Laia Abril présente On rape, le deuxième chapitre de sa série A History of Misogyny. Un nouvel opus dédié au viol et à ses mécanismes d’institutionnalisation. Une exposition glaçante et indispensable, visible à la galerie Les Filles du Calvaire jusqu’au 22 février.
Pourquoi les victimes de viols sont-elles trop souvent jugées coupables ? La notion de masculinité est-elle nécessairement liée aux violences sexuelles ? Pourquoi faut-il attendre que plus d’1,7 million de personnes signent une pétition pour que des hommes soient jugés comme auteurs de viols collectifs et non comme auteurs de graves dommages ? La violence sexuelle est-elle devenue une norme ? En Inde, les femmes qui résistent à l’agression se font raser la tête. La liste des inepties exposées à la galerie Les Filles du Calvaire est longue, et les questions associées tout autant. Laia Abril, formée au journalisme, signe une fois de plus un travail impressionnant. « J’aime collecter et connecter des informations entre elles. Mon rôle ? Rendre visibles des sujets invisibles », confie l’artiste espagnole qui partage, à Paris, et en exclusivité, le second chapitre de son vaste projet amorcé en 2016 : A History of Misogyny.
« Je voulais comprendre pourquoi certaines structures institutionnelles telles que la justice, le droit, et la politique, non seulement échouaient face aux victimes de viols, mais encourageaient en réalité les agresseurs, en préservant les rapports de pouvoir et le viol comme norme sociale », explique l’artiste. Pour ce faire, elle développe le même protocole que pour son précédent chapitre. L’installation se compose de clichés noir et blanc clinique, d’étranges objets, et de témoignages bouleversants. En parcourant les deux espaces d’exposition, il est finalement plus difficile de lire les images que de les regarder.
« J’ai vu mon mari pour la première fois le jour de mon mariage. Ses amis m’ont conduit à lui. Je pensais que je n’allais pas pouvoir le supporter, car j’étais furieuse contre lui, j’aimais un autre homme et je rêvais de devenir sa femme. Au lieu de cela, j’ai été forcée d’épouser l’homme qui m’avait kidnappée » Alina, Kyrgystan
Poser les bonnes questions
Plus qu’une exposition, On rape s’impose comme un acte politique. Pour preuve, Laia Abril a démarré ce projet à la suite d’un fait divers local profondément marquant et entraînant la plus grande protestation féministe de l’histoire du pays. « En 2018, la justice espagnole a libéré cinq hommes qui avaient violé une jeune femme de 18 ans, jugés initialement pour abus sexuel plutôt que pour viol, remettant en question la jurisprudence espagnole face au viol. » Son protocole ne suit pas une chronologie, elle revisite pourtant l’histoire afin d’identifier « les stéréotypes et les mythes fondés sur le genre ». L’inexistence d’un terme médical désignant le vagin jusqu’au 18e siècle, les kits de preuve de viol distribués aux États-Unis dans les années 1970 ou encore les camps de viol pendant la guerre en Bosnie-Herzégovine (1992-1995), la photographe espagnole ne ferme les yeux sur aucune horreur et s’attaque aux institutions et autres figures de l’autorité. Dans son viseur ? L’armée, la politique ou encore la religion… L’œuvre Intitrable rassemblant plus de 3000 portraits trouvés dans les bases de données en ligne de prêtres catholiques termine ce parcours plus que nauséeux. Oui, le corps d’une femme n’est pas une scène de crime ni un défouloir. Oui, les structures institutionnelles doivent enfin reconnaître leurs responsabilités. Et non, la misogynie ne doit pas s’imposer comme une notion intemporelle. Une fois encore, Laia Abril pose les bonnes questions, et rétablit la vérité.
Le samedi 15 février, à 15h, Laia Abril sera présente à la galerie Les Filles du Calvaire pour une rencontre/discussion avec Valérie Duponchelle (grand reporter art au Figaro). Entrée libre, dans la limite des places disponibles.
© Laia Abril / Courtesy Les Filles du Calvaire
© Galerie Filles Du Calvaire