Laia Abril expose jusqu’au 9 décembre On Abortion, L’avortement, Une Vulnérabilité Universelle, le premier volet d’un travail au long cours consacré à la misogynie. Derniers jours pour vous rendre à la Maison des métallos, à Paris et découvrir une enquête poignante sur les accès à l’avortement.
Sans système de contraception, une femme tomberait enceinte en moyenne quinze fois dans sa vie et donnerait dix fois naissance. 47 000 femmes meurent chaque année des suites d’avortements clandestins. L’exposition On abortion, l’avortement, une vulnérabilité universelle présentée à la Maison des métallos s’ouvre sur ces données déchirantes. « Il ne s’agit pas d’un travail sur l’avortement, mais sur le non-accès à l’avortement », explique Laia Abril, une artiste multidisciplinaire espagnole. Cette dernière a parcouru le monde afin de documenter les risques encourus par les femmes enceintes et n’ayant pas accès à l’IVG. En résulte un livre et une exposition présentée en 2016 aux rencontres d’Arles et accueillie à Paris cette année, en collaboration avec Médecins Sans Frontières.
Mère à neuf ans. En novembre 2015, Inocencia, neuf ans, a donné naissance à un petit garçon au Nicaragua. Il était le fils de son propre père biologique, qui avait violé Inocencia à maintes reprises depuis l’âge de sept ans. De nombreux pays y compris le Paraguay, le Guatemala, le Honduras, le Venezuela, la Somalie, le Congo, l’Égypte, l’Iran et le Liban ne considèrent pas le viol comme raison légitime d’avorter et n’autorisent l’avortement que lorsque la vie de la mère est en danger. Encore plus stricts, le Nicaragua, le Salvador, la République dominicaine, Malte et le Vatican sont les cinq pays au monde où l’avortement n’est autorisé en aucune circonstance.
Les hommes manquent à l’appel
À la Maison des métallos, Laia Abril fait état de son enquête menée durant plus de huit ans. « L’avortement est un sujet compliqué, invisible dont on a pas forcément envie de discuter tous les jours. C’est pourquoi j’ai pensé ce projet en installation, mélangeant photos et objets », précise-t-elle. Le visiteur découvre d’abord les pratiques et instruments illégaux. Pour interrompre leur grossesse, certaines femmes ont recours aux plantes, d’autres ingèrent du poison ou plongent dans un bain brulant. Parmi les objets utilisés, aiguilles à tricoter, baleines de soutien-gorge, plumes de dindons, tiges de parapluie et le « tristement célèbre » cintre. S’en suivent des témoignages poignants. Viol, tentatives d’autoavortement, ou combats quotidiens contre le corps médical. L’artiste explore aussi la perspective du soignant. Laia expose par exemple des affiches types « Wanted ». Des mises à prix pour des médecins pratiquant l’avortement. La religion n’est pas épargnée. Une bande-son révèle les sermons culpabilisants d’un prêtre censé pardonner le péché de l’avortement. Les pressions sont multiples. L’artiste complète ce panorama avec des témoignages de médecins sans Frontières. « Avec cette installation, j’attire l’attention du visiteur et je l’invite à réfléchir », précise la photographe. Images non choquantes et témoignages poignants composent un environnement aseptisé, propice à la réflexion et à l’échange.
Au regard du public, le sujet divise ou du moins, mobilise différemment. Car à la Maison des métallos – comme deux ans plus tôt à Arles – les hommes manquent à l’appel. Pourquoi seules les femmes se sentent concernées ? Pourquoi les hommes ne parviennent pas à s’en emparer ? N’en ont-ils pas envie ? Ne se sentent-ils pas légitimes ? Un sujet universel témoignant d’un déséquilibre affligeant : au-delà des différences physiologiques, les hommes et les femmes ne sont pas égaux dans la question de la procréation.
© Laia Abril
© Anaïs Viand
Image d’ouverture © Laia Abril