Sorcières, femme & nature, le troisième numéro de l’artzine SHEGAZES, fondé par Caroline Ruffault, est sorti en mars 2019. Un hommage à ces femmes atypiques et inspirantes, vivant en osmose avec la nature.
« Toutes les images ont un sens. Toutes les images sont politiques. »
Cette phrase conclut l’introduction du deuxième numéro de SHEGAZES, un zine (une publication indépendante, entre le magazine et le livre, et distribuée en faible quantité, ndlr) créé par la photographe Caroline Ruffault, combinant photographies, dessins et textes. Depuis plusieurs années, l’auteure s’interroge sur le regard porté sur les femmes. « Je suis inspirée par un essai de la critique et réalisatrice Laura Mulvey, intitulé Plaisir visuel et cinéma narratif. Elle y présente la façon dont les femmes sont traitées uniquement comme des objets de plaisir visuel pour le spectateur masculin. Les femmes ont grandi en regardant ces films faits par des hommes, et ont pris l’habitude de regarder les femmes à travers l’œil d’un homme », explique-t-elle.
Pour Caroline Ruffault, chaque image comporte une dimension politique. Une réflexion qui l’a poussée à fonder ce zine, afin de croiser des regards d’artistes, et de développer cette pensée. Un appel à participation est toujours ouvert, sur le site de la revue, invitant les artistes à envoyer photographies, textes et dessins. Une manière de faire cohabiter en un numéro des regards qui ne s’étaient jamais croisés.
Une osmose entre corps et nature
Après avoir abordé le sujet des règles, un thème tabou même dans les sociétés occidentales, Caroline Ruffault a dédié le troisième opus de SHEGAZES aux sorcières. Femmes de science, ou vieillardes effrayantes, objet de désir ou de peur pour des hommes qui n’ont cessé de les représenter dans l’art, les sorcières sont avant tout « des figures contestataires et puissantes, premières victimes du capitalisme naissant. Le symbole de ce mouvement qui voit un lien et une lutte commune entre l’exploitation et la dégradation du monde naturel et l’oppression des femmes » déclare la photographe.
Dans ce nouveau chapitre, les ensorceleuses deviennent des femmes rebelles, vivant en harmonie avec la nature. Des écoféministes qui nouent un lien intime et intuitif avec leur environnement. Une osmose bienfaitrice entre corps et nature. « Face à l’urgence du changement climatique, ce lien devient une nécessité », précise l’artiste. Les figures de proue de ce numéro ? Émilie Hache, philosophe et auteure de l’ouvrage Reclaim, recueil de textes écoféministes, et la sorcière Starhawk. La première déclarait : « Se réapproprier ce qui relève de la féminité, c’est d’abord apprendre à aimer son corps contre la haine de la culture patriarcale », tandis que la seconde participait aux luttes féminines antinucléaires et antimilitaristes dans les années 1970-1980. Des modèles aussi atypiques que réjouissants. À côté de leurs mots, des images d’arbres noueux, de nature sauvage, et de corps nus et libres se succèdent. Une ode à ces femmes captivantes et inspirantes.
SHEGAZES, photo et artzine, 8 €
© Caroline Ruffault
© Anna Hell
© à g. Agustina Puricelli, à d. Leilam Carry
© Megan Doherty
© à g. Chloe Gregoire, à d. Caroline Ruffault
© Caroline Ruffault
© Tania Franco Klein
Image d’ouverture : © Anna Hell