Fisheye vous donne la parole durant le confinement. Chaque semaine, découvrez des photos et son auteur(e). Cyril Entzmann a réalisé À bientôt dans la vraie vie, une série, ou plutôt une ode intime à la joie, l’amour et la nostalgie.
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis né à Strasbourg dans les années 1970, je vis actuellement à Paris. Photographe depuis le début des années 2000, j’ai appris à éditer et à raconter des histoires en images au sein des agences Sygma puis Editing. Aujourd’hui, je suis membre de Divergence-images.
C’est à l’adolescence que la photo est devenue une évidence de vie et un objectif professionnel. Mes sujets de prédilection à l’époque ? Ma vie, mes amis, et mes amours. Un tourbillon d’émotions donc. Maintenant, j’essaye de devenir un « photographe complet » c’est-à-dire capable de tout faire, pour espérer encore vivre de la photo dans les années à venir. Mon approche reste plurielle et mouvante.
Comment vis-tu ton confinement ?
Assez bien finalement. Je suis confiné à Paris avec ma compagne et mes deux filles. Les journées passent vite, rythmées par la vie de famille, le travail de commande, les productions sur le confinement et la préparation de projets collectifs avec Divergence.
Je suis fasciné par la mutation urbaine en cours : moins de voitures, moins de pollution, la redécouverte du silence. Cela peut paraître idiot mais je suis heureux d’avoir vu Paris de cette manière une fois dans ma vie. Néanmoins, le climat ambiant est lourd. De nombreux décès, des personnes souffrantes, des travailleurs avec la peur au ventre… Tout ceci a impact sur mon ressenti et sur ce que je produis en photographie.
Tu réalises de nombreuses commandes professionnelles durant ce confinement. Quel a été le déclencheur de ta série personnelle, À bientôt dans la vraie vie ?
Pendant un an, nous avons été famille d’accueil pour l’École de Chiens Guides de Paris. Quand le confinement a été officialisé l’école a fermé ses portes et nous avons recueilli le chien que nous formions. À chaque fois que je le sors, j’emmène mon boîtier. J’ai fait presque toutes les photos extérieures avec lui. Il apprend vite, quand je prends mon appareil en main il ralentit, quand je fais une photo il s’assoit et m’attend, il est d’une patience infinie.
Qu’as-tu appris sur ta pratique photo en cette étrange période ?
Je développe une approche assez instinctive de l’acte photographique et j’aime les sujets pour lesquels le temps s’étire. Je me sens donc à l’aise avec la longueur et la langueur de ce moment. Pour cette série je voulais capturer en images les émotions qui naissent du confinement. Utiliser la réalité nécessaire à toute image pour évoquer les sentiments qui nous traversent – de l’euphorie à l’angoisse en passant par la peur – dans cette période que l’on annonce historique. Le tout dans un huis clos. Finalement on s’éloigne de l’extérieur pour se rapprocher à l’intérieur. On apprend beaucoup sur nous et sur les autres.
Si tu devais être confiné avec un ou une photographe, qui serait l’heureux.se élu.e ?
Denis Roche pour apprendre à saisir au plus près la poésie de l’intime, Ralph Gibson pour la beauté pure de ses compositions, Trent Parke pour son énergie et ses noir et blanc puissants, Jacques Henri-Lartigue pour la belle vie ou encore Sophie Calle pour le simple concept d’être confiné avec elle.
Et si je suis vraiment honnête je crois que la seule personne avec qui je veux être confiné c’est ma compagne. D’ailleurs, avec un smartphone elle est bien meilleure photographe que moi ! C’est @miliochka sur insta.
Quel est ton mantra favori, histoire de rester optimiste ?
“Marcher sur l’eau, éviter les péages, jamais souffrir, juste faire hennir les chevaux du plaisir…” (Alain Bashung / Jean Fauque)
Un dernier mot ?
À bientôt dans la vraie vie !
© Cyril Entzmann