Todd Hido, une errance hors du temps

06 septembre 2019   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Todd Hido, une errance hors du temps

Le photographe américain Todd Hido sublime d’une main de maître son environnement. Dans Light from within, exposition accueillie par la Galerie Les filles du calvaire, il construit un univers à l’obscurité magnétique, berceau de nombreux récits.

Un enchevêtrement de paysages urbains et sauvages, et de portraits mystérieux, tous éclairés par une lumière envoûtante colore les murs blancs de la Galerie Les filles du calvaire. Sur les deux étages, les œuvres de Todd Hido semblent nous inviter à une errance hors du temps. L’exposition regroupe House Hunting et Bright Black World, deux séries capturant l’espace avec singularité. À l’étage, des portraits grand format apportent une touche de délicatesse à un univers jusqu’alors dépeuplé.

Il s’agit là d’un fil rouge de l’œuvre du photographe. L’Homme laisse deviner sa présence au moyen d’une lumière allumée à une fenêtre, ou d’un lampadaire luttant contre l’obscurité, avant d’envahir l’image dans des mises en scène sensuelles. D’abord secret, enfermé dans son intimité, l’être humain se révèle au visiteur au moyen d’éclairages : le halo froid d’un poste de télévision, ou la clarté chaleureuse d’un salon illuminent les murs sombres des maisons des banlieues pavillonnaires. Dans Bright Black World, en revanche, la nature domine, et dévoile çà et là quelques ruines d’un artificiel déchu. Qu’est devenue l’espèce humaine ? Existe-t-elle encore ? En sublimant, révélant ou effaçant ses traces, Todd Hido construit un récit pluriel qui, en se confrontant à chaque nouveau regard, se métamorphose et grandit.

© Todd Hido / courtesy Galerie Les filles du calvaire

Inviter la fiction

« Je suis souvent attiré par les endroits qui invitent la fiction. J’aime créer des images suggestives, qui possèdent le potentiel d’être lues de manières différentes. Je ne veux pas que l’histoire soit évidente. On est toujours plus intrigué par ce que l’on ne comprend pas totalement »,

confie le photographe. Brumeux, parfois picturaux, les paysages qu’il capture inspirent des envolées imaginaires. Présentés en moyen et grand format, les tirages de l’exposition attirent le regard et imposent une pause loin du bruit de Paris. Dans le calme de la galerie, ils se transforment en décors, déserts et somptueux. Une immersion dans un monde où la noirceur règne, tendre et imposante.

C’est toujours avec subtilité que Todd Hido invite les visiteurs à pénétrer dans son univers. À travers House Hunting, il présente au public sa vision de la solitude et des relations humaines. Lorsque deux fenêtres d’une même maison sont éclairées, quelle émotion projettent-elles ? Les protagonistes derrière les murs s’isolent-ils volontairement ? Pourquoi ne dialoguent-ils pas ? Au cœur de Bright Black World, il voyage ensuite jusqu’aux pays nordiques à la recherche de paysages hivernaux. Sur les images, les reliefs des fleuves glacés semblent presque palpables. « Il ne fait aucun doute que ce travail porte sur le changement climatique. Bien que beaucoup de gens soient dans le déni total de cette mutation, elle se produit bien plus rapidement que prévu », explique-t-il. Mais l’artiste, venu de l’Ohio, demeure un éternel optimiste. En questionnant notre société, il espère lui rappeler la nécessité d’une évolution. Une étincelle éclairant un futur obscur ; écho aux fabuleuses lumières de ses images.

 

Light from within

Jusqu’au 19 octobre 2019

Galerie Les filles du calvaire

17 Rue des Filles du Calvaire, 75003 Paris

© Todd Hido / courtesy Galerie Les filles du calvaire

© Todd Hido / courtesy Galerie Les filles du calvaire© Todd Hido / courtesy Galerie Les filles du calvaire

© Todd Hido / courtesy Galerie Les filles du calvaire

© Todd Hido / courtesy Galerie Les filles du calvaire© Todd Hido / courtesy Galerie Les filles du calvaire

© Todd Hido / courtesy Galerie Les filles du calvaire

© Todd Hido / courtesy Galerie Les filles du calvaire

Explorez
Les images de la semaine du 4 août 2025 : revoir le monde
Metropolis III, 1987 © Beatrice Helg
Les images de la semaine du 4 août 2025 : revoir le monde
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les photographes de Fisheye nous invitent à porter un autre regard sur le monde selon des...
10 août 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Béatrice Helg : la musique du silence
Éclats IV, 2013 © Beatrice Helg
Béatrice Helg : la musique du silence
Au musée Réattu d’Arles, dans la fraîcheur d’une ancienne commanderie de chevaliers, le silence devient matière. Jusqu’au 5 octobre 2025...
05 août 2025   •  
Écrit par Benoît Baume
La sélection Instagram #518 : silences nocturnes
© Adélie Martin Bardot / Instagram
La sélection Instagram #518 : silences nocturnes
La nuit, les monstres s’éveillent, les rêves s’animent. Si elle peut être inquiétante, elle est aussi le temps de la féerie. Les artistes...
05 août 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Les coups de cœur #553 : Chiara Benzi et Yann Delord
Endure © Chiara Benzi
Les coups de cœur #553 : Chiara Benzi et Yann Delord
Chiara Benzi et Yann Delord, nos coups de cœur de la semaine, explorent le monde comme la nature humaine. La première nous propose une...
04 août 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les coups de cœur #554 : Katarina Marković et Marine Payré
© Katarina Marković
Les coups de cœur #554 : Katarina Marković et Marine Payré
Katarina Marković et Marine Payré, nos coups de cœur de la semaine, apprécient jouer avec le flou dans leurs portraits. La première les...
Il y a 1 heure   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les images de la semaine du 4 août 2025 : revoir le monde
Metropolis III, 1987 © Beatrice Helg
Les images de la semaine du 4 août 2025 : revoir le monde
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les photographes de Fisheye nous invitent à porter un autre regard sur le monde selon des...
10 août 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Chiara Indelicato, voix de Stromboli
© Chiara Indelicato, Pelle di Lava
Chiara Indelicato, voix de Stromboli
Exposée à la galerie Anne Clergue, à Arles, jusqu’au 6 septembre 2025, Pelle di Lava, le livre de Chiara Indelicato paru cette année chez...
09 août 2025   •  
Écrit par Milena III
Axelle Cassini : se rencontrer dans l'autre
Autoportrait © Axelle Cassini
Axelle Cassini : se rencontrer dans l’autre
Comment s’auto-représenter ? Quel lien entre image et identité ? Axelle Cassini, à travers son œuvre poétique et nuancée, explore ces...
08 août 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot