recouvre une notion atemporelle et multiple.
Migrations artistiques
Au coeur de l’Hôtel Fontfreyde, des photographes de l’agence AFP documentent la crise migratoire européenne et rendent visible l’invisible. De poignantes images témoignent du rêve européen. Départ, traversée, arrivée ou retrouvailles, à chaque temps fort, une image poignante. Plus loin, un espace est consacré à Stéphane Duroy et sa vision désenchantée du « rêve américain ». Il démystifie l’image de l’Amérique et la pratique du 8e art à travers son projet Unknown, un ouvrage devenu exposition pour l’occasion. Un travail plastique qui brouille les pistes entre les disciplines. Photographie, collage, peinture… Ce dernier présente ses migrations artistiques. Changement de décor avec les migrations quotidiennes enregistrées par Alejandro Cartagena.
Ce photographe mexicain propose avec ses Carpoollers une réflexion sur les conditions de travail de nombreux Mexicains et sur leur visibilité dans une société en crise. Chaque jour, des milliers de migrants prennent la route, en quête d’un avenir meilleur. À ces migrations forcées sont confrontées Les grandes vacances de Robert Doisneau. 1936 marque les premiers congés payés, et les premiers départs en vacances. Un exode bienheureux qui nous fait remonter le temps, entre maillots de bain d’époque et paysages marins. La mer est également l’un des éléments clefs des deux œuvres de Bruno Boudjelal. Car à travers ses Paysages du départ et ses Harragas, ce photographe algérien ne cesse de questionner ses origines et les contours de la mémoire de ces hommes qui quittent les rives du Maghreb.
Multiplier les approches et les regards.
Dans la chapelle de l’ancien hôpital général, le visiteur pourra découvrir trois travaux singuliers. Philippe Domergue et Eric Forcada proposent de redécouvrir la Retirada, soit l’exode des réfugiés espagnols durant la guerre civile. Un déplacement forcé qui touche près de 500 000 personnes. Le premier propose des photographies augmentées – structures de bois à taille humaine sur lesquelles sont collées des photographies- tandis que le second a rassemblé des photographies d’archives.
« Il y a aussi des migrations qui risquent d’être un jour les nôtres si l’on n’y prend pas garde », ajoute Patrick au sujet de Salt water tsars, un projet présenté au Centre Camille-Claudel. Son auteur, Munem Wasif, a photographié les ravages des changements climatiques au Benlagdesh, un « territoire qui n’est plus capable de faire vivre ses populations ». Quelques pas plus loin, le visiteur pourra découvrir la bande dessinée La fissure, conçue par Carlos Spottorno et Guillermo Abril. N’oublions pas les Mers intérieures d’Aglaé Bory qui mettent en scène des personnages de dos. Immobiles, ces voyageurs attendent le départ. Enfin Hervé Struck questionne le territoire vidés de toute humanité. Il présente des lieux de transition qu’il nomme tiers-espace.
Une très belle édition qui multiplient les approches et les regards.
© Philippe Domergue, œuvre réalisée à partir de photos de Manuel Moros
Image d’ouverture © Aglaé Bory