Pour sa 29ᵉ édition, l’Été photographique de Lectoure, organisé par le Centre d’art et de photographie, aborde un thème cher au monde de l’art : la collection.
Derrière chaque collection, il y a des choix de collectionneurs et la création d’une nouvelle réalité. Parfois même, les artistes en sont mis à l’écart, comme si le collectionneur redéfinissait l’œuvre en se l’appropriant. Marie-Frédérique Hallin, directrice du Centre d’art et de photographie de Lectoure, a souhaité aborder ce thème fondamental de l’histoire de l’art, qui prend ses racines dans une passion primaire : rassembler des objets pour raconter le monde, en créer un nouveau, ou encore pour parler de soi. Ce geste de conservation est primordial, notamment dans l’histoire de la photographie. L’édition 2018 de l’Été photographique de Lectoure est une immersion dans ce que les collections ont de plus intime. En déambulant dans cinq lieux chargés d’histoire, on se sent soudainement privilégiés, comme lorsque nous est confié un secret conservé précieusement. Focus sur les deux coups de coeur de la rédaction.
Reprendre possession des lieux
Pour se mettre dans l’ambiance du travail d’Arno Brignon situé au premier étage de l’ancien hôpital de Lectoure, un détour s’impose au rez-de-chaussée, au milieu des mille trouvailles du “village des brocs”, le repère des brocanteurs du coin. Le voyage dans le souvenir est alors engagé. Dans ce bâtiment construit au 12ᵉ siècle par les Comtes d’Armagnac, les murs semblent garder l’histoire de la ville. Arno Brignon a passé plusieurs mois en résidence dans la région. En utilisant la camera obscura pour réaliser des portraits d’habitants, il révèle leurs histoires à travers des images de caractère. Les photographies développées à même les murs redonnent vie à cette bâtisse partiellement abandonnée. À côté de ces immenses portraits monochromes, l’artiste partage ses expériences de la résidence. Il raconte, entre autres, l’attachement des habitants à leur commune : « Certains sont partis faire leur temps ailleurs (…) mais une force presque mystique semble les faire revenir entre les remparts de Lectoure ». Un travail sensible dont les aspérités des images, dues au procédé, se confondent avec celles des murs. Les habitants reprennent possession des lieux. Ces portraits sont autant de témoignages qui viennent déplorer la fermeture de cet hôpital en 2011. À travers ces portraits de famille, Arno Brignon convoque et projette les esprits du passé et invite le spectateur à imaginer la suite.
© Arno Brignon
Un univers intimiste et surréaliste
C’est dans la belle halle aux grains gersoise que l’on découvre les travaux d’Annabel Werbrouck. La photographe belge fouille, chine, collecte des photographies d’inconnus. En s’appropriant ces images orphelines, et en les couplant à d’autres, elle les inscrit dans de nouveaux récits. Pourquoi prendre des photos quand la planète en est déjà inondée ? Tel était son propos de départ. La sélection présentée ici, tirée des séries Les oubliés I et II, réinvente la notion de collecte. Ces images dénichées sont autant de petites trouvailles que l’artiste transfigure en faisant siennes. Il y a quelque chose de presque enfantin, sans rien enlever à la technicité, dans sa manière de sublimer ces images vernaculaires. Annabel Werbrouk a su créer un univers intimiste et surréaliste en manipulant ces portraits d’étrangers, toujours en noir et blanc. C’est l’essence même du principe de la collection qui est exposé là. Rassembler pour créer.
© Annabel Werbrouck
Photo d’ouverture © Arno Brignon